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Faut-il interdire les investissements dans l’industrie de l’armement?

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Selon ses partisans, l'initiative vise aussi à mieux cadrer le commerce international des armes. Ses opposants soulignent l’impact négatif du texte pour les entreprises basées en Suisse. Keystone/Peter Schneider

Les électeurs suisses se prononcent le mois prochain sur une initiative populaire de la gauche visant à interdire les investissements de la Banque nationale suisse, des fonds de pension et des fondations privées dans le secteur de l’armement.

Outre les limitations financières, le texte veut que le gouvernement suisse fasse pression pour un accord international qui imposerait des restrictions de financement similaires au secteur des banques et des assurances.

Le renforcement proposé des réglementations sur le financement des producteurs de matériel de guerre s’inscrit dans un contexte de débats sur les stratégies d’investissement éthique et durable.

C’est le 29 novembre que les citoyens se prononceront sur cette initiative, tout comme sur celle qui propose une législation contraignante pour les multinationales suisses en matière d’environnement et de droits humains, y compris à l’étranger.

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L’initiative populaire contre le commerce de guerre a été lancée par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) et les jeunes Verts. Le texte propose l’introduction d’un nouvel article dans la Constitution qui stipule que la Banque nationale suisse (BNS), les fondations et les institutions de prévoyance ont l’interdiction de financer des producteurs de matériel de guerre. Cela signifie qu’il ne leur serait plus possible d’accorder un crédit, un prêt, un don ou d’acquérir des titres, des parts ou des produits financiers liés à des entreprises dont plus de 5% du chiffre d’affaires annuel proviennent de la production de matériel de guerre.

L’investissement et le commerce d’armes biologiques, chimiques et nucléaires ainsi que de mines antipersonnel et de munitions à fragmentation sont déjà interdits en Suisse.

Si les électeurs acceptent cette initiative, la Banque nationale suisse, les assurances sociales, ainsi que les quelque 1500 caisses de pension professionnelles devront revoir leurs portefeuilles d’investissement.

Au total, ces institutions géraient 1770 milliards de francs suisses d’actifs à la fin de l’année dernière, selon les chiffres du gouvernement suisse. Mais il est difficile de déterminer dans quelle mesure l’industrie de l’armement nationale ou étrangère a bénéficié des investissements suisses.

Les partisans affirment que le capital financier contribue à alimenter les conflits armés dans le monde entier, ce qui va à l’encontre de l’engagement de la Suisse en faveur de l’action humanitaire et de son rôle de médiateur diplomatique neutre.

L’initiative est considérée comme une avancée vers des investissements durables et une plus grande transparence du secteur bancaire suisse.

De leur côté, les opposants affirment que l’initiative pacifiste porte préjudice aux entreprises, en limitant la politique d’investissement de la banque centrale suisse et des fonds de pension.

Ils craignent que cette proposition législative affaiblisse l’ensemble des entreprises, y compris les PME fournissant des composants pour l’industrie de l’armement.

Les opposants estiment aussi que cette initiative est une attaque contre l’armée suisse.

En 2018, les initiants ont récolté suffisamment de signatures – au moins 100’000 recueillies sur une période de 18 mois – pour obtenir un vote national sur la question.

Il faudra à la fois une majorité d’électeurs et une majorité des 26 cantons du pays pour que l’initiative soit acceptée lors du scrutin.

Dans le système suisse de démocratie directe, l’approbation d’une initiative populaire entraîne une modification de la Constitution, ce qui entraîne une série de modifications juridiques qui doivent être avalisées par le Parlement à un stade ultérieur.

Les partis de gauche, dont les Socialistes et les Verts, sont les principaux partisans de l’initiative. Divers groupes pacifistes et de défense des droits humains se sont également prononcés en faveur de l’initiative.

Le gouvernement, la majorité du Parlement et les principaux partis du centre et de la droite recommandent le rejet de l’initiative. Les milieux économiques, notamment le secteur des banques, des assurances et de l’industrie des machines, figurent également parmi les opposants.

Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) est également à l’origine d’une initiative distincte visant à interdire les exportations d’armes vers des pays impliqués dans un conflit armé ou des pays ayant violé systématiquement les droits humains. Une date pour ce vote doit encore être fixée.

En 2009, le corps électoral avait massivement rejeté une initiative similaire lancée également par le GSsA.

Les pacifistes ont été à l’origine de plusieurs votes nationaux au cours des 30 dernières années sur les forces armées du pays, notamment sur l’achat d’avions de chasse et le contrôle des armes. Cela après une initiative fondatrice intitulée «Pour une Suisse sans armée et pour une politique globale de paix». Rejetée dans les urnes en novembre 1989, la proposition avait obtenu 35,6 % de votes favorables, une ampleur vécue comme un séisme à l’époque.

Informations officielles

Documents Lien externede la Confédération sur la votation

Texte completLien externe de l’initiative

Loi actuelleLien externe sur le financement de matériel de guerre

Partisans de l’initiative

Comité d’initiativeLien externe contre le commerce de guerre

Opposants à l’initiative

Comité «NON Lien externeà l’initiative radicale du Groupe pour une Suisse sans armée»


Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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