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Quand la culture devient un enjeu politique

En proposant d'intégrer Pro Helvetia dans l'OFC, le ministre de la culture Pascal Couchepin a relancé le débat sur la politique culturelle en Suisse. Keystone

Le ministre Pascal Couchepin n’exclut pas d’intégrer la fondation Pro Helvetia au sein de l'Office fédéral de la culture, dont la direction est à repourvoir.

Quand on sait que la Confédération doit faire de sérieuses économies et que la loi sur la culture est en cours de révision, on se dit que la culture (re)devient le nerf de la politique.

Depuis la démission à la fin août de David Streiff, directeur de l’Office fédéral de la culture (OFC), les spéculations vont bon train sur l’avenir des institutions culturelles suisses.

Poussé vers la sortie, le patron de la culture s’en ira en mars prochain après un règne de onze ans. Le ministre en charge, Pascal Couchepin, a désormais les coudées franches pour redéfinir la politique fédérale de la culture.

Fusionner Pro Helvetia et l’OFC



C’est ainsi qu’on parle d’une fusion de la fondation suisse pour la culture, Pro Helvetia, au sein de l’OFC. Le porte-parole de Pascal Couchepin, Jean-Marc Crevoisier, a confirmé à la presse du dimanche que «le nouveau directeur de l’OFC devra examiner toutes les options».

Est-ce là un «coup» médiatique dont le ministre a le secret? Ce qui est sûr, c’est que le moment est d’autant plus propice pour faire le ménage que la nouvelle loi sur la culture et la loi sur Pro Helvetia – qui lui est liée – sont en chantier.

Un chantier qui a pris du retard. La mise en consultation ne se fera pas avant 2005 et leur application ne devrait donc pas intervenir avant 2008.

Voilà qui permet à la Confédération de gagner du temps. Entre autres parce que la mise en œuvre d’une nouvelle loi pourrait impliquer des dépenses, soit 36 millions de francs supplémentaires, un peu plus que… le budget annuel de Pro Helvetia.

Une multitude d’acteurs



Il s’agit donc de débroussailler les rapports entre l’OFC et Pro Helvetia, assujettis au Ministère de l’intérieur du radical (droite) Pascal Couchepin.

Mais aussi les tâches culturelles qui incombent au Ministère des Affaires étrangères (DFAE) de la socialiste Micheline Calmy-Rey.

Cette dernière a créé cette année le Centre de compétence pour la politique étrangère culturelle (CCC), en remplacement de la section Culture et UNESCO.

Le DFAE compte aussi Présence Suisse, organisme qui fait la promotion de la Suisse à l’étranger, et la Direction du développement et de la coopération (DDC), chargée de projets dans le tiers-monde.

Par ailleurs, fédéralisme oblige, les cantons, les villes, les communes et les entreprises sont également engagés dans le soutien à la culture. Avec un poids considérable de 2 milliards de francs par an, contre 225 millions pour la Confédération.

Un seul patron



La complexité de la situation, liée aux difficultés financières, inquiète certains au point de réclamer la création d’un secrétariat d’Etat à la culture.

C’est le cas de Pierre Keller, directeur de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL): «Le fédéralisme disperse tout. Je suis très favorable à la désignation d’un seul vrai patron qui chapeauterait toutes les institutions.»

Et qui mette de l’ordre dans «l’OFC, qui est devenu une grande usine administrative», ajoute Pierre Keller à swissinfo.

Marlise Pietri, ex-membre du Conseil de fondation de Pro Helvetia, est d’un avis opposé. «Les missions ne sont pas les mêmes: Pro Helvetia répond à des requêtes présentées par des créateurs tandis que l’OFC soutient des structures institutionnelles.»

Pour l’éditrice genevoise, une fusion est impensable, car «Pro Helvetia, même financée par Berne, est indépendante, c’est très important pour les artistes».

Ce point de vue est partagé par Christiane Langenberger, présidente de la commission pour la culture de la Chambre des cantons. «Il faut faire de l’ordre, c’est certain. Mais il faut séparer la gestion opérationnelle et la stratégie, sinon, on peut faire beaucoup de mal», déclare-t-elle.

Trouver un «Jack Lang» suisse



Reste donc à trouver un «Jack Lang suisse», qui réunisse à la fois des qualités d’autorité et de gestion alliées à une sensibilité pour la culture.

«Quelqu’un qui ait une vision, du charisme, pour rassurer et convaincre les parlementaires», ajoute Pierre Keller. Des qualités, somme toute, difficiles à trouver sous une même casquette.

La droite est partante, mais la gauche craint que l’on ne choisisse un «culturel néo-libéral pur et dur qui use du stylo rouge» pour rayer les dépenses budgétaires, selon l’expression du Tages Anzeiger.

Ce qui est sûr, c’est que le successeur de David Streiff aura une lourde tâche. Reste à le trouver d’ici mars 2005.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Pro Helvetia emploie 86 (-17 dès 2005) personnes. Elle recevra une subvention fédérale de 34 millions dès 2005 (- 1 million).
L’OFC emploie 500 employés et son budget annuel atteint 225 millions. Les économies à réaliser n’ont pas encore été définies.
La Confédération injecte 220 millions par an dans la culture; communes et cantons 2 milliards.

– La promotion culturelle se partage entre la Confédération, les cantons, les villes et communes, les fondations et les entreprises.

– A Berne, cette tâche est répartie entre l’OFC et Pro Helvetia au ministère de l’Intérieur. Mais il y a aussi le centre de compétence pour la politique étrangère culturelle, la Coopération au développement et Présence Suisse aux Affaires étrangères.

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