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Salons horlogers: la fin de l’esprit de clocher

Bon marché ou hors de prix, les montres s'exposent à Bâle. Keystone

Longtemps, le printemps horloger a rimé avec une question essentielle: Bâle ou Genève? Et, à l'aune des réponses, on classait les partisans de l'un ou l'autre salon.

Mais, à l’heure de l’ouverture de BASELWORLD 2004, tout le monde tire désormais à la même corde, des bords du Rhin à ceux du Rhône.

Quand tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, les horlogers ont le temps de s’adonner à de petites guerres de prestige. L’exemple en a été donné, durant près de 15 ans, à travers les petites phrases assassines distillées par les organisateurs des salons horlogers de Bâle ou de Genève.

«Cela sent décidément trop la saucisse grillée», disait-on de Bâle. «Que voulez-vous aller faire dans une manifestation confidentielle et snobinarde?» rétorquait-on en parlant de Genève.

Aujourd’hui, les temps ont changé. Et celui de la discorde est bel et bien révolu. Car, même si l’année 2002 a encore marqué une augmentation de la valeur des exportations horlogères suisses, la récession, la guerre en Irak et l’épidémie de SRAS, entre autres, ont sonné le glas de la progression en 2003.

Les chiffres publiés par la Fédération de l’industrie horlogère suisse sont nets et sans appel. Ils nous montrent une diminution des ventes de 4,4 % à 9,292 milliards de francs et une baisse spectaculaire du nombre de pièces produites en Suisse de 8,4 %, soit 2,2 millions de pièces perdues.

Le grand rendez-vous de Bâle



Le salon de Bâle (BASELWORLD) reste la plus grande manifestation mondiale dédiée à la montre. Hormis les 16 marques qui exposent à Genève, pratiquement tout l’univers horloger helvétique et mondial est représenté dans les stands rhénans. C’est donc une gigantesque vitrine et le public le sait bien, puisque environ 90’000 visiteurs y accourent.

Bâle, c’est le salon de toutes les audaces. On y trouve le meilleur et le pire. Les grands noms, tels Patek Philippe, dont les produits coûtent plusieurs milliers de francs pour les plus modestes, y côtoient – certes pas dans la même halle d’exposition – les plus modestes producteurs de Hong-Kong, qui montent des garde-temps digitaux affichant un prix de vente public de 1 dollar.

Cette manifestation est donc la meilleure occasion de recenser les démarches horlogères menées sur les cinq continents, des plus traditionnelles au plus «décoiffantes».

C’est à Bâle que, pour les horlogers suisses, se mesurent les évolutions des concurrents étrangers. Et dans le segment de la montre dite économique, celle vendue au public entre 1 et 250 francs, les Helvètes ont des soucis à se faire.

En effet, du côté de l’Asie notamment, grâce à un coût très bas de la main d’œuvre et à une industrialisation de masse, des dizaines de millions de montres sont produites chaque année.

Or c’est une légende de croire que, dans ce segment, seules les pièces construites en Suisse sont de qualité. Les consommateurs des pays émergeants ne s’y trompent pas. Il suffit d’observer dans les statistiques de la FH la diminution des ventes de produits suisses économiques pour s’en convaincre.

D’autres métiers à Genève



A Genève, au Salon International de la Haute Horlogerie, les enjeux sont fort différents. Cette manifestation, qui accueille 16 marques seulement, est réservée aux seuls professionnels, agents, détaillants et médias. Le SIHH est donc exclusivement consacré à l’horlogerie du luxe.

Aujourd’hui, on peut dire que le segment de l’horlogerie de prestige est un autre métier. Si le luxe horloger représente près de 60% de la valeur des montres suisses, il ne pèse presque rien en terme de quantités avec moins de 5% des montres produites en Suisse.

L’horlogerie de prestige est donc une niche dans laquelle les garde-temps comportent une très forte proportion de valeur ajoutée, c’est-à-dire d’intervention humaine. Car, aujourd’hui, horlogerie de prestige ne rime plus avec apport massif de pierres précieuses, mais bien avec technique mécanique sophistiquée.

De fait, c’est cette horlogerie qui porte haut la bannière de l’excellence suisse dans le monde. C’est elle qui crée le goût pour les belles mécaniques et la mode horlogère. Cela coûte très cher, en termes de communication, de développement technique, de recherche et de créativité. Cela explique le prix élevé des montres du segment de prestige.

Mais, aujourd’hui, tous les observateurs avertis le soulignent: l’industrie horlogère suisse ne survivra, à terme, que si elle est capable de remplir tous les segments économiques de la montre en assurant des quantités qui dépassent les 25 millions de pièces par an.

Une diminution, comme elle en connaît chaque année depuis dix ans, signifie une perte de capacité de production qui la relèguera, à l’horizon 2015, au rang d’activité «exotique».

swissinfo, Eric Othenin-Girard

Le Salon International de la Haute Horlogerie se tient à Genève du 19 au 25 avril.
Le salon «Baselworld» se tient à Bâle du 15 au 22 avril.

– Le salon de Bâle («Baselworld») est la plus grande manifestation mondiale dédiée à la montre. Une gigantesque vitrine qui réunit chaque année 90’000 visiteurs environ.

– Le Salon International de la Haute Horlogerie, à Genève, accueille 16 marques seulement et est réservé aux professionnels, agents, détaillants et médias. Il est exclusivement consacré à l’horlogerie du luxe.

– En Suisse, le secteur horloger connaît un coup de frein: diminution des ventes de 4,4 % à 9,292 milliards de francs et baisse spectaculaire du nombre de pièces produites en Suisse de 8,4 %, soit 2,2 millions de pièces perdues (chiffres publiés par la Fédération de l’industrie horlogère suisse).

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