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Le Parlement bannit les armes à sous-munitions

La Suisse devra encore détruire ses stocks d’obus à sous-munitions. Keystone

La Suisse pourra ratifier le traité international visant l’utilisation, la production, le transfert et le financement des armes à sous-munitions. Son parlement a en effet approuvé le projet. Les organisations non gouvernementales restent toutefois critiques.

Malgré l’opposition de quelques représentants de la droite conservatrice, la Chambre basse a massivement approuvé lundi l’interdiction des armes à sous-munitions. La Chambre haute avait déjà fait de même l’an dernier.

Le traité, approuvé lors d’une conférence internationale en 2008, a jusqu’à présent été ratifié par 68 Etats. Lors des débats de lundi, le ministre suisse des Affaires étrangères Didier Burkhalter a d’ailleurs souligné le large consensus international et l’importance de la position suisse.

«Pratiquement tous les pays européens l’ont ratifié, a-t-il dit. Il est crucial que la Suisse suive le mouvement, car un refus serait difficile à expliquer au niveau international.»

Le ministre a indiqué que l’approbation du traité revêtait une valeur symbolique et permettrait de maintenir une pression sur les pays non signataires, comme ce fut déjà le cas pour l’interdiction des mines antipersonnelles.

Longue attente

Membre de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) et rapporteur de la Commission de la politique de sécurité, Ursula Haller a ajouté que la Suisse, en sa qualité d’Etat dépositaire des Conventions de Genève, aurait dû interdire depuis longtemps déjà ces armes qui causent le plus de victimes parmi la population civile.

Un avis que ne partage pas son collègue de parti Roland Borer. «J’ai voté contre, car nous attendons toujours un rapport sur le possible impact de cette interdiction sur la capacité de défense de la Suisse», a-t-il expliqué.

Le gouvernement s’est engagé à présenter un rapport sur le sujet d’ici la fin de l’année prochaine. Entre 1988 et 2004, l’armée suisse a acheté environ 200’000 obus à sous-munitions pour son artillerie. Ce stock devra être détruit au cours des huit prochaines années. Le coût de l’opération s’élève à 35 millions de francs.

Financement

Le traité international inclut également une interdiction de financement direct et indirect des armes à sous-munitions. Mais les propositions, issues principalement de la gauche, pour renforcer encore cette réglementation ont été refusées par la Chambre basse.

Socialistes et écologistes souhaitaient interdire les instituts de placement qui ne peuvent pas explicitement garantir qu’ils ne violeront jamais les termes du traité. Plusieurs organisations non gouvernementales ont par ailleurs averti qu’une législation plus efficace était indispensable pour éviter que les banques ne financent la production de tels armements.

Mais une majorité des députés n’ont pas voulu entrer en matière, considérant que ces propositions étaient non seulement inutiles, mais aussi inapplicables.

La section suisse de Handicap International a exprimé sa déception. Dans un communiqué, elle met en garde contre le risque «bien réel» de voir «l’épargne et les fonds des caisses de pension en provenance de Suisse investis dans la production d’armes à sous-munitions».

«C’est donc la société civile qui devra diffuser les noms des entreprises qui produisent les armes interdites et continuer de publier des études qui pointent les institutions financières suisses qui violent la loi», écrit l’ONG.

Volte-face

L’accord a finalement été approuvé suite à une volte-face de la Chambre basse. Dans un premier temps, sensible aux arguments selon lesquels l’interdiction pourrait saper la défense suisse, sa commission avait préconisé son rejet. Mais cette décision a suscité quelques inquiétudes à propos de la tradition humanitaire du pays.

Mais après les élections fédérales d’octobre dernier, la nouvelle Chambre a donc ignoré cette recommandation et s’est prononcée en faveur d’un nouvel examen du dossier.

Ce revirement a été perçu comme un camouflet infligé en particulier aux élus de la droite conservatrice et des représentants de l’industrie de l’armement.

La Chambre haute, pour sa part, avait approuvé le traité à l’unanimité en automne dernier, se contentant de modifier légèrement la version le projet du gouvernement.

Les armes à sous-munitions sont des conteneurs qui, en s’ouvrant, peuvent déverser des projectiles explosifs – jusqu’à 600 – plus petits.

Différentes armes classiques (obus, bombes, missiles) peuvent servir de conteneur.

Les armes à sous-munition ont été utilisées pour la première fois par les Allemands et les Soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale.

Les armes à sous-munitions sont particulièrement utiles pour infliger un maximum de dégâts sur une surface. Elles conviennent notamment très bien à la neutralisation de terrains d’aviations, à la destruction de colonnes de véhicules ou de bâtiments.

Différentes organisations – dont Handicap International – leur reprochent d’être des armes trop dangereuses pour les civils. En effet, un tiers environ des sous-munitions n’explosant pas à l’impact, elles peuvent encore représenter un danger des années après la fin du conflit, comme les mines.

En 2008 à Dublin, 107 pays ont signé, à l’instigation de la Norvège, un accord international sur l’interdiction de ces armes et 68 l’ont déjà ratifié.

Un gros bémol toutefois: les principales puissances militaires de la planète (Etats-Unis, Russie, Chine, Inde et Israël) n’ont pas signé le traité. Aux Etats-Unis cependant, il est prévu que les sous-munitions présentant un taux de raté supérieur à 1% soient éliminées dès 2018.

(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)

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