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Quand les Romands prennent le train en marche

Genève a détruit son réseau de tramways... avant d'y revenir! tpg.ch

L'Arc lémanique veut une troisième voie de train et se lance dans un combat symptomatique du retard de la Suisse romande en matière de transports publics.

Jusqu’il y a peu, la partie francophone du pays souffrait d’un manque de volonté politique, estime le géographe Christophe Jemelin.

La Suisse continue à parier sur le train. Un nouveau paquet d’améliorations des grandes lignes et des correspondances est actuellement en discussion.

Mais la procédure de consultation vient à peine de commencer que les mécontents montent au créneau. Du côté de l’Arc lémanique (région de Genève et Lausanne) surtout.

Politiques et défenseurs des transports publics s’étranglent en constatant que pour des raisons d’économies, l’Office fédéral des transports et les Chemins de fer fédéraux (CFF) comptent tirer un trait sur le triplement de la voie entre Lausanne-Genève.

Avec 50’000 pendulaires, ce tronçon a pourtant quasiment atteint sa saturation, indique Robert Rivier, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Et les projections les plus conservatrices chiffrent la hausse du nombre de passagers à 22% d’ici 2030.

Réseaux rachitiques

Politiciens et lobbyistes lémaniques sont donc mobilisés. Le combat est symptomatique du retard de la partie francophone du pays en matière de transports en commun. Ne serait-ce que sur le plan des RER (réseau express régional).

«Même s’ils se développent actuellement, les réseaux lausannois et genevois sont carrément rachitiques par rapport à celui de Zurich», observe Christophe Jemelin, chargé de recherche au Laboratoire de sociologie urbaine de l’EPFL.

Renaissance progressive

Le cas du tramway est lui aussi exemplaire. Au début du 20e siècle, Genève possédait l’un des réseaux les plus denses d’Europe. Il a fondu avant de renaître progressivement ces dernières années. Berne et Zurich par contre ont su conserver le leur.

«Zurich investit dans de nouvelles lignes ou du matériel, alors que Genève investit dans la reconstruction de lignes qui existaient. Genève s’est elle-même donnée du retard», résume Christophe Jemelin.

Côté utilisateur cette fois, les chiffres sont sans concession. 40% des Suisses alémaniques possèdent un abonnement de train demi-prix, contre 20% des Romands.

Plus à Zurich qu’à Genève

Dans les grandes agglomérations (en 2000), on utilise plus souvent les transports en commun à Zurich (16,4% des trajets), Bâle (15,7%) ou Berne (16,2%) qu’à Genève (12,1%) ou Lausanne (11,6%).

L’explication généralement avancée est culturelle. Les Latins seraient moins férus de transports en commun. Ce que réfute Christophe Jemelin.

«J’ai l’impression d’un certain fatalisme du côté des CFF, explique-t-il. On dit que c’est culturel et qu’il ne sert à rien de faire des investissements monstrueux en Suisse romande puisque de toute façon, les Suisses romands n’utilisent pas le train.»

Par le mauvais bout

Pour le géographe, le problème est pris par le mauvais bout. «Si Bernois et Zurichois utilisent les transports publics d’agglomération, c’est parce que le réseau est très développé». Autrement dit, la culture a bon dos. Le problème est politique.

«En Suisse romande, la prise de conscience politique sur la nécessité (économique, écologique, territoriale) des transports publics est apparue beaucoup trop tard pour que son impact en matière d’investissement – et donc d’utilisation – se voie», explique Christophe Jemelin.

Le géographe résume la situation ainsi: la Suisse alémanique bénéficie d’un cercle vertueux, la Suisse romande cherche à sortir d’un cercle vicieux.

Recettes et investissements

«En Suisse alémanique où le réseau est bon, l’offre est bonne et de qualité. Lorsqu’on supprime des places de stationnement (Berne) ou augmente fortement les tarifs des parkings (Zurich), les gens adoptent les transports publics. Ça crée des recettes supplémentaires et permet de poursuivre les investissements.»

«En Suisse romande, les gens ont peu l’habitude d’utiliser les transports publics. Quand ils le font, ils paient plein-pot et trouvent donc cela très cher…»

Ce comportement dépend de l’offre, explique Christophe Jemelin. Le géographe cite l’exemple de la desserte Genève-Lausanne qui, jusqu’à l’an dernier, reposait sur trois trains par heure, tous dans le même quart d’heure…

Maintenir la pression

A la première occasion, les utilisateurs que l’on pousse vers les transports publics par des mesures incitatives reviendront à la voiture si d’importants investissements ne sont pas réalisés, assure le géographe.

Ceci dit, avec l’engorgement des routes, le prix du pétrole qui flambe et la progression des thèses «vertes», les transports en commun font maintenant partie des priorités à l’ouest du pays aussi.

«La Suisse romande est en bonne voie, constate Robert River. Il faut maintenant éviter que la pression ne baisse.»

swissinfo, Pierre-François Besson

Le réseau ferroviaire suisse couvre 5250 km.
Ce qui, rapporté à la taille du pays, en fait le réseau le plus dense d’Europe.
Les chemins de fer fédéraux (CFF) transportent 250 millions de passagers par an
Ou 700’000 personnes chaque jour.
Le Suisse est le deuxième plus gros utilisateur du train derrière le Japonais – 1739 km parcourus en 2004.

– En 1987, la population suisse a décidé d’une stratégie de modernisation et d’augmentation de l’offre des chemins de fers. Ce projet – appelé Rail 2000 – se concrétise par étapes. La première a été achevée en 2004 pour un coût de 7, 4 milliards de francs.

– L’Office fédéral des transports et les Chemins de fer fédéraux (CFF) viennent de proposer un nouveau paquet ferroviaire. Après examen par les milieux concernés (procédure de consultation), il sera soumis au Parlement.

– Durant les vingt prochaines années, un investissement de 4,7 milliards de francs est envisagé pour accélérer et densifier le trafic sur les principaux axes du pays (coûts d’infrastructure). Environ 15% de cette somme pourrait concerner la Suisse romande.

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