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Un accord fondateur pour la métropole lémanique

Le Genevois David Hiler (à gauche) et le Vaudois Pascal Broulis ont signé un accord intercantonal sur les infrastructures ferroviaire et routière. Keystone

Les gouvernements des cantons de Vaud et Genève ont signé un accord qualifié d'historique pour des projets régionaux d'infrastructure et de transport. Un acte politique fort en faveur du développement de l'arc lémanique.

Créateur du concept de métropole lémanique, le sociologue Michel Bassand regrettait l’été dernier, dans une interview accordée à swissinfo, la frilosité des autorités politiques face à la constitution d’un vaste espace urbain entre Lausanne et Genève le long du lac Léman.

Depuis jeudi dernier, cette époque est révolue. L’accord signé par Vaud et Genève constitue un «changement de perspective historique», selon les présidents des deux gouvernements cantonaux, le Vaudois Pascal Broulis et le Genevois David Hiler.

Clairvoyants, les deux présidents ont souligné «la communauté de destin» économique, social et culturel qui lie les deux cantons.

«Admettre qu’une infrastructure est dans notre intérêt même si elle n’est pas sur notre territoire n’est pas allé de soi», a relevé David Hiler. Même si les deux cantons collaborent déjà dans de nombreux domaines, «c’est la première fois qu’un accord de ce type est signé», a souligné, de son coté, Pascal Broulis.

Un symbole fort

Conscients du poids des symboles, les deux gouvernements ont choisi le Château de Prangins comme cadre pour cette signature historique. Les drapeaux vaudois et genevois y flottent ensemble en permanence depuis 1974, date à laquelle les deux cantons ont racheté conjointement l’édifice. Ils l’ont ensuite offert à la Confédération pour y installer une partie du Musée national suisse.

Xavier Comtesse, directeur romand d’Avenir suisse – une boite à idée financée par les milieux de l’économie – estime également que cette décision politique est «un signal envoyé à toute la Suisse que la métropole lémanique existe. Cet accord va durablement marquer les esprits.»

Au-delà des symboles, l’accord de jeudi vise en premier lieu à désengorger le trafic ferroviaire et routier entre Lausanne et Genève. Et ce en ouvrant la voie à un préfinancement, à hauteur de 300 millions de francs, d’une 4e voie de chemin de fer entre Renens et Lausanne.

Ce montant sera payé à raison de 200 millions par le canton de Vaud et de 100 millions par Genève. Il servira aussi à accorder aux Chemins de fer fédéraux (CFF) un prêt destiné au préfinancement de la part fédérale à la réalisation anticipée des croisements de Mies (VD) et de Chambésy (GE) sur la ligne Lausanne-Genève.

Etudes pour la 3e voie

L’accord prévoit aussi le préfinancement des travaux d’études pour la troisième voie Renens-Allaman. Le montant de cette avance de fonds reste à définir. Il sera également assuré aux deux tiers par le canton de Vaud et un tiers par Genève.

Et ce n’est pas tout. Les deux cantons se sont également mis d’accord pour défendre ensemble devant la Confédération le dossier du CEVA, le projet de RER de l’agglomération genevoise. Vaud et Genève apporteront leur soutien aux projets de contournement de Morges et au délestage du contournement de Genève par la traversée du lac.

Enfin, l’Etat de Vaud entrera à raison de 10 millions de francs dans le capital-actions de Palexpo, la société qui gère le vaste espace d’exposition et de congrès en bordure de l’aéroport international de Genève.

Collaborations sectorielles

Pour Nicolas Schmitt, cet accord s’inscrit dans une dynamique qui s’est développée depuis les années 90: les collaborations intercantonales.

«Précédemment, la tendance était de transférer une série de tâche et de prérogatives à la Confédération», rappelle ce chercheur à l’Institut du fédéralisme de Fribourg.

Selon le chercheur, l’entrée en vigueur de la «Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons» le 1er janvier 2008 a intensifié les collaborations entre les cantons.

«Dans l’ensemble de la Suisse, les concordats intercantonaux se sont multipliés, précise Nicolas Schmitt. Ils concernent le plus souvent l’instruction publique, la santé ou la sécurité, des domaines qui sont de la compétence des cantons.»

Fusions caduques

Pour ce spécialiste du fédéralisme, ces collaborations accrues entre les cantons démontrent à quel point les projets de fusions cantonales dans une Suisse subdivisée en 5 ou 6 régions administratives ont fait long feu. Une idée qui a fleuri voici quelques années.

Fervent défenseur à l’époque de ces fusions cantonales, Xavier Comtesse reconnaît aujourd’hui que cette approche était erronée. «La leçon à tirer: les collaborations entre cantons se sont intensifiées selon des thèmes communs (transports, santé, éducation) sans changer les territoires et les structures politiques. Aujourd’hui, il apparaît clairement qu’il ne faut pas rajouter une couche administrative pour moderniser une région.»

Nicolas Schmitt abonde dans son sens. «Il faut absolument éviter de toucher aux frontières cantonales et privilégier les accords sectoriels.» Et de pointer le contentieux persistant autour des frontières du Jura, le dernier canton suisse, créé en 1978.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

«Les Gouvernements genevois et vaudois constatent que leurs deux Cantons forment une communauté d’intérêts découlant notamment des fortes imbrications économiques et des intenses flux de pendulaires.

Formé des deux centres urbains de Genève et de Lausanne, respectivement deuxième et cinquième villes du pays, ce pôle économique est par ailleurs l’un des plus dynamique d’Europe, avec, ces dix dernières années, une progression du nombre d’emplois et d’habitants nettement supérieure à la moyenne nationale.

Le maintien de la compétitivité économique et de la qualité de vie est une préoccupation partagée par les deux gouvernements. La saturation du réseau de transport – tant ferroviaire que routier – entre les deux centres urbains de Lausanne et de Genève constitue une entrave sérieuse au bon développement de la région.

Les deux gouvernements entendent développer et négocier ensemble les solutions permettant de pallier ces problèmes communs. Ils entendent également œuvrer conjointement pour développer leur complémentarité économique et assurer à la région des infrastructures compétitives à l’échelle suisse et européenne

Extrait du protocole d’accord entre Vaud et Genève

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