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Parmi les candidats à l'élection présidentielle française figurait un homme qui alterne provocation et réflexion, humour et rébellion: le franco-suisse Jean-Philippe Allenbach.

Créateur du Parti fédéraliste français en 1996, c’est en indépendant qu’il concourrait, portant haut les couleurs de la ‘province’.

Notre rencontre a eu lieu alors que Jean-Philippe Allenbach était encore dans la course, avant que ne tombe le verdict des ‘500 signatures’.

QG de campagne modeste, niché dans une maison qui appartient à Jean-Philippe Allenbach, au cœur du vieux Besançon. On est loin des machines de guerre de l’UMP et du PS. Plutôt du côté de la guérilla que de la bataille rangée.

Allenbach, consultant en commerce international dans les secteurs énergétiques, est une personnalité connue de Besançon. Un frondeur en perpétuelle rébellion contre Paris le jacobin, Paris le centralisateur.

swissinfo: Jean-Philippe Allenbach, «candidat de la Province» ou «candidat de la Province contre Paris»?

J-P.A.: Le candidat qui défend les intérêts de la province. Il est clair que nous n’avons rien contre Paris, les Parisiens ne sont pas dans une meilleure situation que nous. Mais nous en voulons à cette élite qui décide tout pour la France sur les plans politique, économique, culturel, financier, médiatique…

swissinfo: Au cœur de votre projet, une «VIe République fédérale pour la France», avec des gouvernements et des parlements régionaux. L’idée d’une VIe République n’est-elle pas effrayante pour les Français?

J-P.A.: Les institutions, cela n’intéresse personne. Il faut être concret. Est-il normal que le budget culturel de ma région, la Franche-Comté, corresponde à la moitié des simples frais de balayage de la Grande Bibliothèque à Paris? Est-il normal que pour faire Besançon-Genève, il me faut six heures de train avec changement à Mouchard et à Lausanne alors qu’un Parisien va en trois heures, sans changement de train, au bord de la Méditerranée?

Je suis le candidat qui ne veut plus de cela. Mon message, un peu populiste et basique, n’est pas institutionnel. Il est simple: que Paris nous lâche les baskets, nous rende notre argent, reprenne ses énarques. Et tout ira déjà beaucoup mieux.

swissinfo: Vous prônez une décentralisation maximale – éducation, emploi, services publics, énergie, audiovisuel, fisc etc. Vous allez même au-delà du modèle suisse!

J-P.A.: On juge un système par ses résultats. Quand on voit les résultats des systèmes fédéraux, notamment suisse, et les résultats du système français, il n’y a pas photo. Et quand le système est mauvais, on en change. Ce n’est donc pas une question de gauche ou de droite: il ne s’agit pas de changer le chauffeur du véhicule, mais le véhicule.

Si vous prenez l’exemple du chômage: c’est là où on gère le chômage au plus près qu’on a les meilleurs résultats. C’est les petites entités – l’Autriche, la Suisse, l’Irlande, le Danemark, les Pays-Bas – qui fonctionnent le mieux. Quand vous gérez le chômage d’en haut, vous avez des résultats catastrophiques. Tous les théoriciens le disent: face à la mondialisation, ce sont les systèmes décentralisés qui sont les plus efficaces. Il faut que l’ensemble ait un cap commun, mais que les détails soient réglés au plus proche des problèmes.

swissinfo: Vous évoquez aussi la création des Etats-Unis d’Europe, puis, au-delà, une Confédération Eurafricaine… Autrement dit, une construction en poupées russes!

J-P.A.: C’est le système fédéraliste. Défendre son quartier dans la ville. Sa ville dans la région. Sa région dans le pays. Son pays dans l’Europe. L’Europe dans le monde. Et le monde face à certains problèmes… Les problèmes doivent être résolus au niveau le plus pertinent, là ou ils se posent. Parfois au niveau du quartier, et parfois au-delà du niveau européen quand il s’agit d’énergie et de pollution. Ce qui faisait dire à Denis de Rougemont que le pouvoir est partout et nulle part.

swissinfo: Votre plus gros succès électoral à ce jour: environ 5% aux municipales de 2001 à Besançon. Comment expliquer que dans votre propre région, le mouvement que vous incarnez touche si peu la population?

J-P.A.: On bénéficie sur Besançon d’un immense capital de sympathie. Mais il faut le convertir en votes. Or le réflexe, ici, c’est: ‘Allenbach a de bonnes idées, il nous défend bien, mais il ne sera pas élu, alors votons utile’. Et on en revient aux grosses machines, PS et UMP.

swissinfo: Honnêtement… peut-on postuler à la présidence de la République peu après avoir appelé au rattachement de la Franche-Comté à la Suisse?

Les Suisses ont un peu accéléré la chose! En fait, la Franche-Comté et l’Etat français ont un problème de couple. Dans un couple, il peut arriver un moment où malgré l’amour, l’autre a un comportement qu’on voudrait voir changer, et lui ne veut pas changer. Notre démarche est donc de faire savoir à l’Etat que s’il ne change pas de comportement, la valise est dans le couloir. La menace du divorce fait réfléchir le partenaire.

Si lors de la présidentielle n’émerge pas un candidat qui mette la France sur la voie du fédéralisme, nous irons voir ailleurs. Je ne vois pas au nom de quoi on continuerait à souffrir en Franche-Comté pour que puissent vivre Paris, sa noblesse de cour et le système jacobin.

Si la Franche-Comté était un canton suisse, de par l’Histoire, elle serait aujourd’hui sur les plans économique, de l’emploi, de la sécurité, du respect de l’identité régionale, dans une situation bien meilleure que celle dans laquelle elle se trouve en tant que région française. Genève n’a d’ailleurs jamais demandé à redevenir française! Si la France ne veut pas nous donner le fédéralisme, nous irons le chercher ailleurs.

swissinfo: Cette campagne, pour vous, c’est un haut-parleur?

J’en ai un peu assez de faire le haut-parleur! J’ai 59 ans, j’utilise cette campagne pour trouver le moyen d’agir par la suite. C’est-à-dire d’être associé aux responsabilités, à une direction gouvernementale par exemple. J’en ai assez d’écrire et de parler, je veux agir. Cette campagne est un moyen, pas une fin en soi.

Interview swissinfo, Bernard Léchot à Besançon

Jean-Philippe Allenbach, franco-suisse, est né à Besançon en 1948. Il est le fils de Jean-Pierre Allenbach, célèbre animateur à la RSR et le frère de Patrick Allenbach, producteur à la TSR.

Sciences économiques à Strasbourg, puis Institut d’études politiques à Paris.

Depuis 1984, il dirige sa propre société de consulting en commerce international de produits énergétiques. Sa société, basée à Zoug, en Suisse, a des antennes à Paris, Varsovie, Chicago, Moscou et Yaoundé.

Européen convaincu et partisan du fédéralisme, Jean-Philippe Allenbach fonde en 1971 avec Guy Héraud, professeur d’Université à Strasbourg, le Parti fédéraliste européen.

En 1996, il crée le Parti fédéraliste français, qu’il dirige jusqu’à fin 2005. Après avoir démissionné de sa présidence cette année-là (Christian Chavrier lui succédant), il quitte le Parti fédéraliste début 2006.

En 2005, suite au ‘non’ français au Traité constitutionnel européen, Jean-Philippe Allenbach lance l’idée de rattacher la Franche-Comté à la Suisse…

En 2006 il annonce officiellement son intention d’être candidat à la présidentielle de 2007 et publie «La province, c’est capital» aux éditions L’archipel.

En février 2007, conscient de ce qu’il ne sera pas élu président, Jean-Philippe Allenbach appelle les régions, en particulier frontières, «à tout faire pour aller chercher ailleurs l’autonomie politique, les moyens financiers et le respect culturel que la France leur refuse» .

Le 19 mars, n’ayant pas décroché les 500 parrainages requis pour participer au 1er tour de l’élection présidentielle, il annonce quitter la France pour s’installer à Genève.

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