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Un couac réglé «à la suisse»

Plusieurs communes ont utilisé des appareils pour le dépouillement de dimanche. Keystone

En utilisant des machines pour le dépouillement du vote sur l'asile dimanche, plusieurs communes ont enfreint la loi.

Ce qui aurait suscité de vives réactions partout ailleurs, la Suisse, elle, règle le problème à sa façon… Sans faire de vagues.

Alexandre Trechsel est politologue. Il travaille également pour le Centre d’études et de documentation sur la démocratie directe, à Genève. Aujourd’hui, il porte un regard à la fois amusé et critique sur ce couac qui rappelle les aventures d’un certain W. en Floride. Interview.

swissinfo: Vous avez été étonné de découvrir les méthodes farfelues utilisées par certaines communes?

A.T.: Farfelues? Les autorités qui les ont introduites vous diront qu’elles sont fiables. On verra ça, puisqu’elles vont devoir recompter les bulletins à la main.

Mais le problème, c’est surtout qu’elles n’ont pas respecté la loi. L’article 84 de la loi sur les droits politiques exige que les dépouillements se fassent à la main pour tous les scrutins fédéraux.

Les cantons peuvent demander une dérogation au gouvernement pour utiliser des moyens techniques. Mais, là, cela n’a pas été fait.

Est-ce que cela veut dire qu’au-delà du nombre de voix, le vote pourrait être invalidé pour vice de forme?

A.T.: Oui, il y a irrégularité, donc le recours est possible. Mais je ne pense pas qu’on ira jusque-là. Puisque la principale concernée, l’UDC, a déjà accepté le résultat et ne demande pas de recomptage.

C’est d’ailleurs étonnant que l’UDC renonce…

A.T.: Elle le fait pour des raisons politiques. D’abord, il y a une coutume en Suisse: on ne remet pas en question la volonté du peuple. Le perdant a pour habitude de reconnaître et d’accepter la décision aussitôt le résultat connu.

Et puis, peut-être que l’UDC vit mieux avec un 49,9% de oui à son initiative qu’avec un 50,1%… Parce que les dispositions seraient difficiles à mettre en place. Avec un non – mais un fort pourcentage de oui – l’UDC a un poids. On ne peut plus l’ignorer.

Enfin, on voulait sans doute aussi éviter un Floride-bis!

La situation est comparable à celle vécue par la Floride?

A.T.: Il y a aussi eu une incertitude sur le résultat en Floride, des recomptages ont été demandés. C’est allé jusqu’à la Cour suprême des Etats-Unis qui, pour finir, a désigné George Bush vainqueur de l’élection présidentielle. Le processus électoral a été paralysé pendant des mois.

Tout cela, on aimerait l’éviter en Suisse. Mais le recomptage des voix doit être respecté. En démocratie, on doit être capable de recompter les bulletins.

Précisément, on est en démocratie… La population ne risque-t-elle pas de perdre confiance dans le système?

A.T.: Je ne crois pas. Prenez la Landsgemeinde. Quand c’est serré, on revote. Et cela arrive aussi lors de dépouillements à la main. Il est arrivé qu’on perde des bulletins, même des urnes entières. Et la population n’a pas perdu confiance.

Il serait peut-être temps alors de passer au vote électronique?

A.T.: L’e-voting n’est pas encore tout à fait au point. Par contre, on peut déjà retenir le système du dépouillement électronique. Genève l’utilise (là, le canton a une autorisation en bonne et due forme). Et la méthode est fiable.

Ce serait apparemment une bonne solution de l’étendre aux autres cantons.

Parce que le dépouillement manuel n’est pas totalement irréprochable non plus. Quelques fois, il suit de très près l’apéro du dimanche…

A.T.: Oui, je ne sais pas s’il y a un lien causal entre exactitude du résultat et quantité d’apéritifs!… Mais, c’est certain, l’erreur est humaine. Des erreurs de comptage sont possibles. Des erreurs de transmission du résultat, par téléphone, sont possibles. Aucun système n’est fiable à 100%.

swissinfo/propos recueillis par Alexandra Richard

Dimanche, les Suisses ont refusé l’initiative de l’UDC sur l’asile à 3000 voix près
La Chancellerie fédérale demande un recomptage
2000 à 10 000 voix d’écart sont possibles entre un résultat provisoire et un résultat définitif

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