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Tessin-Italie, la libre circulation sous la loupe

Les Tessinois craignent toujours que la libre-circulation de personnes ne leur joue de mauvais tours Keystone Archive

La réciprocité entre la Suisse et l'Italie en matière de libre circulation des travailleurs préoccupe les Tessinois. Impasse pour les uns, faux problème pour les autres; lundi à Varèse, une table ronde doit permettre d'aller de l'avant dans cet épineux dossier.

Des représentants des autorités cantonales tessinoises, fédérales, lombardes et piémontaises, ainsi que les directeurs des Chambres de commerce du Tessin et de Varèse (Italie) vont s’asseoir dès aujourd’hui autour d’une même table, sous la houlette de l’organisation transfrontalière Regio Insubrica.

But de la rencontre: tenter de balayer les pierres d’achoppement qui entravent la coopération transfrontalière entre le Tessin, la Lombardie et le Piémont. Une partie qui est loin d’être gagnée, tant la perception de la situation diffère selon le versant de la frontière sur lequel on se trouve.

Au Tessin, le problème est de notoriété publique. Alors que les ouvriers et PME italiens déferlent sur le canton et obtiennent, sans le moindre problème une autorisation de travailler en Suisse, il est difficile, voire impossible pour les patrons et travailleurs tessinois d’exercer sur le versant italien.

Vraiment ?…

Une idée reçue

C’est la question que se sont posés les membres de la députation tessinoise aux Chambres fédérales. Au lendemain du rejet massif par les Tessinois de l’extension des accords bilatéraux et de la libre circulation des personnes à la Roumanie et à la Bulgarie, le 8 février 2009, les édiles ont voulu comprendre quels étaient les véritables problèmes posés par la coopération transfrontalière au Tessin.

Ainsi, un rapport mandaté par le Conseil d’Etat (gouvernement) tessinois et présenté il y a quelques jours devant les médias, met en lumière les améliorations qui pourraient être apportées à l’arsenal juridique qui règle la présence des travailleurs italiens au Tessin Et surtout, il souligne les avantages et les opportunités que la libre-circulation offre au tissu économique cantonal.

Toujours selon ce document, et contrairement à une idée largement répandue au sein des milieux patronaux et de la population entre Airolo et Chiasso, le marché économique du Nord de la Péninsule n’est pas fermé aux Tessinois.

Sur les pas de la Lega

Il faut dire qu’avant le non retentissant du Tessin à l’extension de la libre-circulation, le 8 février, quelques cas isolés mais largement relayés par la presse au sud des Alpes, avaient convaincu l’opinion publique du non respect flagrant, du côté italien, de la clause de réciprocité qui accompagne la mise en œuvre des accords bilatéraux.

La mésaventure d’une entreprise de services de sécurité, qui avait obtenu un mandat commercial en marge des derniers Championnats du monde de cyclisme à Varèse en 2008, avant d’être mystérieusement écartée au profit d’un concurrent italien, avait mis le feu aux poudres.

«Nous ne pouvons pas rester indifférents face au malaise des citoyens», avait affirmé Ignazio Cassis, le chef de la députation tessinoise. Jusque là, les problèmes découlant des accords bilatéraux étaient restés le terrain politique privilégié de la Ligue des Tessinois, le mouvement populiste fondé par Giuliano Bignasca.

Cas isolés

Et de fait, depuis le 8 février, les conseillères fédérales (ministres) Micheline Calmy-Rey et Doris Leuthard ont à leur tour interpellé les autorités italiennes lors de leurs visites respectives à Rome, ce printemps.

Il n’en demeure pas moins que les cas de discrimination au détriment de travailleurs ou d’entreprises tessinois se comptent pratiquement sur les doigts de la main.

«Sans exemples concrets et documentés, nous ne pouvons guère entamer de démarches auprès des autorités italiennes pour les rendre attentives au problème», avait encore récemment rappelé Arnoldo Coduri, chef de la promotion économique du canton du Tessin.

Contre-exemple

Pourtant, l’exemple de l’entrepreneur tessinois, Valentino Benicchio, patron d’une entreprise de service d’identification pour le bétail, dont le siège est à Bergame (Italie), et une partie des activités commerciales sont concentrées au Tessin, prouve que travailler de part et d’autre de la frontière est non seulement possible mais offre de nombreux avantages.

«Le Nord de l’Italie est connu pour son dynamisme et sa créativité et facilite l’accès au marché européen. Tandis que la Suisse présente d’autres atouts, comme la fiabilité de son système et un appareil administratif rapide et efficace», explique le jeune entrepreneur, convaincu de sa stratégie.

Pour Roberto Forte, secrétaire général de l’organisation transfrontalière de la Regio Insubrica, le Tessin doit cesser de cacher sa crainte de l’ouverture derrière les prétendues difficultés.

«C’est une question d’approche et de volonté qui passe par le dialogue. Je suis persuadé que si les autorités tessinoises parviennent à se faire entendre par leurs homologues italiens – qui ignorent souvent les tenants et aboutissants des accords bilatéraux – les choses finiront par s’arranger», explique l’organisateur de la table ronde de lundi à Varèse.

Nicole della Pietra, swissinfo.ch

A Rome. La ministre des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey et Doris Leuthard, sa collègue de l’Economie, se sont déjà rendues à Rome ce printemps, notamment dans le but de sensibiliser les autorités italiennes à la question de la réciprocité dans le cadre des accords bilatéraux conclus entre Berne et Bruxelles.

Contacts. L’ambassadrice du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) et déléguée aux accords commerciaux, Monika Rühl Burzi, vient d’entamer une série de contacts avec les autorités italiennes dans le but d’examiner ensemble les divers problèmes découlant de la coopération transfrontalière italo-suisse.

Sensibiliser. Le Seco a l’intention de mettre sur pied une «mission de sensibilisation» en Lombardie et dans le Piémont, en collaboration avec les autorités cantonales tessinoises ainsi que le Consulat général de Suisse à Milan.

Dénouer. De son côté, l’ambassade de Suisse à Rome a déjà multiplié les démarches auprès des autorités italiennes afin de dénouer plusieurs dossiers bloqués, concernant des Suisses ou des entreprises helvétiques qui désiraient travailler dans la Péninsule.

L’Italie est le second partenaire économique de la Suisse et le troisième marché d’exportation de l’économie helvétique.

La Botte est le second fournisseurs de biens de la Suisse.

En 2005, les capitaux investis par la Suisse en Italie se montaient à 11 milliards de francs, et fournissaient quelque 60’000 emplois dans la Péninsule.

Les investissements directs de l’Italie en atteignaient 4,5 milliards de francs durant la même période et permettaient d’occuper 9’900 travailleurs.

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