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Batasuna, bras politique d’ETA, lorgne sur la Suisse

Reuters

Un groupe d'amitié «Suisse-Pays Basque», regroupant parlementaires suisses de gauche et militants du parti séparatiste basque Batasuna, pourrait bientôt voir le jour. Jacques Baud, expert suisse en matière de terrorisme, salue cette initiative.

Le 26 mai, la Radio suisse romande (RSR) annonçait que le porte-parole de Batasuna Jon Andoni Lekue avait entretenu divers contacts avec des parlementaires fédéraux. But de la manœuvre: obtenir une implication de la Suisse en faveur d’une solution pacifique au problème du nationalisme basque.

L’émissaire suisse de langue française qui a eu des contacts avec Batasuna a insisté sur le fait qu’une initiative de ce type aurait pour objectif de parvenir à mettre un terme à la violence.

«Je ne pense pas que la création d’un tel groupe soit une initiative négative a priori. Elle peut au contraire offrir une porte de sortie honorable à l’action violente», affirme Jacques Baud, expert en matière de terrorisme.

Un mouvement très affaibli

Pour parvenir à une solution politique viable, Batasuna doit condamner l’usage de la violence, estime Jacques Baud. Chose qu’il n’a encore jamais fait. Batasuna a en effet été écarté des institutions démocratiques espagnoles – du Congrès d’abord, puis du Parlement basque – pour s’être refusé à condamner les actes de violence.

Le mouvement terroriste est actuellement très affaibli et les arrestations de ses membres se multiplient, en particulier sur sol français. De plus, le socialiste Patxi Lopez a été récemment élu chef du gouvernement autonome du Pays Basque. Un fait historique sans précédent dans la démocratie espagnole puisqu’il s’agit du premier dirigeant régional non nationaliste.

Le fait que la Suisse puisse servir de base au mouvement terroriste ETA suscite des inquiétudes. Pour Jacques Baud, «il faut plutôt voir la création de ce groupe comme une opportunité. Ce qu’il doit affirmer clairement, c’est qu’il ne soutient ni le terrorisme ni Batasuna et qu’il cherche une solution politique au problème. Eviter le débat est une attitude bien pire, il faut rechercher le dialogue par tous les moyens pour en finir avec le conflit».

Rencontres sur sol suisse

Plusieurs contacts entre le Gouvernement espagnol et des membres du groupe terroriste ETA ont eu lieu en Suisse ces dernières années. En 1999, des représentants du Gouvernement espagnol, alors présidé par José Maria Aznar, ont rencontré à Zurich la direction de l’ETA, représenté par Mikel Albizu, dit «Antza».

Des échanges en vue de parvenir à un cessez-le-feu ont eu lieu en 2005, en Suisse et en Norvège, entre des membres du Parti socialiste basque et le leader historique de l’ETA, surnommé «Josu Ternera».

Les uns et les autres ont approuvé la participation au processus naissant d’un organisme médiateur, le Centre Henri Dunant pour le dialogue humanitaire, à Genève. D’après des informations du quotidien El Pais datant de l’année dernière, des représentants de l’ETA et du Gouvernement espagnol se sont réunis à Genève durant deux jours en décembre 2006, en présence de représentants du Centre en question.

D’autres arrestations

Au cours de cette réunion, Javier López Peña est apparu comme le porte-parole de l’ETA à la place de «Josu Ternera». Visage de l’ETA durant cette réunion, il a été arrêté à Bordeaux le 20 mai 2008. Les actes des négociations entre l’ETA et le Gouvernement ont été confiés au Centre Henri Dunant.

Lundi dernier, Iker Esparza, militant présumé de l’ETA, a été arrêté à l’aube par la police française à Paris. Avant son arrestation, il aurait tenté de fuir au volant de son véhicule lorsqu’une patrouille lui a demandé sa pièce d’identité au cours d’un contrôle de police à Boulogne-Billancourt. Après une brève poursuite, il a été intercepté près des Champs-Elysées.

L’élément important de cette affaire est qu’Esparza «n’est pas un simple membre du groupe terroriste mais il a des responsabilités au sein de l’ETA» a soutenu le ministre de l’Intérieur espagnol, Alfredo Pérez Rubalcaba.

Iván Turmo, swissinfo.ch
(Traduction de l’espagnol: Elisabeth Gilles)

Enquêtes. Le Ministère publique de la Confédération a ouvert deux enquêtes judiciaires liées à l’argent du groupe terroriste basque ETA. Elles ont abouti à la confiscation de 4,8 millions de francs en avril 2008.

Blanchiment. Les deux enquêtes ont débuté en Suisse en juillet 2006, suite à des soupçons émis par le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) contre une institution bancaire. Dans le cadre de ces enquêtes, le fisc suisse a déclaré que 4,8 millions de francs suisses ont été saisis.

Batasuna a été déclaré illégal en 2003 par le Tribunal suprême espagnol, en application de la Loi sur les partis, votée quelque mois auparavant. Cet événement signait la fin de la présence institutionnelle d’un groupe né en 1978.

Depuis la première application de la loi, avec la sentence contre Batasuna et ses diverses dénominations – Herri Batasuna et Euskal Herritarrok –, onze interdictions de partis ou annulations de candidatures ont eu lieu.

Le Tribunal constitutionnel a pourtant décidé d’autoriser la liste «Initiative internationaliste – Solidarité enre les peuples» (IISP), avec Alfonso Sastre comme tête de liste, pour les élections au Parlement européen du 7 juin prochain.

D’abord contestée par le Tribunal suprême puis autorisée par le Tribunal Constitutionnel, cette liste est un moyen de parvenir à la représentation au Parlement Européen.

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