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Le Darfour au menu du Conseil des droits de l’homme

Au Darfour, de nombreuses familles ont été contraintes à l'exil pour échapper aux violences ethniques. Keystone

Le Conseil des droits de l'homme affronte un autre moment clé de sa courte histoire. Il tient dès mardi à Genève une session extraordinaire sur le Darfour.

Les ONG craignent de graves dissensions entre les 47 pays membres de cet organe de l’ONU. Le gouvernement soudanais ne sera probablement pas blâmé pour les violations en cours.

Selon les Nations Unies, au moins 200’000 personnes ont été tuées au Darfour depuis 2003, et plus de deux millions d’individus ont été déplacés.

Or le Conseil des droits de l’homme, qui a vu le jour il y a six mois à la suite d’une initiative de la Suisse, n’a jusqu’ici pas consacré de session extraordinaire à cette crise humanitaire.

Les pays membres ont néanmoins décidé d’en tenir une après que le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan les a accusés de ne se préoccuper que du conflit israélo-palestinien.

Orchestrées par les pays arabes et musulmans, des manœuvres habiles ont en effet amené le Conseil à consacrer les trois sessions extraordinaires tenues jusqu’ici exclusivement au Moyen-Orient.

Deux résolutions

Mardi, les débats ont porté sur deux projets de résolutions. La première, proposée par la Finlande au nom de l’Union européenne (UE), exige l’arrêt immédiat des violations «importantes et systématiques» au Darfour, ainsi que l’envoi d’une mission d’enquête indépendante.

La seconde, déposée par l’Algérie soutenue en cela par le groupe africain, demande que cette mission soit conduite par le président et des membres du bureau du Conseil, et non par des experts indépendants. La décision de l’envoi d’une mission d’experts devrait tomber mercredi.

Pour Blaise Godet, ambassadeur permanent de la Suisse auprès de l’ONU qui s’exprimait avant la session, toute mission au Darfour devra recevoir l’aval du gouvernement soudanais.

«Envoyer un Africain respecté et connu bénéficiant d’un large soutien pourrait être une idée», a-t-il également déclaré à la ‘Tribune des droits humains’. «Le haut commissariat [aux droits de l’homme] et le rapporteur spécial pour le Soudan figurent également au nombre des candidats potentiels pour une mission de ce type».

Scepticisme des ONG

Du côté des ONG, qui demandent depuis quelque temps que le gouvernement soudanais ait à rendre des comptes, on se dit plutôt sceptique quant à la chance d’aboutir à un compromis satisfaisant.

Peter Splinter, représentant d’Amnesty International aux Nations Unies, estime pour sa part que la résolution à laquelle le conseil aboutira sera faible. «Elle ne comportera pas les éléments importants, comme le fait de tenir le gouvernement soudanais pour responsable des violations des droits de l’homme», a-t-il précisé à swissinfo.

De son côté, Human Rights Watch, basée à Genève, ajoute que cette session ne sera en définitive qu’une «farce» si elle aboutit à une résolution faible.

«Nous avons besoin d’une mission composée d’experts pour être crédibles», a indiqué sa porte-parole Mariette Grange. «Une mission formée de représentants gouvernementaux aurait inévitablement une dimension politique».

Des experts indépendants

Enfin UN Watch craint aussi le pire. Sa porte-parole Elizabeth Cassidy a confié à swissinfo que la meilleure chose pour le conseil serait l’envoi d’une équipe d’experts indépendants dans la région.

Le mois dernier, durant sa seconde session régulière, le Conseil des droits de l’homme a rejeté une proposition visant à tenir le gouvernement soudanais pour responsable des atrocités commises au Darfour.

Il a opté pour une résolution moins explicite, appelant toutes les parties à se retirer du conflit en cours et à cesser leurs exactions.

En invitant les ambassadeurs africains au Darfour quelques jours avant que le conseil n’achève sa troisième session, qui s’est terminée récemment, Khartoum a effectué un lobbying intensif dont le résultat a été l’affaiblissement de la résolution initiale.

swissinfo et les agences

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU se réunit au moins trois fois par an pour un minimum de dix semaines. Il peut convoquer des sessions extraordinaires en cas de crise.
La Suisse a été élue au conseil le 9 mai pour un mandat de trois ans.
Un pays doit avoir l’appui d’au moins 16 pays membres pour convoquer une session extraordinaire.

Le Conseil des droits de l’homme, qui a son siège à Genève, remplace la Commission des droits de l’homme, largement discréditée.

Jusqu’ici, le Conseil des droits de l’homme a traité majoritairement du conflit israélo-palestinien.

La session consacrée au Darfour est la quatrième session spéciale. Les deux premières ont abordé la question des territoires palestiniens, la troisième celle du Liban.

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