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«La Suisse n’est pas l’Irak des Alpes»

Micheline Calmy-Rey et Jean-Claude Junker ont relevé les liens d'amitié entre les deux pays. Keystone

En visite au Luxembourg, la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey a reçu mercredi le soutien du premier ministre Jean-Claude Juncker dans le différend fiscal qui l'oppose à l'Union européenne.

Le Grand Duché rejette les menaces de la Commission européenne, tout en estimant nécessaire que Berne et Bruxelles dialoguent.

«Ici, nous pouvons compter sur des amis», a déclaré la présidente du gouvernement et ministre des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey au terme de sa visite de travail au Luxembourg.

Au lendemain de la décision de la Commission européenne jugeant les pratiques fiscales de certains cantons helvétiques «incompatibles» avec l’accord de libre-échange de 1972 conclu entre la Suisse et l’Union européenne (UE), le premier ministre luxembourgeois a en effet fait part de sa compréhension à la Suisse.

«La Commission européenne ne doit pas traiter la Suisse comme ‘l’Irak des Alpes’», a souligné Jean-Claude Juncker. Un bon mot qu’il avait déjà utilisé quelques années auparavant, lorsque Bruxelles avait haussé le ton contre la Suisse à propos du secret bancaire.

Juncker contre les mesures douanières

Jean-Claude Juncker a par ailleurs déploré que la Commission européenne ait brandi la menace de mesures de sauvegarde et de contraintes douanières en rapport avec le différend fiscal. «La Suisse n’est pas seulement amie du Luxembourg, mais aussi de l’Union européenne», a-t-il relevé.

Elle l’a montré récemment avec le ‘oui’ au milliard de cohésion, a insisté Jean-Claude Juncker. Selon lui, cela fait de la Suisse «une partenaire fiable pour l’Europe».

Pas de solidarité sans condition

Le premier ministre luxembourgeois a cependant souligné que Berne ne pourrait pas compter sur une solidarité sans condition. Il n’a par conséquent pas promis que le Luxembourg soutiendrait la position de la Suisse au Conseil européen des ministres.

«Nous examinons actuellement l’argumentation de la Commission europénne, a-t-il précisé, nous nous déterminerons ensuite.»

Quant à Micheline Calmy-Rey, elle a réitéré la position de la Suisse : «Il n’existe aucun contrat entre la Suisse et l’UE qui nous contraindrait à une harmonisation fiscale». La ministre des affaires étrangères a en outre répété qu’elle ne voyait pas la nécessité de négociations avec l’UE.

Sur ce point, Jean-Claude Juncker a quant à lui tenu à faire part d’un avis divergent. S’il rejette le ton de l’exécutif européen, il estime toutefois qu’entre pays amis «on doit parler de certaines choses que l’on préférerait en fait ne pas discuter».

Dans ce cens, le premier ministre luxembourgeois a émis des réserves concernant certains points des législations fiscales cantonales suisses. Il a également indiqué qu’il soutenait la demande de négociations de la Commission européenne.

Médiateur ou allié?

Contrairement à ce qui était le cas en matière de défense du secret bancaire, le Luxembourg n’a, dans la question des régimes fiscaux, pas les mêmes intérêts que la Suisse. Sur pression européenne, le Grand Duché doit en effet abroger d’ici à 2010 une série de pratiques fiscales qui s’apparentent à celles de certains cantons.

Dans la querelle sur la fiscalité entre la Suisse et l’Union européenne, le Luxembourg préférerait donc apparaître comme un médiateur amical plutôt que comme un véritable allié de la Suisse.

Simon Thönen, Luxembourg
(Traduction de l’allemand: Carole Wälti)

Berne estime que les procédures de taxation des entreprises d’administrations, de sociétés mixtes et des holdings sortent du champ d’action de l’Accord de libre-échange de 1972. Cet accord concerne uniquement le commerce de certains biens (produits agricoles transformés et industriels).

Selon Berne, ni la Suisse ni la Communauté économique européenne n’entendaient harmoniser leurs lois au moment de signer cet accord.

Les règles de cet accord ne doivent pas, toujours selon Berne, être interprétées de la même manière que la réglementation interne à l’actuelle UE, plus détaillées en matière de concurrence.

La Commission européenne a déclaré mardi que les privilèges fiscaux accordés par certains cantons aux entreprises étaient incompatibles avec l’Accord de libre-échange de 1972, conclu entre la Suisse et l’Union européenne (UE).

L’exécutif européen vise ainsi les privilèges fiscaux accordés par certains cantons aux entreprises qui y ont établi le siège de leur holding, mais qui réalisent leurs bénéfices à l’étranger.

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