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«Nein» du Bundesrat à l’accord fiscal avec la Suisse

Wolfgang Schäuble et Angela Merkel pendant les débats de vendredi. Keystone

La Chambre haute du Parlement allemand a rejeté vendredi l'accord bilatéral sur l'imposition à la source. Berne prend acte mais compte toujours sur un compromis qui pourrait être trouvé en décembre lors d'une médiation.

L’accord fiscal entre l’Allemagne et la Suisse n’a pas trouvé de majorité vendredi matin à Berlin lors du vote au Bundesrat, la chambre des Länder. Berne mise maintenant sur un compromis qui pourrait être trouvé en décembre, alors que l’accord devrait entrer en vigueur début 2013.

L’opposition constituée en Allemagne par le parti social-démocrate (SPD) et le Verts a refusé l’accord, estimant qu’il favorise les fraudeurs du fisc. Le Bundestag avait, lui, accepté le texte le 25 octobre dernier grâce à la coalition noire jaune qui rassemble l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le Parti libéral-démocrate (FDP). Cette coalition n’est pas majoritaire au Bundesrat.

Le texte négocié entre Berne et Berlin prévoit de prélever en Suisse et de remettre au fisc allemand un impôt forfaitaire entre 21 et 41 % sur l’argent non déclaré des contribuables allemands. Les propriétaires des comptes resteraient anonymes et les revenus futurs du capital seraient ensuite imposés en Allemagne.

Déception et regrets suisses

Comme l’a relevé la présidente de la Confédération et cheffe du Ministère suisse des finances, Eveline Widmer-Schlumpf, la Suisse reste disposée à œuvrer conjointement avec l’Allemagne à l’aboutissement du processus de ratification.

L’Association suisse des banquiers (ASB) se dit déçue de l’issue du vote. A ses yeux, la chambre haute «manque une belle opportunité d’adopter une solution équitable, optimale et durable pour toutes les parties concernées et de mettre ainsi un terme au différend fiscal.»

En revanche, l’ASB constate «avec satisfaction que le refus de l’accord fiscal n’est pas lié à des raisons objectives, mais résulte uniquement de considérations de politique intérieure», indique le communiqué. L’ASB s’en remet désormais à la suite du processus parlementaire allemand, soit l’issue de la séance de la Commission de conciliation.

De même pour economiesuisse, qui fait part de ses regrets. «Si ce refus est confirmé par la suite, l’Allemagne portera la responsabilité de l’échec. Dans ce cas, c’est le régime d’assistance administrative ordinaire, instauré par la convention de double imposition entre la Suisse et l’Allemagne, qui s’appliquera», indique le communiqué de l’association faîtière des entreprises suisses.

Les opposants n’ont pas cru les chiffres

Cette convention négociée par le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble et son homologue suisse Eveline Widmer-Schlumpf prévoit également que les gains réalisés sur l’argent déposé dans un compte suisse seraient taxés à hauteur de 26,4%, ce qui correspond au taux pratiqué en Allemagne (une fois le surplus de solidarité inclus). Le ministère des Finances de ce pays estime que les coffres helvétiques contiennent jusqu’à 280 milliards d’euros d’avoirs allemands – dont environ la moitié appartiennent à des privés.

Les autorités allemandes pensent que l’accord fiscal conclu avec la Suisse rapporterait quelque 10 milliards d’euros au fisc. Côté helvétique, on affirme que les sommes dont devront s’acquitter les clients allemands des banques suisses seraient plus élevées, dans 90% des cas, que ce qu’ils devraient payer s’ils choisissaient de se dénoncer auprès des autorités de leur pays.

Les opposants à l’accord n’ont pas cru à la véracité de ces chiffres, déplorant notamment le fait qu’il ne serait plus possible d’acheter des données volées sur les clients allemands des banques suisses. Un atout auquel ils ne souhaitent pas renoncer si facilement.

Taux trop bas. Le taux de taxation pour régulariser les avoirs déposés en Suisse (compris entre 21% et 41%) est jugé trop bas par ceux qui s’opposent à l’accord fiscal avec la Suisse.

Garantie de l’anonymat. Selon l’accord, l’impôt serait prélevé par les banques suisses, puis transféré aux autorités fiscales allemandes. Celui qui possède un compte en Suisse pourrait ainsi rester anonyme. Une autre inconnue est le montant total des sommes déposées en Suisse par des citoyens allemands.

Trop de lacunes. Malgré l’accord, il reste de nombreuses possibilités de cacher de l’argent au fisc allemand. Jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord, prévue en 2013, les fraudeurs qui ont placé leur argent en Suisse gardent la possibilité de le transférer vers un paradis fiscal.

Limitation du nombre de requêtes d’entraide administrative. Les autorités fiscales allemandes ne pourront présenter qu’un maximum de 1300 demandes d’entraide administrative dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de l’accord.

Frein à une réglementation européenne. Un accord bilatéral entre la Suisse et l’Allemagne freinerait les efforts pour mettre sur pied un nouveau paquet de règles fiscales au niveau européen.

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