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Suspension du chef de l’armée

Reuters

Roland Nef est suspendu de son poste de commandant de l'armée suisse jusqu'au 20 août. C'est à cette date que le gouvernement tranchera définitivement sur son sort, a indiqué lundi le ministre de la Défense Samuel Schmid. D'ici là, Roland Nef devra faire la preuve qu'on peut lui faire confiance.

Il y a plusieurs jours déjà que le chef de l’armée est sous pression. La presse a en effet révélé que, lors de sa nomination, le 8 juin 2007, Roland Nef était sous le coup d’une plainte pénale pour harcèlement de la part de son ex-compagne. Motif: il aurait mal supporté leur séparation et l’aurait assaillie de téléphones, de SMS et de courriels.

Le ministre de la Défense était au courant de cette plainte lorsqu’il a proposé la nomination de Roland Nef. Mais il n’en avait rien dit à ses collègues du gouvernement, Roland Nef l’ayant assuré que l’affaire serait réglée avant son entrée en fonction prévue pour le 1er janvier 2008.

Une question de confiance

Il s’avère que l’enquête a été classée à l’automne 2007, après que Roland Nef et son ex-compagne eurent trouvé un accord à l’amiable. Mais depuis qu’elle a été révélée dans la Sonntagszeitung du 13 juillet, les révélations se sont succédées dans cette affaire qui est devenue une véritable «saga de l’été».

Samuel Schmid avait encore assuré vendredi le chef de l’armée de son soutien plein et entier. Mais l’affaire a depuis encore enflé, notamment avec les accusations relayées par la SonntagsZeitung: Roland Nef aurait diffusé les coordonnées de son ex-compagne via des annonces à caractère sexuel.

Pour Samuel Schmid, il s’agit d’une question de confiance. «J’ai exigé de Roland Nef qu’il réfute devant moi, le gouvernement, les commissions parlementaires et le public de manière plausible et sans marge d’interprétation toutes les hypothèses, rumeurs et reproches à son encontre», a-t-il déclaré lundi devant la presse.

Selon le ministre, Roland Nef a toujours rejeté les reproches auxquels il l’a confronté. «Mais ces derniers jours ses assurances orales ne m’ont plus suffit», a-t-il indiqué.

Dernière chance

Si Roland Nef ne présente pas tous les faits permettant de rétablir la confiance d’ici la prochaine séance ordinaire du gouvernement, «je me verrai obligé de proposer son licenciement. Le gouvernement tranchera», a dit le ministre de la Défense, entouré d’un service de sécurité et sans répondre à aucune question des médias.

Et d’affirmer qu’il avait évoqué la chose avec certains de ses collègues du gouvernement. Le président de la Confédération Pascal Couchepin avait d’ailleurs fait savoir la veille qu’il «suivait personnellement le dossier» et que le problème de la crédibilité personnelle du chef de l’armée devait être examiné.

Samuel Schmid entend ainsi donner sa dernière chance à Roland Nef, à qui il a admis «avoir peut-être fait trop confiance».

Pas question de démission

Le ministre de la Défense a toutefois reconnu avoir fait une erreur en juin 2007 en n’informant pas le gouvernement qu’une plainte avait été déposée contre Roland Nef. Mais même s’il avait fourni cette information, le gouvernement l’aurait choisi, a-t-il répété.

Malgré cette erreur avouée, pas question pour Samuel Schmid de démissionner. «Je suis comme auparavant persuadé de pouvoir trouver à l’avenir des majorités au Parlement pour les projets de mon département dans l’intérêt de notre pays», a-t-il dit. Les réactions de ses collègues ministres et de nombreux parlementaires le prouveraient.

Samuel Schmid s’est par ailleurs défendu contre les reproches qui lui ont été faits ces derniers jours. Il a répété n’avoir jamais vu le contenu du dossier judiciaire de Roland Nef dans l’affaire l’ayant opposé à son ex-compagne.

Il a reconnu avoir été informé par la SonntagsZeitung qu’une affaire se tramait. Mais le document publié dimanche par ce journal ne lui a jamais été présenté. «La SonntagsZeitung a approché ces dernières semaines à plusieurs reprises le DDPS avec des listes des reproches changeant à chaque reprise. Mais elle n’a jamais apporté de pièce justificative», a estimé le ministre.

Les partis partagés

Pour la plupart des partis politiques, la suspension de Roland Nef était nécessaire. Nécessaire certes, mais pas suffisante aux yeux du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre droit), des Verts et de l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure).

L’UDC demande par ailleurs que le gouvernement siège le plus rapidement possible pour régler cette affaire. Mais la droite nationaliste ne va plus jusqu’à demander explicitement la démission d’un Samuel Schmid qui, rappelons-le, a désormais rejoint les rangs des dissidents de l’UDC.

Autre son de cloche chez les socialistes qui se disent «assez satisfaits» de cette décision. Pour Stéphane Rossini, vice-président du parti, cette pause jusqu’au 20 août peut aider à retrouver la sérénité nécessaire. «Ce n’est qu’après cette séance que le PS se positionnera quant aux capacités de Samuel Schmid à continuer à siéger au gouvernement», a-t-il précisé.

La suspension de Roland Nef jusqu’au 20 août est une décision «raisonnable», estime de son côté le Parti radical-démocratique (PRD / droite). Les radicaux ne réclament pas la démission de Samuel Schmid.

Par contre, «si les informations relayées par certains médias concernant Roland Nef sont vraies, le chef de l’armée aura perdu toute crédibilité», précise le porte-parole du parti Christian Weber. Le PRD ne s’opposerait dès lors plus à ce qu’il soit démis de ses fonctions.

swissinfo et les agences

Roland Nef suspendu, c’est le divisionnaire (général de division) André Blattmann qui sera à la tête de l’armée, au moins jusqu’à la prochaine séance du gouvernement.

Ce militaire de carrière de 52 ans était le suppléant de l’actuel chef de l’armée.

Employé de commerce et économiste de formation, le divisionnaire Blattmann est entré en 1984 dans le corps des instructeurs des troupes d’aviation et de défense contre avions. Il a commandé à partir de 1999 les écoles de recrues et de sous-officiers de DCA à Payerne.

En 2001, il est devenu chef d’état-major du corps d’armée de campagne 4, avec le grade de brigadier. De 2004 à 2005, il a assumé la fonction de commandant de l’école centrale au commandement du Centre d’instruction des cadres supérieurs de l’armée. Au 1er janvier 2006, il est engagé comme officier général adjoint du chef de l’armée. Deux ans plus tard, il est nommé suppléant du chef de l’armée.

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