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Les saints-bernards du monde retournent au pays

Le chien saint-bernard, must absolu de l'imagerie touristique suisse. Keystone

A 50 km au pied du col alpin et de son hospice berceau de la race, Martigny est pour deux semaines la capitale mondiale du saint-bernard. Un chien emblématique de la Suisse auquel la branche touristique tient comme à la prunelle de ses yeux.

L’image d’un saint-bernard affublé d’un tonnelet avec, à l’arrière-plan, le Cervin est l’une des plus utilisée dans le monde par les médias internationaux qui évoquent la Suisse, indique Edith Zweifel, porte-parole de Suisse Tourisme.

Comme la fleur edelweiss, le saint-bernard, chien national suisse, est un symbole fondamental pour l’organisme de la Suisse touristique. Une importance que les Suisses eux-mêmes ne mesurent pas toujours.

Le saint-bernard, chien de sauvetage, est associé à la protection, la sécurité, donc à l’idée «que l’on se sent bien dans les montagnes suisses».

Dans les pays proches, les réalités suisses ont plus d’épaisseur et sont mieux connues que sur les marchés lointains du tourisme helvétique. C’est donc au Japon, en Chine, en Australie, aux Etats-Unis que le saint-bernard donne sa pleine mesure symbolique.

Mieux. Une fois en Suisse, le voyageur chinois ou indien peut rencontrer ce chien en divers sites touristiques, entrer directement en contact avec lui, le flatter, les enfants s’y blottir.

Expériences émotionnelles

«Ce sont les sensations et les odeurs dont on se souvient le plus après un voyage, explique Edith Zweifel. Les expériences émotionnelles sont très importantes pour inciter les touristes à revenir en Suisse. Et ces émotions, elles doivent beaucoup à ces grands chiens.»

Toujours dans le registre du sentiment, le marketing touristique s’est depuis longtemps emparé du saint-bernard pour le décliner en de multiples peluches. Un penchant que la France ou l’Autriche ont aussi fait leur, même si le saint-bernard est suisse.

Suisse Tourisme ne s’en plaint pas. Au contraire: les Alpes sont aussi italiennes, autrichiennes, françaises. Pour communiquer sur les marchés lointains, ces pays collaborent. «Et quand la France ou l’Autriche utilisent le saint-bernard, elles travaillent aussi pour la Suisse et son image.»

En clair, Suisse Tourisme tient au saint-bernard et à la qualité de sa race. L’organisme salue la venue à Martigny ce début juin d’éleveurs et spécialistes de près de 25 pays, qui y tiendront le congrès annuel de l’union mondiale du chien du même nom (WUSB).

Sur le lieu d’origine

Située à cinquante kilomètres du col d’origine du saint-bernard, la petite ville du Valais se veut avant tout cité d’art. Elle abrite la Fondation Pierre Gianadda, deuxième musée le plus visité du pays. Mais elle utilise aussi le saint-bernard comme vecteur de communication.

Martigny abrite le musée consacré depuis 3 ans à ce chien (55’000 visiteurs annuels) ainsi que l’élevage remis en 2005 par les chanoines de l’hospice du col à la fondation Barry, du nom d’un mythique molossoïde du début du 19e siècle.

«Le saint-bernard permet d’attirer un public large, familial, confirme Fabien Claivaz, responsable du tourisme local. Et c’est une très belle chance d’accueillir quasiment sur le lieu d’origine de ce chien l’union mondiale du saint-bernard.»

L’enjeu central, à Martigny, sera de réaffirmer le standard suisse (et officiel!) de la race. Une race qui, comme chez les autres chiens, fait donc l’objet d’un ensemble d’exigences garanti par la Fédération cynologique internationale.

Partout sur la planète

Des élevages de saint-bernard, il en existe partout sur la planète, de l’Afrique du Sud au Mexique, de l’Australie aux pays européens. Son tempérament fait de cette race un chien d’agrément prisé. Malgré sa taille.

Dans leur majorité, les juges internationaux s’engagent à juger sur la base du standard suisse lors des concours. Ils orientent ainsi l’élevage, donc l’évolution de la race.

Mais la réalité est plus complexe. Dès les débuts «officiels» du saint-bernard à la fin du 19e siècle, les Anglais ont contesté la «vision» suisse. Dorénavant, ils s’y rangent progressivement, précise Pascal Yerly, vice-président du Club suisse du saint-bernard.

A partir du standard officiel, les Suisses dirigent aujourd’hui leurs efforts vers un chien «plus aéré sous le ventre, plus haut sur pattes, qui puisse bouger», indique Bernard Léger, éleveur suisse et juge international.

Français avec les Suisses

Les Américains par contre, suivis par les Scandinaves, plébiscitent un autre standard. Il débouche sur un chien beaucoup plus lourd et large, puissant, aux angulations très marquées.

«Les Américains font des chiens de show, une déviance qu’il faut faire cesser», estime Christiane Lafay, présidente du Club français du saint-bernard, qui regroupe plus de 700 éleveurs et se range avec détermination derrière le standard suisse.

Bernard Léger, qui participe au renouveau de l’élevage suisse après quelques années de vaches moins grasses, reconnaît des «jalousies», plutôt qu’une vraie concurrence entre standards.

L’éleveur rappelle aussi que les Américains participent à l’Union mondiale du saint-bernard. «A Martigny, nous allons discuter gentiment, sans rien imposer. Nous sommes un pays neutre, qui sait ce qu’il veut…»

Le dialogue est d’autant plus important qu’en Suisse comme ailleurs en Europe, le patrimoine génétique de la race tend à s’appauvrir. Ce qui doit inciter les éleveurs à diversifier les géniteurs. «C’est leur boulot!», lance Bernard Léger.

«Nous avons besoin de tout le monde, assure l’éleveur. Y compris des Américains, qui nous amènent notamment un qualité d’angulation qui permet quelques retouches.» Ou quand le pays de la précision peaufine son chien taillé sur mesure.

Pierre-François Besson, swissinfo.ch

Dates. Du 6 au 13 juin, Martigny devient la capitale mondiale du chien saint-bernard et accueille le congrès annuel de l’union mondiale du chien du même nom (WUSB, 1967) et ses 21 associations membres. Une première, en Suisse, depuis quinze ans.

Anniversaire. Un millier de spécialistes de ce chien originaires de près de 25 pays sont à Martigny. L’événement coïncide avec les 125 ans du Club suisse du chien saint-bernard (CSSB), qui est l’une de ces associations.

Chiens. Au menu de ces deux semaines, des débats officiels (juges, présidents de clubs) mais aussi des conférences, la présentation de chiens (les 6 et 7 juin) et une grande exposition mondiale de 250 chiens saint-bernard arrivés des quatre vents (le 13).

Grand chien puissant à poil court ou long, blanc et rouge-brun, le saint-bernard peut atteindre une taille de 90 cm et peser 80 kg.

Il est connu comme chien national suisse depuis l’époque du congrès international de cynologie de 1887, qui a reconnu l’origine suisse et officialisé le standard de la race, garanti par la Fédération cynologique internationale.

Les lointaines origines du saint-bernard seraient asiatiques. Sa présence à l’hospice du sommet du col du Grand-saint-bernard est attestée dès la fin du 17e siècle.

Sur ce col situé à 2469 m, à deux pas de l’Italie, les moines accueillaient les voyageurs de passage. Les chiens ont accompagné ces derniers et sauvé plus d’un pèlerin, perdu dans la brume et la neige.

Le célèbre Barry, au début du 19e siècle, moment où Bonaparte passe le col avec son armée, aurait sauvé 40 personnes. Ce qui a ajouté au mythe du chien de sauvetage, rôle que le saint-bernard n’assume plus guère de nos jours.

La Suisse compte actuellement un millier de chiens saint-bernard et une petite vingtaine d’éleveurs. L’été, des chiens élevés à Martigny sont encore visibles à l’hospice du col du Grand saint-bernard.

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