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Une grève historique

Les manifestants à Lucerne. Keystone

On n'avait pas vu ça depuis 55 ans: près de 15 000 ouvriers du bâtiment ont débrayé lundi dans toute la Suisse à l'appel des syndicats SIB et Syna.

Ils revendiquaient une retraite anticipée dès 60 ans. Les patrons parlent d’un mouvement illégal.

En Suisse romande, près de 7000 ouvriers ont débrayé. En Suisse alémanique, aux Grisons et au Tessin, des milliers d’autres ont suivi le mouvement.

«C’est la plus grande grève que la Suisse ait connue depuis 55 ans», affirment les syndicats SIB et Syna. «Nos espérances les plus folles ont été dépassées», précise Vasco Pedrina, président central du Syndicat industrie et bâtiment (SIB).

Une centaine de chantiers ont été bloqués. Pour tenter de sortir de l’ornière, une rencontre avec les entrepreneurs a été fixée jeudi à Zurich. Une nouvelle grève n’est pas exclue.

Genève, haut lieu de la grève

Le mouvement a été spécialement suivi dans le canton de Genève. Plus de 3000 ouvriers de la construction ont afflué lundi dans la cité de Calvin.

Presque pas à pas, ils ont suivi le même parcours que les anciens salariés de Swissair il y a un an, imposant au quartier des affaires le refrain mal connu de «l’Internationale».

Dans le canton de Vaud, près d’un tiers des ouvriers du bâtiment ont suivi le mot d’ordre de grève générale. Selon les syndicats, entre 1500 et 2000 d’entre eux ont défilé dans l’après-midi à Lausanne. Discours, banderoles et slogans revendiquaient la retraite à 60 ans.

Ailleurs en Suisse romande, ils ont été des centaines à débrayer dans le canton de Fribourg et dans le Jura bernois. A Neuchâtel et la Chaux-de-Fonds, le mot d’ordre de grève aurait été suivi à 80 %.

Un mot d’ordre qui n’a, en revanche, pas été respecté en Valais. Où un rassemblement était cependant prévu en soirée en ville de Sion.

Aux quatre coins de la Suisse

Proportionnellement, les ouvriers des chantiers alémaniques ont été moins nombreux à débrayer que leurs collègues de Suisse romande. L’action s’est terminée par un blocage du tunnel du Baregg (AG).

A Bâle et dans ses environs, tous les chantiers importants ont été désertés. A Zurich, un millier de personnes ont fait grève, dont 700 dans l’agglomération. Tous les chantiers importants du quartier d’Oerlikon ont été paralysés.

Dans la région de Berne, ce ne sont pas moins de 70 chantiers qui ont participé à l’action de débrayage, dont ceux du nouveau stade du Wankdorf et du musée Klee. Près de 1000 ouvriers venus de tout le canton se sont réunis près de la gare de Berne.

Dans le canton de Lucerne, quelque 450 ouvriers ont arrêté le travail sur 7 grands chantiers et plusieurs petits chantiers. Dans les Grisons, plusieurs chantiers ont été occupés, dont un sur l’autoroute A13.

Enfin, plus de 3000 ouvriers tessinois du bâtiment ont manifesté à Bellinzone. Sur les chantiers Alptransit de Bodio et Faido – où se construit la nouvelle ligne ferroviaire alpine (NLFA) – les machines s’étaient arrêtées dimanche soir déjà.

En revanche, selon le porte-parole de la société Alptransit, le personnel des chantiers d’Amsteg (UR) et Sedrun (GR) a travaillé normalement.

Plaintes prévues

La retraite anticipée à 60 ans est une vieille revendication des syndicats. Ils jugent en effet que cette demande est tout à fait légitime, vu que le travail dans la construction est très pénible et qu’il use les ouvriers prématurément.

Suite à des menaces de grèves, la Société suisse des entrepreneurs (SSE) avait accepté ce principe au mois de septembre. L’accord avait été finalisé dans le renouvellement de la convention collective de la branche, le 25 mars dernier.

Les entrepreneurs n’ont pas remis en cause le principe de la retraite anticipée. Cependant, ils ont proposé de revoir à la baisse les rentes versées.

Depuis le 21 septembre, les syndicats ont organisé diverses manifestations contre cette proposition qu’ils considèrent comme une «violation de contrat».

Au cas où ils n’obtiendraient pas satisfaction, le SIB et Syna prévoient de relancer la grève la semaine du 18 novembre. Ils parlent même de l’étendre et de paralyser les grands chantiers sur une plus longue durée.

Une centaine de chantiers bloqués

Les entrepreneurs jugent de leur côté que ces débrayages étaient illégaux. Ils ont, d’ores et déjà, fait savoir qu’ils allaient porter plainte.

Ils estiment, en outre, que la grève n’a été que faiblement suivie par les ouvriers. Qui, à en croire la Société suisse des entrepreneurs, préfèrent négocier.

Son président reconnaît toutefois que 100 chantiers ont été bloqués lundi dans toute la Suisse.

Mais précise Heinz Pletscher, beaucoup d’entrepreneurs ont renvoyé leurs employés chez eux, en leur indiquant que le travail serait fait plus tard ou en leur donnant tout simplement congé.

Enfin, pour la Fédération suisse des cadres de la construction (FSCC), la grève de lundi était superflue. Et les syndicats enfoncent des portes ouvertes.

La FSCC tient à rappeler qu’elle est favorable à des solutions souples en ce qui concerne la retraite. Mais, selon elle, les propositions patronales remplissent les conditions pour y parvenir.

swissinfo avec les agences

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