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Transparence fiscale: le test de vérité pour la Suisse

Même s'il estime que l'échange automatique d'informations est un «bon système», Pascal Saint-Amans ne réclame pas plus que l’échange de renseignements à la demande. oecd.org

A la mi-mars 2009, la Suisse acceptait d’écorner son secret bancaire, sous la pression du G20. Un an plus tard, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales s’apprête à évaluer la mise en œuvre des engagements que Berne a pris dans ce contexte.

Hébergé par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) à Paris, le Forum mondial regroupe 91 pays. Parmi eux, des membres de l’OCDE et du G20, ainsi que des Etats tels que Singapour, Hong-Kong, les Iles Caïmans, les îles anglo-normandes, le Liechtenstein ou encore le Costa Rica.

Secrétaire de ce Forum, le Français Pascal Saint-Amans promet que tous seront évalués de la même manière car la démarche vise à un résultat «juste et exhaustif». Après la Suisse cette année encore viendra donc le tour de paradis fiscaux tel l’Etat américain du Delaware.

swissinfo.ch: Il y a un an, la Suisse s’engageait à appliquer les normes de l’OCDE sur l’échange, à la demande, d’informations entre administrations fiscales. Savourez-vous toujours cette victoire sur le secret bancaire?

Pascal Saint-Amans: Ce n’est pas une victoire de l’OCDE sur la Suisse, mais plutôt une belle avancée de la transparence et de l’échange de renseignements à des fins fiscales, qui concerne tous les pays du monde. Elle permettra enfin aux Etats de percevoir pleinement les impôts qui leur sont dus et empêchera dorénavant les contribuables d’abuser du secret bancaire.

swissinfo.ch: Est-ce réellement le début de la fin du secret bancaire, comme l’a souligné le G20 ?

P.S.: C’est seulement le début de la fin du secret bancaire dans le contexte fiscal. Le secret bancaire est nécessaire, car il permet de protéger la vie privée. Ni vous, ni moi n’avons envie que nos informations bancaires figurent sur la vitrine de l’agence dont nous sommes clients. L’accès à certaines informations ne doit être autorisé que dans des cas limités et définis par la loi. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales en fait partie, dorénavant universellement.

swissinfo.ch: Les standards de l’OCDE sont-ils bien interprétés? Une polémique s’est déjà engagée entre la Suisse et la France.

P.S.: Le standard de l’OCDE, c’est l’échange de renseignements, y compris bancaires, à la demande. Les informations doivent être obtenues lorsque la demande est «vraisemblablement pertinente» et que toutes les données nécessaires sont fournies.

En général, le fisc doit communiquer le nom du contribuable sur lequel il enquête, celui de la banque où il est susceptible d’avoir un compte et tout autre élément démontrant le caractère vraisemblablement pertinent de la demande. Toutes ces informations ne doivent pas obligatoirement être fournies, cependant. Parfois, c’est impossible. C’est comme cela qu’est interprété le standard par la communauté internationale.

swissinfo.ch: Tout cela est assez théorique. Mais dans la pratique?

P.S.: Le standard se retrouve dans les termes de référence adoptés par le Forum mondial. C’est à leur aune que les pays vont maintenant être évalués. Tous les éléments particuliers que la Suisse, comme d’autres Etats, ont intégrés dans leurs conventions bilatérales vont faire l’objet d’un examen par les pairs. C’est pour cela qu’a été créé le Forum mondial.

swissinfo.ch: Les subdivisions politiques d’Etat fédéraux, comme le Delaware ou le Montana aux Etats-Unis, seront-ils également examinées?

P.S.: Oui, bien sûr. L’examen par les pairs ne peut fonctionner que s’il est juste et exhaustif.

swissinfo.ch: Un calendrier a-t-il déjà été établi?

P.S.: Le processus d’évaluation va se dérouler dans les deux ans à venir. Mais la Suisse, je peux déjà vous le dire, passera son examen dans l’année. Un calendrier sera sans doute publié cette semaine.

swissinfo.ch: Avec du recul, estimez-vous que les conditions imposées par le G20 et l’OCDE pour qu’un pays puisse être retiré de la liste grise des juridictions qui n’ont pas encore fait leurs preuves en matière de transparence étaient suffisantes? Il a suffi d’intégrer les normes de l’OCDE dans douze conventions bilatérales préventives de la double imposition…

P.S.: Il fallait établir un critère qui permette de différencier les pays qui ont commencé à appliquer le standard de l’OCDE et ceux qui se sont engagés à le faire mais n’ont rien entrepris dans ce sens. Cela nous a permis d’amorcer la pompe. Et cela a bien fonctionné: en un an, 22 pays ont été retirés de la «liste grise», sur laquelle ne figure plus qu’une quinzaine de noms. Il y en aura encore deux ou trois en moins cette semaine. Mais est-ce suffisant? Non, bien sûr. Négocier et signer des accords, c’est une chose. Encore faut-il les mettre en œuvre, les appliquer correctement et créer les autorités nécessaires à cette fin. Le Forum mondial veillera à ce que ce soit fait.

swissinfo.ch: Les normes de l’OCDE sont-elles toujours d’actualité, après la crise financière? Le Parlement européen milite en faveur d’une mondialisation du système de l’échange automatique d’informations, et donc d’une éradication du secret bancaire…

P.S.: La question est de plus en plus souvent posée. Le standard de l’OCDE, c’est l’échange de renseignements à la demande. C’est clair: il n’est pas question de le changer. Plusieurs pays de l’OCDE s’y opposent. Ceci dit, l’échange automatique d’informations est également un bon système, qu’appliquent déjà de nombreux Etats de l’OCDE, entre eux.

Tanguy Verhoosel, Bruxelles, swissinfo.ch

En mars 2009, la Suisse s’engage à appliquer les normes de l’OCDE en matière d’échanges, à la demande, d’informations bancaires entre administrations fiscales. Elle entend ainsi échapper aux menaces de sanctions proférées par le G20 à l’encontre des «paradis fiscaux».

En avril 2009, le G20 la place malgré tout sur une «liste grise» de pays qui acceptent de jouer la carte de la transparence fiscale, mais ne sont pas encore passés à l’action.

En septembre 2009, la Suisse est retirée de cette «liste grise», car elle a satisfait à certaines exigences du G20: (re)négocier douze conventions fiscales bilatérales, dans lesquelles a été intégré le standard de l’OCDE.

Au printemps 2010, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales lancera un processus «d’examen par les pairs» des mesures qu’ont adoptées les Etats – établissement d’un cadre réglementaire adéquat, application concrète des normes de l’OCDE – qui étaient dans le collimateur du G20.

Cette évaluation, qui s’étalera sur deux ans environ, se déroulera «de façon contradictoire», nous déclare Pascal Saint-Amans: deux pays examineront le cas d’un troisième, avec l’aide du secrétariat du Forum mondial. Il s’agira de s’assurer si les mesures qu’il a adoptées «sont compatibles avec le standard de l’OCDE».

Exemple? «Si un pays se contente d’avoir une loi laxiste sur les trusts, qui ne permet pas d’identifier effectivement les bénéficiaires effectifs de ces entités, on estimera qu’il ne remplit pas ses obligations. En effet, il sera incapable de procéder à des échanges d’informations.» Des recommandations pourront alors lui être adressées.

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