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Sanctions contre l’Iran: la Suisse s’aligne

Les négociations internationales sur le programme nucléaire iranien ont repris en décembre à Genève, après plus d'un an d'interruption. Keystone

La Suisse a décidé de durcir les sanctions contre l’Iran en adoptant les mesures appliquées par les Etats-Unis et l’Union européenne. Berne avait longtemps hésité, craignant de compromettre son rôle de médiateur entre Téhéran et Washington.

L’an dernier, la Suisse avait adhéré aux sanctions contre la République d’Iran prises par le Conseil de sécurité de l’ONU. Maintenant, elle va les durcir. Elle a en effet adopté le texte signé en octobre dernier par les Etats-Unis, les Etats membres de l’Union européenne et toute une série d’autres pays.

Ces mesures, qui s’inscrivent dans le cadre du long bras de fer entre la communauté internationale et Téhéran à propos du programme nucléaire iranien, incluent notamment l’interdiction de fournir et d’acheter des biens à double usage et d’autres produits sensibles en terme de prolifération nucléaire.

L’interdiction d’exporter des armes lourdes, introduite suite aux sanctions adoptées en août 2010 par le Conseil de sécurité, a été en outre étendue à tous les biens d’équipement militaire. Les restrictions touchent aussi l’industrie iranienne du pétrole et du gaz, ainsi que les secteurs de la finance et des assurances.

L’économie helvétique ne devrait pas être touchée par cette décision, puisque la Suisse exporte surtout vers l’Iran des produits pharmaceutiques, des machines et des produits agricoles. Le volume des échanges se montait à 700 millions de francs en 2010.

 

Le maillon faible

«En premier lieu, il y avait pour le gouvernement la volonté d’éviter que les sanctions appliquées par nos principaux partenaires commerciaux ne soient détournées par le biais de la Suisse», a expliqué Johann Schneider-Ammann, ministre suisse de l’Economie.

Andrea Bianchi, professeur à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève, partage cette analyse. «Le système des sanctions ne fonctionne que du moment que tout le monde les applique. S’il y a des maillons faibles, on risque de réduire la pression internationale sur l’Etat récalcitrant», explique-t-il.

Et la Suisse était un maillon faible de la chaîne qui cherche à créer une pression sur l’Iran. «Elle pouvait permettre des transactions économiques et des échanges commerciaux là où la communauté internationale cherche à imposer des sanctions», illustre encore le professeur de droit international.

Johann Schneider-Ammann a cependant assuré mercredi qu’il n’existait pas d’indices selon lesquels la Suisse avait été utilisée pour détourner les sanctions internationales.

Remise en cause du rôle diplomatique?

Cette décision de la Suisse pourrait avoir un effet sur le rôle de médiateur de la Confédération dans le conflit iranien, une fonction que la Suisse assume déjà depuis une trentaine d’années entre les Etats-Unis et l’Iran.

Ancien professeur à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève et grand connaisseur de la région, Mahammad-Reza Djalili ne croit cependant pas que les relations entre les deux pays puissent être affectées par la décision du gouvernement suisse.

«La Suisse est trop importante pour l’Iran qui est resté isolé en raison des sanctions internationales, explique-t-il. Pour Téhéran, la Suisse joue un rôle fondamental de pont pour sa diplomatie.»

La décision du gouvernement suisse n’en refroidira pas moins les relations entre les deux pays, pour un certain temps au moins, poursuit-il. Ainsi, la République d’Iran pourrait se tourner vers d’autres pays, la Turquie par exemple, pour rester en contact avec le reste de la communauté internationale.

«Ankara est plus proche géographiquement et culturellement de Téhéran que la Suisse, estime le spécialiste. La Turquie pourrait donc représenter une alternative. Nous ne devons cependant pas oublier que l’Iran et la Suisse entretiennent des relations diplomatiques depuis le 19e siècle et que beaucoup d’organisations internationales ont leur siège en Suisse», souligne Mahammad-Reza Djalili.

Davantage de clarté

Même si, peut-être, le ralliement de la Suisse à la communauté internationale peut, du moins temporairement, peser sur les rapport bilatéraux, la décision du gouvernement suisse présente l’avantage de définir de manière plus claire la marge de manœuvre des entreprises helvétiques au niveau international.

Ces entreprises étaient en effet désorientées par cette situation ambigüe. Selon le rapport sur la politique économique extérieure, le Secrétariat d’Etat à l’économie a dû répondre à pas moins de 270 demandes relatives aux exportations de biens vers l’Iran pour les seuls mois de juin à septembre.

«Le monde des entreprises a besoin de certitudes, de savoir s’il peut exporter certains types de biens vers un pays. Ainsi, créer une certitude sur ce que les sociétés peuvent ou non exporter sans encourir de sanctions, sortir de l’ambigüité, même si cela comporte des restrictions, est un avantage pour les entreprises», conclut Andrea Bianchi.

Le volume des échanges entre la Suisse et l’Iran a atteint environ 741 millions de francs en 2010.

La Suisse a exporté pour environ 700 millions de francs de biens en Iran et en a importé pour environ 41 millions.

Par rapport à 2009, le volume des échanges a diminué d’environ 63 millions de francs.

Les principaux bien d’exportation de la Suisse sont les produits pharmaceutiques, les machines et les produits agricoles.

1917: l’Iran ouvre une ambassade à Berne.

1919: la Suisse ouvre un consulat général à Téhéran.

1936: le consulat devient ambassade.

1979: en pleine révolution islamique, des étudiants iraniens envahissent l’ambassade américaine à Téhéran et retiennent le personnel en otage pendant 444 jours.

1979: les Etats-Unis interrompent leurs relations diplomatiques avec l’Iran.

1980: la Suisse représente les intérêts américains en Iran et assure le service consulaire pour les citoyens américains.

2008: la ministre suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey se rend en Iran pour assister à la signature d’un contrat de fourniture de gaz entre l’entreprise zurichoise EGL et les autorités iraniennes. Cette visite suscite de vives critiques en Suisse et à l’étranger.

18 août 2010: la Suisse adopte les sanctions décidées par le Conseil de sécurité de l’ONU contre l’Iran, qui a refusé de suspendre son programme nucléaire.

 

19 janvier 2011: le gouvernement suisse décide d’adapter les sanctions contre l’Iran appliquées par les principaux partenaires commerciaux de la Suisse, les Etats-Unis et l’Union européenne.

(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

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