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Mobilisation internationale pour la libération de Polanski

Keystone

Au surlendemain de l'arrestation de Roman Polanski à Zurich, la mobilisation s'organise pour tenter de faire libérer le cinéaste franco-polonais. Mais pour le professeur de droit Laurent Moreillon, il est très peu probable que les Américains n'obtiennent pas son extradition.

Les ministres français et polonais des Affaires étrangères ont écrit lundi à leur homologue américaine Hillary Clinton. Dans leur missive, ils demandent à Washington de renoncer à extrader Roman Polanski, sous le coup d’une procédure ouverte en 1977 par les autorités américaines pour des relations sexuelles illégales avec une mineure de 13 ans.

En France, une vive indignation a suivi l’arrestation du cinéaste à son arrivée à l’aéroport de Zurich samedi soir. Lundi matin, sur la radio France Inter, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner s’est joint aux critiques en condamnant la «manière dont la justice a été utilisée» dans cette affaire.

«C’est un peu sinistre cette histoire, franchement. Un homme d’un tel talent reconnu dans le monde entier (…), tout ça n’est pas sympathique», a observé le chef de la diplomatie française. «Tout ça n’est pas très joli», a-t-il ajouté.

Les artistes se mobilisent

En France toujours, une pétition d’artistes a été lancée pour réclamer la libération de Roman Polanski. Le cinéaste Costa-Gavras, les comédiennes Fanny Ardant et Monica Bellucci font partie des premiers signataires. En Suisse, Michel Bühler, Ursula Meier, Alain Tanner ou encore Fernand Melgar ont signé leur propre pétition avec une centaine d’autres artistes.

L’arrestation de Roman Polanski est «désastreuse pour l’image de la Suisse en général et pour l’image de la Suisse culturelle en particulier», a indiqué Frédéric Maire, futur directeur de la Cinémathèque suisse, résumant l’avis du monde du cinéma suisse. «Cela donne l’impression d’avoir tendu un piège au réalisateur» et peut porter préjudice «à toute manifestation culturelle».

Le jury du Festival du film de Zurich, où Roman Polanski était attendu pour recevoir une récompense couronnant l’ensemble de sa carrière, a également condamné cette arrestation.

Recours contre l’extradition

Lundi après-midi, l’un des avocats de Roman Polanski a fait savoir que son client s’opposait à la demande d’extradition formulée par les Etats-Unis et qu’il allait demander sa remise en liberté, éventuellement sous conditions.

Les autorités judiciaires suisses n’ont pas entièrement exclu une telle possibilité. Mais cette solution n’est que «très, très rarement» accordée, a indiqué un porte-parole du Département fédéral de justice et police.

Les autorités américaines ont désormais 60 jours pour présenter une requête définitive d’extradition. «Nous allons préparer une demande d’extradition, qui sera envoyée au département de la Justice et au département d’Etat, et qui suivra la voie diplomatique», a indiqué lundi soir le bureau du procureur de Los Angeles. Roman Polanski aura également la possibilité de recourir contre cette demande au Tribunal pénal fédéral, et en dernière instance au Tribunal fédéral, l’instance judiciaire suprême en Suisse.

Trouver un arrangement

Laurent Moreillon, professeur de droit à l’université de Lausanne, estime cependant que les chances de voir Roman Polanski éviter l’extradition sont faibles. «Ce serait mieux pour lui d’accepter son extradition et de tenter ensuite de trouver un arrangement aux Etats-Unis. C’est comme cela que je procéderais. Je ne vois aucune possibilité pour lui de combattre cette décision ici.»

La Suisse a signé en 1990 une convention d’extradition avec les Etats-Unis, qui est entrée en vigueur en 1997. L’accord oblige les autorités à arrêter toute personne recherchée par la justice de l’autre pays signataire. Un mandat international a été lancé à l’encontre de Roman Polanski en 2005 pour des crimes non prescriptibles aux Etats-Unis.

«Bien sûr, on peut toujours agir différemment», affirme Laurent Moreillon. «On aurait par exemple pu signifier à Mr Polanski que sa présence n’était pas désirée en Suisse, d’autant plus qu’il venait pour un festival. Mais de manière strictement légale, la Suisse n’avait malheureusement pas d’autre option.»

Un chalet à Gstaad

La ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf a affirmé dimanche qu’il n’y avait rien de politique dans cette affaire et que «la Suisse n’a pas subi de pression des Américains». Bien que Polanski avait déjà voyagé en Suisse par le passé, c’était la première fois que les autorités suisses savaient à l’avance exactement quand il viendrait sur le territoire suisse, a-t-elle déclaré.

Selon Hervé Témime, l’avocat français de Roman Polanski, ce dernier ne savait pas qu’il risquait une arrestation en Suisse. Il a rappelé que son client est propriétaire sous son identité d’un chalet à Gstaad, où il avait «séjourné trois mois cette année».

Arrêté samedi soir à sa descente d’avion par la police cantonale zurichoise, Roman Polanski, 76 ans, a été placé en détention dans un lieu tenu secret pour des questions de sécurité. Le consul général de France à Zurich a rendu lundi visite au cinéaste et a constaté qu’il était «bien traité». «Il remercie les nombreuses personnes qui lui témoignent leur soutien à travers la presse et l’opinion publique», a indiqué le consulat dans un communiqué.

Tim Neville, Samuel Jaberg, swissinfo.ch et les agences

L’arrestation de Roman Polanski à Zurich a fait les grands titres de la presse française de ce lundi. La majorité des quotidiens estiment que le cinéaste franco-polonais s’est fait piéger en Suisse.

Sous le titre «Polanski piégé en Suisse», Libération estime que l’arrestation du cinéaste «n’est pas la conséquence du zèle d’un quelconque officier de police zurichois. Il était attendu». Le quotidien met notamment en avant le fait que les services du procureur général de Los Angeles ont eu connaissance de la venue du réalisateur à Zurich la semaine dernière.

Même son de cloche sur le site internet du quotidien Le Monde. «Tous se demandent pourquoi la justice américaine a frappé cette fois-ci alors que Roman Polanski se rendait régulièrement en Suisse, où il est propriétaire d’un chalet à Gstaad», écrit le journal. Et d’évoquer l’empressement de la Suisse à exécuter le mandat, peut-être pour faire plaisir aux autorités américaines après le scandale fiscal d’UBS aux USA.

Le Figaro rappelle en outre que l’an dernier, Roman Polanski avait tenté de mettre un terme à son exil du sol américain en chargeant ses avocats californiens d’engager un recours devant la cour d’appel compétente face au mandat d’arrêt prononcé à son encontre en 1977. Et de Paris, l’éventualité de son retour aux Etats-Unis en «homme libre» n’avait jamais été abandonnée. Samedi soir, la justice suisse a toutefois rayé ce scénario d’un trait de plume en vertu du mandat d’arrêt américain (…)», constate le journal.

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