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Suisse-Pakistan: une liaison presque sans nuages

Cinq millions de francs pour l’éducation des jeunes filles. Joseph Deiss a signé jeudi le chèque de la participation suisse à ce programme de l’UNICEF. swissinfo.ch

La Suisse veut croire à la promesse du général Musharraf de faire de son pays une démocratie moderne. Joseph Deiss l'a répété à Islamabad.

«Nous estimons que la situation au Pakistan évolue dans le sens d’un retour progressif vers l’application des principes démocratiques», juge le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) à l’issue de ses entretiens officiels à Islamabad.

Partout dans les rues de la capitale fleurissent les affiches à l’effigie de Pervez Musharraf. Le 30 avril en effet, le général-président entend asseoir sa légitimité en appelant ses compatriotes à répondre à un référendum en cinq questions.

«Ce sont des questions auxquelles il est pratiquement impossible de répondre non», fait remarquer Jean-Marc Clavel, coordinateur adjoint au bureau d’Islamabad de l’aide suisse au développement (DDC). On voit effectivement mal qui pourrait s’opposer aux réformes économiques, à la décentralisation ou à la lutte contre la corruption, dont les progrès sont mesurables un peu partout dans le pays.

Pour Marteen Haider, reporter à la chaîne nationale PTV News, l’issue du scrutin ne fait aucun doute. «J’ai parcouru toutes les régions du Pakistan et je peux vous affirmer que 90% des gens que j’ai rencontrés, quelle que soit leur classe sociale ou leur origine, soutiennent Musharraf. Certains voudraient même en faire un président à vie», déclare ce journaliste enthousiaste.

Plus prudent, Joseph Deiss attendra le vrai test, prévu en octobre. A cette date, Pervez Musharraf promet d’organiser des élections générales qui devraient, selon la formule du chef du DFAE «permettre au Pakistan de retrouver un parlement qui fonctionne».

34 ans de partenariat

En attendant, la Suisse n’a jamais renié son soutien au Pakistan. Ni à l’époque où le «pays des purs» bombait le torse face au grand voisin indien en faisant exploser sa bombe atomique, ni à celle où Musharraf prenait le pouvoir, à la faveur d’un coup d’Etat. Et pas davantage lorsqu’Islamabad soutenait l’obscurantisme taliban.

Tout au plus, Berne a-t-elle alors décidé de plafonner son aide à 15 millions de francs par année. 15 millions pour un pays de 150 millions d’habitants, c’est comparativement bien plus que les 30 millions alloués à l’Inde, dont la population frise le milliard.

«Mais il y a tellement à faire ici», souligne Jean-Marc Clavel. Et la DDC y est engagée depuis si longtemps – 34 ans exactement. Inaugurée au Népal, l’aide suisse au développement en a toujours beaucoup fait pour cette région et ne compte pas baisser les bras.

C’est d’ailleurs une des raisons de la présente tournée de Joseph Deiss, qui après l’Afghanistan et le Pakistan, s’envole vendredi pour le Bhoutan, d’où il passera encore en Inde avant de rentrer au pays.

Small is beautiful

Il y a quinze ans, les bureaux de la DDC pour le Pakistan et l’Afghanistan occupaient une quinzaine de collaborateurs suisses. Aujourd’hui, ils ne sont plus que cinq et les postes ainsi libérés ont été repris par des nationaux. Une manière d’être à la fois plus efficace et moins cher.

Durant la même période, les sommes allouées à des projets du gouvernement pakistanais ont fondu tandis que croissaient les budgets dévolus au secteur privé et à la société civile. Que ce soit pour la reforestation, pour l’éducation ou pour la création de micro-entreprises, l’aide suisse fait ici de plus en plus confiance aux initiatives purement locales.

Encore de vastes zones d’ombre

S’ils ont tout lieu de se réjouir des progrès accomplis, les coopérants suisses et leurs partenaires ne crient pas victoire pour autant. En fait, passé les fastes de sa capitale – ville-champignon construite juste après l’indépendance pour abriter le pouvoir, les ambassades et les grands hôtels -, le Pakistan reste à bien des égards une nation très défavorisée.

«Le pays réel commence à quinze kilomètres d’ici, et il regorge de poches de pauvreté. Par endroits, c’est même carrément le Moyen Age», fait remarquer Jean-Marc Clavel. Et de citer ces chiffres édifiants: un taux d’alphabétisation de 40% chez les hommes et de 25% chez les femmes, une mortalité infantile de près de 10% et un revenu moyen annuel de 500 dollars par tête.

A ces problèmes s’ajoutent un déficit chronique en investissements, qu’ils soient étrangers ou nationaux, un secteur social encore pratiquement inexistant et une montée inquiétante du fondamentalisme islamique.

Des écoles pour les filles

Dans ces conditions, c’est avec soulagement que les hommes de la DDC ont entendu Joseph Deiss promettre à ses interlocuteurs pakistanais de mettre à l’ordre du jour la levée du plafonnement de l’aide suisse. Pour autant, bien sûr, que les élections d’octobre se passent bien.

Et en attendant, le conseiller fédéral a fait jeudi un beau cadeau aux jeunes filles du Pakistan, qui en général ne vont guère à l’école – quand elles y vont – que jusqu’à l’âge de 10 ans. La Suisse s’engage à hauteur de cinq millions de francs dans un programme de l’UNICEF en faveur de l’éducation au féminin. Un programme qui va toucher 500 sites dans tout le pays.

swissinfo/Marc-André Miserez, Islamabad

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