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Obama veut regagner du terrain en Amérique Latine

Fidel Castro et Barack Obama: un renouveau dans les relations entre Cuba et les Etats-Unis? Keystone

Suppression de certaines mesures contre Cuba, visite au Mexique suivie de la participation au Sommet des Amériques jusqu'à ce soir: l'agenda du Président des Etats-Unis est consacré ces jours-ci à ses «voisins distants».

«Ces quelques changements dans les relations entre les Etats-Unis et Cuba sont pour Barack Obama l’occasion de démontrer qu’il est prêt à établir des liens différents avec l’Amérique Latine», affirme Beat Schmid, analyste suisse résidant à Cuba.

L’administration de George Bush a rapidement perdu du terrain en Amérique Latine, explique ce membre de l’ONG internationale Oxfam et, à quelques exceptions près, le Pérou et et la Colombie, les gouvernements de la région maintiennent une distance plus ou moins grande avec Washnington.

Au cours de ses premiers contacts avec ses voisins du Sud, le Gouvernement de Barack Obama a reconnu la corresponsabilité des Etats-Unis dans les problèmes du trafic de drogue au Mexique et il a introduit des mesures destinées à combattre ce fléau. Les plus récentes sont l’annonce mercredi de la nomination d’Alan Bersin (ancien procureur) au poste de représentant spécial pour les Affaires frontalières («tsar de la frontière»), chargé de superviser les efforts déployés dans la lutte contre la violence dans la région séparant les deux pays ainsi que l’application de sanctions contre les groupes délinquants: le Cartel de Sinaloa, Los Zetas et la «Famille du Michoacan».

Fidel remet les choses en perspective

Ces mesures sont intervenues à quelques heures de la visite d’Obama au Mexique, d’où il s’est envolé ensuite pour le sommet des Amériques, jusqu’à dimanche à Trinidad et Tobago. A quelques heures également de l’annonce de la suppression des restrictions sur les visites et l’envoi d’argent à Cuba par les immigrés cubains résidant aux Etats-Unis, ainsi que de l’autorisation pour les entreprises de communication d’établir des relations commerciales sur l’île.

Dans ses «Réflexions» (une série de messages aux Cubains, diffusés dans la presse et sur internet), Fidel Castro a jugé ces mesures positives mais insuffisantes. Il a déclaré que son pays n’acceptait pas d’aumône et exigé la levée del’embargo qu’il qualifie de génocide.

«Fidel a replacé cette étape dans son contexte», remarque Beat Schmid qui explique que si les Cubains des Etats-Unis sont désormais autorisés à se rendre plus souvent à Cuba pour voir leur famille (une fois par an au lieu d’une fois tous les trois ans auparavant), les autres citoyens des Etats-Unis sont toujours interdits de voyage à Cuba, ce qui prive l’île d’une source de revenus touristiques potentiellement importante.

Plus d’envois d’argent en pleine crise?

Il relève aussi que l’augmentation du montant des envois depuis les Etats-Unis – une somme auparavant de 300 dollars tous les trois mois et aujourd’hui illimitée – aura un impact certain.

Et d’expliquer que les expatriés contournaient les restrictions imposées sur les envois d’argent par des moyens qui renchérissaient ces envois. Ces coûts seront désormais moindres mais les sommes envoyées ayant tendance à diminuer à cause de la crise, la mesure n’aura finalement qu’un effet compensatoire.

En résumé, la levée de ces restrictions imposées par George Bush représente «une promesse électorale minimale tenue et, pour partie, un geste de politique intérieure», relève encore Beat Schmid, qui considère pourtant intéressante la décision d’autoriser les entreprises de télécommunication Etatsuniennes à établir des relations commerciales avec Cuba. Cette décision permettrait par exemple de créer des réseaux de fibres optiques et des communications par satellite entre les deux pays, ce qui pourrait être interprété comme «une volonté politique d’aller plus loin». Volonté qui, elle, pourrait s’exprimer devant la communauté américaine.

Epuisés par l’embargo

Cuba n’est pas présent au Sommet des Amériques de Trinidad et Tobago. Son sort est cependant à l’agenda de la réunion puisque plusieurs pays, la Bolivie en tête, souhaitent demander à Obama la levée de l’embargo commercial.

«Environ un demi-siècle après son décret, l’embargo continue de peser lourdement sur la qualité de vie de la population», souligne Beat Schmid.

Dans le domaine de la médecine, explique-t-il, Cuba est dans l’impossibilité d’acquérir de nombreux produits fabriqués uniquement par des entreprises étatsuniennes ou leurs filiales. Le recours à des tiers s’impose donc, avec des coûts supplémentaires évidents. Et c’est sans parler des produits alimentaires, qui parviennent sur l’île depuis des destinations très éloignées.

Beat Schmid cite également le tourisme et l’interdiction pour les citoyens des Etats-Unis de se rendre à Cuba, alors que le marché potentiel est estimé à plus d’un million de visiteurs par année.

Une économie vulnérable

La liste des restrictions qui affectent le pays est sans fin. Beat Schmid évoque les productions traditionnelles de tabac et de rhum, très appréciées internationalement, et qui ne peuvent être exportées aux Etats-Unis alors que là aussi un marché potentiel très important existe.

Les exemples sont nombreux et si l’on ajoute au poids de l’embargo les pertes causées par les phénomènes naturels (comme les ouragans) et les aléas du marché (comme l’effondrement du prix du niquel), l’économie cubaine apparaît plus vulnérable encore.

Pour Beat Schmid, la suppression lundi 13 avril de quelques mesures concernant l’embargo ne suffit pas à crier victoire. «Ce serait prématuré aujourd’hui mais cela pourrait être un pas dans la bonne direction et, rétrospectivement, peut-être dira-t-on que cette date a marqué le début d’une nouvelle ère dans les relations entre Cuba et les Etats-Unis.»

swissinfo, Marcela Águila Rubín
(Traduction de l’espagnol: Elisabeth Gilles)

Humilité. Dans son discours d’ouverture du cinquième sommet des Amériques, qui réunit 34 pays, le président américain a fait assaut d’humilité et d’humour pour promettre un changement de politique, comme de style, à ses partenaires.

Castro. Sur place, Barack Obama a laissé entendre qu’il était prêt à accepter la proposition du président cubain Raul Castro qui a offert des discussions sur des sujets autrefois tabous pour La Havane, comme les prisonniers politiques.

Chavez. Autre symbole, Obama a salué avec un large sourire et une poignée de main le président vénézuélien Hugo Chavez, qui avait tant détesté George W. Bush. Chavez lui a offert un livre intitulé «les Veines ouvertes de l’Amérique latine», de l’Uruguayen Eduardo Galeano.

Ortega. Obama a aussi serré la main à un chef d’Etat que le défunt ancien président Ronald Reagan avait passé des années à tenter de déloger du pouvoir au Nicaragua: Daniel Ortega.

Programme. Outre la question cubaine, les débats du sommet portent sur les défis régionaux, la crise financière, la canalisation des fonds sur le continent à travers des organismes multilatéraux.

‘Réflexions’ (extraits)

«Le retour de Cuba dans l’OEA (Organisation des Etats Américains) ne dépend pas seulement du Sommet des Amériques mais aussi de l’Assemblée générale de l’OEA», a déclaré José Miguel Insulza, Secrétaire général de l’OEA, au journal O’Globo.

«L’histoire de cette institution regorge des ordures accumulées durant 60 ans de trahison des peuples d’Amérique Latine».

«Insulza affirme que pour entrer dans l’OEA, Cuba doit d’abord être accepté par l’institution. Il sait que quant à nous, nous ne voulons même pas entendre prononcer le nom infâme d’une institution qui n’a pas rendu un seul service à nos peuples. Elle est la trahison incarnée

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