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Un pas de plus vers un taux unique de TVA

Hans-Rudolf Merz devra batailler dur pour défendre son projet de TVA unique devant le Parlement. Keystone

Le gouvernement suisse a présenté jeudi son projet de taux unique de TVA à 6,1%. Sachant son projet très contesté – notamment parce que la santé et le social seraient désormais taxés, il a divisé son projet en deux parties. La balle est désormais dans le camp du Parlement.

Comme il l’avait annoncé en janvier, le gouvernement a donc adopté deux messages distincts. Le premier ne pose quasiment pas problème.

Il s’agit en effet d’une série de plus de 50 modifications de la législation sur la TVA visant à simplifier le prélèvement de la taxe sur la valeur ajoutée. Les frais administratifs des entreprises devraient baisser d’environ 10% grâce à ce premier volet.

Taux unique

Le second projet reprend ces mesures mais va plus loin. Il vise à ne retenir qu’un taux de TVA (6,1%) au lieu des trois actuels (7,6 %, 3,6 %, 2,4 %). Des 25 domaines actuellement exemptés de l’impôt, il n’en resterait que cinq (services financiers et assurances, paris et loteries, prestations au sein de la même collectivité publique, agriculture, vente et location d’un logement).

Le social, la santé, la formation, la recherche et la culture seraient en revanche désormais imposés. Si la santé restait exclue, le taux devrait être porté à 6,4%, se justifie le gouvernement qui évoque aussi les problèmes de délimitation pour soutenir sa démarche. Pourquoi, par exemple, exonérer comme actuellement les soins médicaux mais pas l’aide à domicile?

Reste que la facture sera salée pour certains. Les primes d’assurance maladie augmenteront de 2,5 %. Jusqu’à 30’000 entreprises supplémentaires seront assujetties, dont quelque 24’000 rien que pour le secteur de la santé. Les aliments et les boissons sans alcool coûteront plus cher tout comme les prestations culturelles, sportives, hôtelières et de formation. En moyenne, chaque ménage devrait débourser six francs de plus chaque mois.

Correctif social

Pour faire passer la pilule, le gouvernement a prévu un «correctif social». Sur le taux de 6,1%, 0,1 point sera redistribué aux revenus les plus modestes (40% des ménages). Les cantons seront tenus de rembourser directement les 380 millions récoltés aux ménages concernés. Cette compensation se montera en moyenne à 170 francs par personne et par an, table le gouvernement.

Autre concession: les institutions d’intérêt public et les associations dirigées à titre bénévole ne seront assujetties à la TVA que si elles réalisent un chiffre d’affaire supérieur à 300’000 francs. But de l’opération: éviter que le nombre des associations (en particulier des clubs sportifs) assujetties n’augmente et ne pas décourager le bénévolat.

Enfin, le gouvernement mise sur les effets positifs à long terme de la réforme sur la croissance. Le PIB devrait augmenter de 0,3 à 0,8%, chaque ménage devrait voir son revenu augmenter de 100 à 700 francs par an, les frais administratifs subis par l’économie devraient baisser de plus de 20%, voire de 30%.

A plus court terme, le gouvernement rappelle en outre que certains produits taxés actuellement à 7,6 % (appareils électriques, vêtements, automobiles) coûteront moins chers.

Au Parlement de trancher

Le gouvernement ayant adopté son message, c’est donc maintenant au Parlement de se pencher sur la question. Et les débats risquent d’être pour le moins animés.

Le projet va tout d’abord se heurter à la gauche qui estime que la réforme voulue par le gouvernement se fera au détriment des plus faibles. Dans son communiqué de mercredi, le Parti socialiste donne d’ailleurs déjà le ton en écrivant que «le gouvernement va dans le mur avec le taux unique antisocial».

Par ailleurs, ce projet heurte aussi de plein fouet les intérêts de nombreux milieux: les hôteliers-restaurateurs, les consommateurs, la culture, etc. C’est ainsi par exemple, que la Communauté d’intérêt du commerce de détail suisse écrit mercredi qu’en voulant maintenir le taux unique, «le gouvernement témoigne de peu de sensibilité politique».

Nul doute que les différents lobbies feront monter la pression sur les élus afin d’obtenir allégements et autres exceptions au taux unique de TVA. Bref, la rentrée parlementaire risque d’être chaude.

swissinfo et les agences

Invention française datant de 1954, la TVA existe aujourd’hui dans tous les pays de l’Union européenne (UE) ainsi que dans de nombreux pays au monde.

Exception notoire, les Etats-Unis d’Amérique connaissent des systèmes de taxes sur la vente (sales tax) propres à chaque Etat et qui ne frappent que les consommateurs finaux (au contraire de la TVA qui touche également les revendeurs intermédiaires).

Même en instaurant un taux unique, la Suisse resterait nettement en dessous de tous les pays de l’UE, dont les taux normaux oscillent entre 15 et 25%.

La plupart des pays de l’UE connaissent un système à taux variable. En France par exemple, coexistent un taux normal à 19,6%, un taux réduit à 5,5% qui s’applique aux produits alimentaires, aux livres et aux transports publics, ainsi qu’un taux minimal de 2,1% réservé à la presse et aux médicaments.

En Europe, seul le Danemark applique un taux unique à 25%.

Enfin, plusieurs Etats européens prévoient un taux zéro pour certains biens comme les journaux (Belgique), les vêtements pour enfants (Irlande, Royaume-Uni), l’or brut (Italie) ou les médicaments (Royaume-Uni, Suède).

En Suisse, la plus grande partie des impôts directs (impôt sur le revenu, impôts sur la fortune, etc.) est perçue par les cantons et la commune. La Confédération ne perçoit que l’impôt fédéral direct (IFD), qui est assez modeste.

En fait, l’Etat fédéral tire la plus grande partie de ses revenus de la fiscalité indirecte: droits de douane, taxe sur les carburants, impôts sur le tabac, etc. La TVA est le plus important de ces impôts relevant de la fiscalité indirecte.

Actuellement, le taux normal de TVA en Suisse est de 7,6%. Mais les biens de première nécessité, les médicaments ainsi que certains biens culturels bénéficient d’un taux réduit de 2,4%. Enfin, les nuitées d’hôtel sont soumises à un taux spécial de 3,6%.

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