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RSF fait campagne contre des JO à Pékin

«La Chine: médaille d’or des violations des droits de l’homme». RSF

Reporters sans frontières (RSF) juge inacceptable que Pékin puisse accueillir les Jeux Olympiques d'été de 2008. A un mois de la décision du CIO, l'organisation internationale de défense de la liberté de la presse s'allie à deux autres ONG et se lance dans une campagne d'affichage.

RSF, dont le siège est à Paris, a choisi la Suisse – pays hôte du Comité international olympique – pour dire haut et fort qu’il y sur la planète suffisamment de pays démocratiques «pour éviter d’accorder à l’une des dernières et des plus violentes dictatures du monde le privilège d’organiser la plus prestigieuse fête du sport».

Si la section suisse de Reporters sans frontières s’est jointe à l’initiative prise par le secrétariat international, ce ne fut pas sans quelques hésitations, concède sa présidente Laurence Deonna. Car d’habitude RSF «ne s’occupe que des journalistes». Et comme Paris est aussi ville candidate, «on ne voulait pas servir la soupe au Quai d’Orsay!»

Finalement c’est donc la section suisse qui a convoqué à Genève une conférence de presse à laquelle participaient deux autres associations, Solidarité Chine et le Comité de soutien au peuple tibétain.

Le secrétaire général de RSF, Robert Ménard, y a distribué la copie d’un «dossier argumenté», envoyé il y a une quinzaine de jours à tous les membres du CIO. Jusqu’ici, dit-il, aucun d’eux n’a répondu.

Informations que le Comité international olympique, à Lausanne, n’est pas en mesure de confirmer. Mais l’un de ses membres, contacté à titre individuel, nous a dit recevoir chaque jour une bonne cinquantaine de lettres ou de e-mails, souvent identiques, au sujet de la candidature de Pékin et qu’il ne lui était guère possible d’y donner suite autrement qu’en prenant note des arguments et de voter ensuite en son âme et conscience.

Sur six-sept pages, l’argumentaire de RSF dresse brièvement «un palmarès accablant» de diverses formes d’innombrables atteintes aux droits de l’homme commises en Chine et met en garde contre le risque que représenteraient des JO dans un pays «à la fois répressif et instable».

La privation des libertés, le contrôle de l’information, la corruption, la colonisation du Tibet, l’intolérance religieuse ou encore le travail forcé sont autant de raison invoquées par RSF pour démontrer que Pékin 2008 est «une candidature contraire à l’esprit olympique». Ce serait même, dit Robert Ménard, «aussi monstrueux que les JO de 1936 à Berlin».

Wei Jingsheng, le célèbre dissident chinois, appuie la démarche de Reporters sans frontières. Si Pékin venait à organiser les Jeux, dit-il, il est probable que les violations des droits de l’homme s’aggraveraient encore. Sans parler des impôts supplémentaires dont la population devrait s’acquitter et qui ne feraient que l’appauvrir davantage.

Il reconnaît cependant que certains de ses compatriotes voient cette perspective olympique d’un très bon œil. Les sportifs bien sûr, mais aussi tous ceux qui, dans les milieux immobiliers par exemple, profiteraient des retombées économiques de ce rendez-vous sans pareil.

Marie Holzmann, responsable de l’association Solidarité Chine, rejette pour sa part comme une «hérésie» l’idée qu’un événement aussi médiatisé soit-il puisse annoncer des jours meilleurs pour la démocratie chinoise: «c’est, se souvient-elle, sous les yeux de toute la presse du monde entier que les tanks ont écrasé les manifestants de Tien An Men».

Le 13 juillet, à Moscou, le CIO choisira la ville hôte des Jeux d’été de 2008. D’ici là, RSF se lance donc dans une campagne d’affichage. Le message tient en une image sans équivoque où les cinq anneaux olympiques ont été remplacés par cinq paires de menottes assorties d’une proclamation: «La Chine: médaille d’or des violations des droits de l’homme».

Cette campagne ne va pas sans mal, car, si l’on en croit Robert Ménard, toutes les grandes sociétés d’affichage auraient refusé de placarder les affiches de RSF. Qu’importe. Des camions sillonneront les grandes villes pour les montrer. Un «affichage dynamique», et parfois sans doute sauvage, servira de parade.

A Genève, la Société générale d’affichage – qui détient un quasi-monopole de l’affichage sur le domaine public suisse – nous affirme ne pas avoir connaissance d’une telle demande de services de la part de RSF. La stricte neutralité étant de règle chez elle, elle ne voit pas, théoriquement, comment elle aurait d’ailleurs pu motiver un hypothétique refus.

Cela précisé, faut-il en déduire que Reporters sans frontières se convertit désormais en une association de défense de tous les droits de l’homme? «Non, répond son secrétaire général. Mais il y a en Chine suffisamment d’atteintes à la liberté d’expression pour que l’on prenne position sur sa candidature aux Jeux. Nous avions espéré que d’autres s’engagent sur ce terrain-là, mais personne ne l’a fait!»

Les Chinois en seront-ils informés? Un collègue journaliste chinois avoue sans détours qu’il n’en parlera point. Il ne partage de loin pas l’argumentation qu’il vient d’entendre. Et puis, surtout, il ne tient pas à se mettre à dos tous les sportifs de son pays.

Bernard Weissbrodt, Genève

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