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Premiers pas entre l’Iran et les Etats-Unis

Keystone

Après 30 ans de rupture diplomatique, l'Iran et les Etats-Unis font leurs premiers pas de danse. Le message de Barack Obama pour le Nouvel-An iranien et la participation de l'Iran à la conférence sur l'Afghanistan à La Haye amorçent une reprise du dialogue.

La Suisse, qui représente les intérêts américains à Téhéran, n’est pas prête de voir son rôle diplomatique remis en question. Le jour où Washington ouvrira un bureau à Téhéran n’est en effet pas pour demain.

Mais les deux puissances ont néanmoins amorcé une reprise du dialogue. Le 20 mars dernier, le message du président américain Barack Obama, en persan, a ainsi passé sur les télévisions sur satellite. Les médias iraniens ont également diffusé des extraits du message.

Seuls les journaux sont restés muets en raison des congés du Nouvel-An iranien -«Norouz» – qui ont commencé le 20 mars et vont durer jusqu’au 4 avril. Pendant ces deux semaines, les Iraniens, dont la plupart se déplacent en vacances à l’intérieur du pays, sont privés de quotidiens. Les journaux cessent leur parution et la vie normale est pratiquement paralysée.

Sur Internet, la plupart des sites, notamment conservateurs, ont accueilli positivement le changement de ton du président américain. «Je remercie Dieu, j’espère que ce sera la fin de 30 ans d’hostilité qui était un désavantage pour les deux pays», écrit par exemple un internaute sur le site conservateur Tabnak.

Un long processus

«On ne peut être ennemi éternellement», écrit un autre internaute alors qu’un troisième émet l’espoir que «petit à petit, l’animosité très désavantageuse et sans résultat cédera la place à une amitié bénéfique pour les deux pays.»

Un autre site conservateur, Alef, parle du «message amical du président Obama aux dirigeants de la République islamique». «Pour la première fois, un président américain reconnaît la légitimité et l’existence de la République islamique et cela est de bonne augure», affirme Alef.

Pour l’analyste et journaliste Mashallah Shamsolvaezine, «le processus d’une normalisation entre l’Iran et les Etats-Unis sera long et compliqué». «Visiblement, les Américains ont décidé de changer d’approche vis-à-vis de l’Iran et veulent parler de tous les problèmes et pas seulement du problème nucléaire», ajoute-t-il.

«Ce qui est vraiment intéressant, c’est que dans sa lettre, le président Obama ne parle même pas de la question nucléaire, qui a été la pomme de discorde entre l’Iran et la communauté depuis sept ou huit ans», souligne un autre analyste, qui préfère garder l’anonymat.

Le «guide suprême»

«Les Etats-Unis ne doivent pas attendre les résultats de l’élection présidentielle iranienne du 12 juin. Ils doivent commencer dès maintenant les discussions sur différents sujets, comme ça il n’y aura pas de doute quant à une éventuelle préférence pour tel ou tel groupe iranien», ajoute le même analyste, qui estime que dans cette affaire l’interlocuteur et le décideur principal est le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.

D’ailleurs, c’est M. Khamenei qui a réagi dès le lendemain au message du président Obama en laissant la porte ouverte à un éventuel dialogue. «Nous n’avons aucune expérience du nouveau président américain (…) Changez et nous changerons aussi notre attitude», a-t-il déclaré.

Pour sa part, le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, qui doit se représenter en juin prochain pour un second mandat, est resté silencieux depuis dix jours sur cette affaire comme s’il avait reçu des consignes pour ne pas entrer dans le jeu.

«M. Khamenei a montré le chemin en affirmant que les Américains pouvaient par exemple débloquer les avoirs iraniens ou lever partiellement les sanctions économiques», ajoute le même expert.

Un sujet qui rassemble

En fait, en invitant l’Iran à la conférence internationale sur l’Afghanistan qui s’est tenue le 31 mars à La Haye, les Etats-Unis ont montré qu’ils étaient désormais décidés à accorder une place et un rôle importants à l’Iran. Cela pourrait aller jusqu’à d’autres questions régionales, notamment l’Irak, le Liban, voire même le Proche-Orient.

«Les Américains ont raison de parler directement au numéro un iranien. M. Obama a très clairement évité de répondre au message de félicitation que lui avait envoyé le président Ahmadinejad. C’est une manière de montrer qu’il veut désormais parler directement au chef de l’Etat iranien, c’est-à-dire le guide suprême», a déclaré l’analyste Saïd Leylaz.

«La participation à la conférence sur l’Afghanistan est un premier signal positif de l’Iran à Washington», poursuit-il.

En invitant l’Iran à cette conférence, les Américains ont renversé le jeu. Jusque-là, l’ancienne administration américaine de George W. Bush mettait en avant le programme nucléaire et accusait Téhéran de soutenir le terrorisme en Irak. En choisissant de parler de l’Afghanistan, la nouvelle administration a décidé du sujet sur lequel les intérêts des deux pays se retrouvent le plus.

swissinfo, Bijan Mir à Téhéran

Le 20 mars dernier, le président américain Barack Obama a pris l’initiative historique de s’adresser directement aux dirigeants iraniens. Il leur a offert de surmonter trente années de relations hostiles dans un message diffusé pour le nouvel an iranien.

Son message a pris la forme inédite d’un enregistrement vidéo destiné à être diffusé sur plusieurs chaînes du Moyen-Orient à l’occasion de la fête de Norouz, le nouvel an perse célébré à l’arrivée du printemps.

Barack Obama avertit que «des menaces» ne serviront pas la cause de «ce processus», et demande à Téhéran un «engagement (…) honnête et fondé sur le respect mutuel». «Les Etats-Unis veulent que la République islamique d’Iran prenne sa place légitime dans la communauté des nations», ajoute-t-il.

Il poursuit toutefois: «Vous avez ce droit, mais il s’accompagne de vraies responsabilités» et ne peut être acquis «par la terreur ou les armes, mais plutôt par des actions pacifiques qui démontrent la vraie grandeur de la nation et de la civilisation iraniennes.»

Pour sa part, le gouvernement iranien a réagi en minimisant l’importance de cette ouverture.

Des «changements mineurs ne vont pas mettre un terme aux divergences» entre les deux pays, a estimé Ali Akbar Javanfekr, conseiller pour la presse du président Mahmoud Ahmadinejad.

«Changez, et notre attitude changera. Si vous ne changez pas d’attitude, sachez que notre peuple s’est renforcé au cours de ces 30 dernières années», a de son côté déclaré le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, au lendemain de la diffusion du message d’Obama.

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