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L’Europe, une priorité sur l’agenda

Au 1er janvier, la socialiste Micheline Calmy-Rey, (démissionnaire) a transmis le portefeuille des Affaires étrangères au libéral-radical Didier Burkhalter. Keystone

En matière de politique étrangère, les quatre grands partis attendent du nouveau ministre libéral-radical Didier Burkhalter qu’il clarifie les relations tendues de la Suisse avec l’Union européenne. La droite compte sur de la fermeté, la gauche sur une gestion «proactive».

«Si nous ne nous montrons pas proactifs, notre marge de négociation s’en trouvera fortement réduite, déclare le député socialiste Carlo Sommaruga. L’UE va très vite poser ses exigences sur un accord institutionnel et un accord fiscal. Personnellement, je suis d’ailleurs convaincu que tôt ou tard, nous devrons conclure avec Bruxelles un accord institutionnel global».

Une conviction que ne partagent pas les membres bourgeois des commissions des Affaires étrangères. «Nous ne devons pas simplement obéir par anticipation aux exigences de l’Union. J’attends du ministre Burkhalter qu’il maintienne la pression à ce sujet», affirme le sénateur démocrate-chrétien Pirmin Bischof.

«La grande question, c’est comment on gère cette exigence de Bruxelles d’adopter automatiquement les nouvelles lois de l’UE et de reconnaître des juges communautaires, qui pour l’heure sont évidemment des juges de Bruxelles», déclare quant à lui le député Christoph Mörgeli, de la conservatrice et eurosceptique Union démocratique du centre (UDC).

La quadrature du cercle

Rappel: depuis des années, le dossier fiscal empoisonne les relations entre la Suisse et l’UE, qui voit d’un mauvais œil les privilèges que certains cantons accordent aux sociétés holding. Bruxelles aimerait donc dynamiser ses accords bilatéraux avec Berne. Concrètement, cela veut dire adapter régulièrement les accords au droit européen en évolution. S’il n’en tenait qu’à elle, l’UE aimerait même les soumettre à sa juridiction.

Christoph Mörgeli ne s’attend pas à voir Didier Burkhalter, «qui a toujours été connu comme un euro-turbo», opposer une résistance massive à ces exigences.

«La Suisse ne veut pas d’automatismes, mais en même temps, elle veut participer au marché commun, note la députée libérale-radicale Christa Markwalder, pour qui résoudre les problèmes institutionnels avec l’UE «tient de la quadrature du cercle».

Le pays a «un immense intérêt pour le marché européen et doit faire face aux défis actuels, poursuit-t-elle. Un nouveau ministre des Affaires étrangères peut aussi trancher certains nœuds gordiens que nous avons noué ces dernières années dans nos relations avec l’UE».

«On a aussi le droit de défendre ses intérêts»

Depuis le 1er janvier 2012, le ministère des Affaires étrangères est donc à nouveau en mains radicales, ce qu’il n’avait plus été depuis 1961. Ceci après neuf ans de «règne» de la socialiste Micheline Calmy-Rey.

De ce changement de tête, Pirmin Bischof attend «un changement de cap, une politique étrangère où l’on a aussi le droit de défendre ses propres intérêts».

«En soi, il est juste que la Suisse défende les droits de l’homme que nous propageons dans le monde entier et sa tradition humanitaire, précise le sénateur démocrate-chrétien. Mais la politique étrangère est aussi une politique d’intérêts. J’attends également du nouveau ministre un peu plus d’assurance en matière économique».

Christoph Mörgeli de son côté attend de Didier Burkhalter qu’il apporte «un peu plus de systématique dans la politique étrangère. Car celle-ci s’est un peu perdue avec la précédente ministre. On est passé d’une politique du modèle à une politique de la mise à l’index. On a commencé à distribuer des cartons jaunes et des cartons rouges et à admonester ou à blâmer les autres pays. On ne se fait pas d’amis comme ça. Au contraire, pour la première fois, nous nous sommes fait des ennemis dans ce monde».

Les effets de l’entrée à l’ONU

Quant au style, le député UDC souhaite «en tous les cas une politique étrangère plus discrète». Pour lui, «cette diplomatie sous les feux de la rampe ne nous sert à rien» et la Suisse a toujours eu du succès «en choisissant la porte de service».

«Je pense que ce changement de style avait aussi à voir avec le fait que Micheline Calmy-Rey est entrée en fonction peu après notre admission à l’ONU, analyse rétrospectivement Carlo Sommaruga. Sa politique s’est donc caractérisée par la défense de valeurs comme la démocratie, les droits de l’homme et la lutte contre la pauvreté. Et la défense des intérêts économiques est devenue un peu moins importante».

Créer des alliances

Au Parti socialiste, on espère bien «que cela va rester ainsi, même avec un ministre bourgeois. Nous allons suivre la chose de près, mais cela peut aussi être une chance, si Burkhalter parvient à convaincre encore plus le camp bourgeois du bien-fondé de la voie actuelle», espère Carlo Sommaruga.

S’agissant de coopération au développement, Christa Markwalder y voit «un axe important pour la Suisse, avec sa tradition humanitaire». La députée libérale-radicale prêtera également une attention particulière à la discussion sur les mérites respectifs de la coopération bilatérale et de la coopération multilatérale.

Car s’il est «bien que chacun voie que la Suisse a construit une école ou un hôpital», la voie multilatérale n’est pas moins importante, par exemple la participation à la Banque mondiale. «Dans ce domaine, poursuit Christa Markwalder, la Suisse a aussi la possibilité de montrer qu’elle est un partenaire solidaire. Elle peut ainsi créer des alliances, qui seront par ailleurs utiles également en politique».

Le Département fédéral (ministère) des Affaires étrangères (DFAE) forge et coordonne, sur mandat du Conseil fédéral (gouvernement), la politique extérieure de la Suisse.

Son activité se fonde sur les cinq objectifs de politique extérieure définis par la Constitution fédérale:

– favoriser la coexistence pacifique des peuples

– promouvoir le respect des droits de l’homme et la démocratie

– sauvegarder les intérêts de l’économie suisse à l’étranger

– soulager les populations dans le besoin et lutter contre la pauvreté

– préserver les ressources naturelles

Le DFAE se compose de la centrale, à Berne, et de plus de 300 représentations extérieures (ambassades, missions, consulats, bureaux de liaison et de coordination).

(Source: site internet du DFAE)

Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez

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