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Les droits humains suspendent leur vol

Une réunion de la Commission des droits de l'homme au Palais des nations, à Genève. Keystone

A Genève comme à New York, l'incertitude est totale sur l'avenir des droits de l'homme à l'ONU, un dossier dans lequel la Suisse s'est fortement impliquée.

La Commission des droits de l’homme a repoussé la tenue de ses assises annuelles. Et ce pour donner une nouvelle chance au Conseil des droits humains, l’institution qui doit prendre sa place.

Ce lundi, le président péruvien de la Commission des droits de l’homme (CDH) a proposé aux 53 Etats membres de l’organisme onusien de retarder d’une semaine l’ouverture de sa 62e session.

Manuel Rodriguez Cuadros espère d’ici là une décision finale à New York sur le futur Conseil des droits humains.

En effet, la nouvelle institution censée venir en aide et protéger les victimes des Etats violateurs doit encore être approuvée par l’Assemblée générale de l’ONU. Une décision plusieurs fois repoussée et qui pourrait tomber ces prochains jours, selon son président Jan Eliasson.

Le Suédois qui mène les négociations sur la forme que doit prendre le futur Conseil veut profiter de ces quelques jours supplémentaires pour obtenir «le plus large soutien possible au projet», selon ces mots. En clair, il s’agit de lever l’opposition des Etats-Unis.

Selon l’agence Inter Press Service en effet, ces tractations ne se tiennent plus qu’entre Jan Eliasson, Kofi Annan (secrétaire général des Nations Unies) et Condoleezza Rice, la ministre américaine des affaires étrangères.

Lignes de front

Car Washington estime que le futur Conseil risque de reproduire la tare principale de l’actuelle Commission, à savoir de permettre à des Etats qui violent gravement les droits de l’homme de siéger en son sein.

Un point de vue partagé par des ONG comme UN Watch (réputée proche des néo-conservateurs américains) ou Reporters sans frontières (toujours très critique à l’égard de l’ONU).

Les principales organisations de défense des droits humains, elles, estiment au contraire que le projet négocié par Jan Eliason constitue «une base solide pour renforcer les mécanismes onusiens de protection des droits de l’homme», selon les termes d’un communiqué signé par des ONG comme Amnesty International ou Human Rights Watch.

Elles sont suivies en cela par la Suisse, l’Union européenne (UE) et l’Amérique latine.

A première vue, toutes les parties en présence rivalisent pour obtenir le meilleur résultat possible. Mais dans les faits, ce processus risque bien d’aboutir à une victoire des ennemis des libertés publiques.

En effet, faute d’un accord rapide, le projet de Conseil des droits de l’homme pourrait bien être renvoyé aux calendes grecques.

Un recul sur les droits de l’homme

Mais ça n’est pas tout. Ce feu vert sans cesse différé menace aussi directement le meilleur de l’actuelle Commission des droits de l’homme, à savoir les enquêtes menées par les experts indépendants qu’elle mandate.

«Cette session de la Commission doit renouveler 21 mandats de ces rapporteurs spéciaux. Or, les 53 Etats membres de la CDH sont totalement divisés sur la tenue ou non de la 62ème session de la commission des droits de l’homme. Ces enquêtes risquent donc de passer à la trappe», souligne Adrien-Claude Zoller.

Le directeur de ‘Genève pour les droits de l’homme’ craint en effet que les régimes autoritaires élus au sein de la Commission des droits de l’homme – cause de son discrédit actuel – ne profitent de l’occasion pour se débarrasser d’un maximum de ces mandats.

Pour la diplomatie helvétique, l’enjeu est aussi crucial. C’est en effet l’avenir du Conseil des droits humains – une idée suisse, comme le martèle le cheffe de la diplomatie suisse Micheline Calmy- Rey – qui est en jeu.

Mais en cas d’échec, c’est également le rôle de Genève, capitale des droits de l’homme qui risque de souffrir. Sans Conseil des droits de l’homme, c’est l’actuelle Commission qui subsistera, alors que plus personne – ou presque – ne lui accorde la moindre crédibilité.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

En mars 2004, la ministre suisse Micheline Calmy-Rey lance l’idée du Conseil des droits humains.

Jan Eliasson, président de l’assemblée générale des Nations Unies, est chargé de négocier la forme de ce nouvel organisme avec les 191 Etats membres de l’ONU, un mandat qui se termine en juin 2006.

Ce futur Conseil doit remplacer la Commission des droits de l’homme de l’ONU, un organisme créé en 1946 et qui tient chaque année à Genève ces assises durant 6 semaines.

La 62e session de cette commission s’est ouverte brièvement le 13 mars pour repousser d’une semaine l’ouverture de ses travaux.

Entre temps, l’Assemblée générale de l’ONU à New York pourrait adopter le projet de Conseil des droits humains.

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