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Saucisses fédérales: de l’art ou du cochon?

Sans son texte, cette annonce reste incompréhensible. bell.ch

Sans la mention «charcuterie fédérale», qui aurait l'idée d'associer sept saucisses sur une annonce de pub avec les sept membres du gouvernement suisse?

La grande marque de charcuterie qui diffuse ce curieux message l’admet volontiers: le clin d’œil est délibéré, sinon évident. Le sens, par contre, l’est moins.

Sept saucisses = sept conseillers fédéraux? Le lien n’est pas évident. Tellement peu que sans le slogan «charcuterie fédérale», personne n’aurait pensé au gouvernement helvétique. La dernière annonce du groupe bâlois Bell, leader suisse de la boucherie industrielle n’eut alors rien paru montrer d’autre que ce qu’elle montre: de la viande.

Le lien est pourtant bien réel. Au siège de Bell, Davide Elia, responsable de la communication et du marketing, ne s’en cache pas. «C’est une agence qui conçoit nos campagnes. L’idée venait d’eux et nous l’avons acceptée. Il s’agissait de montrer la diversité de nos produits, aussi riche que celle de nos conseillers fédéraux».

Ah bon, mais alors dans ce cas, qui est qui? Si l’on s’amuse, comme l’a fait le tabloïde romand Le Matin, à comparer l’annonce de Bell avec la dernière photo officielle du Conseil fédéral, on retrouve Micheline Calmy-Rey en gendarme et Christoph Blocher en cervelas…

Bell ne prétend pas être allé si loin. «Les saucisses ne symbolisent pas du tout l’aspect physique des membres du gouvernement», explique Davide Elia. Effectivement, ça ne collerait pas. Le grand Couchepin n’a rien d’un gros boutefas, saucisse par ailleurs typiquement vaudoise, alors que le ministre est valaisan.

Et le respect alors?

«A ma connaissance, on n’avait jamais encore utilisé des personnalités politiques de ce niveau pour une pub en Suisse», note Gianni Haver, sociologue de l’image à l’Uni de Lausanne.

Et pour les traiter de saucisses? «Cette annonce joue sur l’ambiguïté, relève le spécialiste des médias. Comme la marque vante la qualité de ses produits, elle peut très bien arguer du fait que de son point de vue, ce n’est pas du tout péjoratif».

C’est d’ailleurs bien comme ça que l’on semble l’avoir pris à Berne. Cité par Le Matin, le porte-parole du Conseil fédéral a admis que si les saucisses étaient de qualité, on pouvait effectivement le prendre comme un compliment.

Davide Elia quant à lui se défend d’avoir voulu ridiculiser qui que ce soit. «En tant qu’entreprise qui travaille avec des produits de l’agriculture, nous savons bien quelle est l’importance du monde politique», précise le porte-parole de Bell.

Juste pour qu’on en parle

Alors, satire facile, inspirée par le populisme ambiant? Gianni Haver ne voit rien dans cette photo qui puisse la rattacher à une satire politique, dans la veine des Guignols de l’info en France ou de La Soupe en Suisse romande.

«Cette pub utilise un élément de la politique nationale, mais elle n’en fait rien, si ce n’est susciter une certaine hilarité ou la surprise, note le sociologue. Il n’y a aucun discours porteur, pas d’analyse. Ce n’est pas une satire. Il s’agit juste de faire mousser».

«La satire est acceptée comme regard politique, certes irrévérencieux, mais dans une logique qui peut faire avancer la réflexion, mettre le doigt sur des points douloureux ou compliqués, par le clin d’œil, par le rire», explique encore Gianni Haver.

Le sociologue rangerait plutôt les saucisses fédérales de Bell avec ces campagnes qui cherchent à créer un retour médiatique, ressort exploité par des marques comme Benetton, ou plus récemment, dans des registres opposé, par Sloggy et ses «femmes objets» contre Dove et ses «femmes vraies».

L’important donc, c’est qu’on en parle. Et ça marche !

swissinfo, Marc-André Miserez

– Trois semaines durant, les journaux suisses ont accueilli l’annonce «Charcuterie fédérale» de Bell, numéro un de la viande en Suisse.

– Si on la compare avec la dernière photo officielle du Conseil fédéral (gouvernement, LIEN CI-DESSOUS), on voit qu’Hans-Rudolf Merz est une saucisse de veau, Micheline Calmy-Rey un gendarme, Pascal Couchepin un boutefas, Samuel Schmid une saucisse bernoise à la langue, Moritz Leuenberger une saucisse au foie, Joseph Deiss une saucisse de Francfort et Christoph Blocher un cervelas.

– Pour renforcer l’allusion aux sept membres du gouvernement, les publicitaires ont épargné la chancelière Annemarie Huber-Hotz, pourtant présente sur la photo officielle.

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