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Les jours de la fumée dans les lieux publics sont comptés

La cigarette pourrait bientôt n'être plus qu'un souvenir dans les restaurants suisses. Keystone

Après la Chambre basse, la Chambre haute du Parlement suisse a accepté mardi de légiférer en matière de fumée dans les lieux publics. Cette volonté fait écho à des lois déjà adoptées dans certains cantons.

Reste maintenant à éliminer les divergences entre les deux Chambres du Parlement, les députés se montrant plus sensibles aux arguments des restaurateurs que les sénateurs.

L’ensemble de la population suisse doit être protégé contre le tabagisme passif. Dans le sillage de la Chambre basse, la Chambre haute ouvre les bras à un projet de loi fédérale.

Rappelons que le projet de loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif, qui a été débattu, est l’aboutissement d’une initiative parlementaire déposée en octobre 2004 par Felix Gutzwiller, alors député et désormais sénateur.

Cette loi fixe comme principe une interdiction de fumer dans les espaces servant de lieux de travail à plusieurs personnes ainsi que dans toute une série d’espaces publics: de l’administration publique aux hôpitaux, en passant par les centres commerciaux et les gares. Les locaux à usage privé ne seraient pas concernés.

A l’écoute de l’opinion

Devant ses collègues sénateurs, Liliane Maury Pasquier a rappelé les méfaits du tabagisme passif: chaque année en Suisse, il coûte la vie à plusieurs centaines de personnes et entraîne une facture de quelque 500 millions de francs. «La population veut qu’on prenne des mesures et pas seulement des demi-mesures», a souligné pour sa part Gisèle Ory.

Pour le sénateur Dick Marty, il est indiscutable qu’il y a eu un changement culturel en Suisse face au problème de la fumée passive. Les scrutins organisés dans divers cantons – où des lois interdisant la fumée dans les lieux publics ont été acceptées – en témoignent. Le Parlement doit être à l’écoute de l’opinion publique au risque d’être confronté à une initiative populaire.

Le ministre de la Santé Pascal Couchepin a pour sa part relevé que le projet de loi était «plein de bon sens et proportionné».

Liberté en question

L’interdiction de fumer dans les hôpitaux, homes, écoles, prisons, musées, théâtres, cinémas ou administrations publiques n’a pas été contestée. Les infractions seront punissables de 1000 francs d’amende.

Mais le sort réservé à la fumée dans les restaurants, bars ou boîtes de nuit a prêté à discussion. Président de l’Association du commerce de tabac, Hans Hess a mis en garde contre les effets négatifs pour l’hôtellerie et la restauration. Par ailleurs, l’interdiction de fumer dans les restaurants ou les bars est une restriction excessive des libertés individuelles.

Selon Dick Marty, les expériences faites en Italie et au Tessin prouvent le contraire et même les fumeurs sont conquis. Les Genevois, qui ont accepté le 24 février dernier de bannir la fumée de tous les établissements publics, ne sont pas des ennemis de la liberté, a pour sa part rétorqué Robert Cramer. L’enjeu d’une telle législation est avant de protéger les travailleurs et, en matière de santé publique, les dérogations ne sont pas tolérables.

Interdiction et exceptions

Des zones fumeurs pourront toutefois être aménagées à condition d’être désignées comme telles, isolées par une séparation et dotées d’une ventilation suffisante. En principe, aucun service ne devrait être assuré par le personnel dans ces fumoirs.

La Chambre haute a néanmoins accepté qu’à titre exceptionnel et sous réserve de leur accord explicite, les employés puissent travailler dans ces fumoirs. Pas questions en revanche d’autoriser des établissements entièrement fumeurs.

La Chambre basse proposait cette dérogation pour les hôtels, restaurants et autres boîtes de nuit prouvant qu’une séparation entre zones fumeurs et non-fumeurs n’est pas possible. Les sénateurs ont rejeté cette exception à la règle. Ils ont également refusé de laisser à ces mêmes établissements un sursis de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi pour appliquer l’interdiction de fumer.

Liberté laissée aux cantons

Les sénateurs ont accepté de laisser aux cantons la liberté de poser des règles encore plus strictes. Cette décision a été critiquée par les tenants d’une réglementation plus laxiste. Cette disposition créerait la confusion. Les cafetiers, les clients ou les touristes n’y comprendront plus rien si les règles changent d’un lieu à l’autre, a argumenté Hans Hess.

Pour le ministre de la Santé Pascal Couchepin, il s’agit d’un choix politique. Il y aura de toute façon une certaine insécurité juridique tant si l’on précise que les cantons peuvent édicter d’autres règles ou que si l’on biffe cette disposition.

Le projet de loi retourne maintenant aux députés, afin d’éliminer les divergences entre les deux Chambres.

swissinfo et les agences

Selon un rapport du gouvernement, 400 personnes meurent chaque année en Suisse des suites de la fumée passive. Soit, sur un plan économique, un coût de 500 millions de francs par année.
Selon les chiffres 2007, 29% de la population Suisse fume.
Une enquête récente de l’université de Zurich affirme qu’une majorité des personnes âgées de 14 à 65 ans sont favorables à l’interdiction de fumer dans les restaurants et les bars.

En avril 2007, suite à une votation qui a eu lieu en 2006, le canton italophone du Tessin a été le 1er canton suisse à imposer l’interdiction de fumer dans les lieux publics.

Depuis, cinq autres cantons ont accepté des législations similaires: Soleure, les Grisons, Appenzell Rhodes-Extérieures, le Valais et Genève.

La fumée a été interdite sur l’ensemble du réseau des transports publics en décembre 2005.

En 2004, la République d’Irlande a été le premier pays de l’Union Européenne à interdire la fumée sur les lieux de travail, y compris dans les restaurants et les pubs.

De nombreux autres pays européens, dont la France, l’Italie et la Grande-Bretagne, ont imposé les interdictions semblables. Certains autorisent l’existence de fumoirs – salles séparées et bien aérées.

En Allemagne, les Länder devraient introduire une législation de ce type vers le milieu de cette année, en conformité avec des recommandations de l’UE.

Selon la loi américaine, ce sont les Etats et les autorités locales qui peuvent décider d’interdire la fumée. Actuellement, plus de la moitié des Etats ont une politique stricte d’interdiction de la fumée dans les restaurants et les bars.

Le Canada a présenté une loi fédérale protégeant les non-fumeurs sur les lieux de travail en 1986 déjà. Elle autorise l’existence de fumoirs.

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