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UBS: ultime sauvetage avant démantèlement?

Myret Zaki: un regard perçant sur le monde de la finance.

Malgré un rebond en bourse lundi, l'ancien fleuron de la banque helvétique n'en finit pas de dégringoler. Un mois après l'annonce du plan de sauvetage, il est déjà question de quelques milliards de plus. Pas de quoi surprendre notre confrère Myret Zaki, fine connaisseuse des arcanes d'UBS.

Daniel Zuberbühler, directeur de la CFB (Commission fédérale des banques, l’organe public de surveillance du secteur) l’a dit à l’hebdomadaire dominical SonntagsZeitung: il faut s’attendre à ce que les six milliards promis au numéro un bancaire helvétique ne suffisent pas.

UBS, Myret Zaki s’y intéresse depuis longtemps. Quelques semaines avant la faillite de Lehman Brothers (qui a marqué le point de départ médiatique de la crise actuelle), elle publiait un livre devenu rapidement best-seller sur l’échec américain de la banque.

Elle y révélait notamment que l’établissement autrefois réputé pour sa solidité et sa prudence pouvait miser en bourse jusqu’à 60 fois ses fonds propres, générant ainsi un des effets de levier les plus risqués d’un secteur pourtant peu enclin à la circonspection.

Aujourd’hui, cette journaliste à la rubrique économique du quotidien Le Temps attend un nouveau versement de quelques milliards d’argent public, avant un possible démantèlement du colosse aux pieds d’argile. Interview.

swissinfo: Quel est aujourd’hui l’état de santé d’UBS?

Myret Zaki: Très fragile. La banque est de nouveau à court de capital. Le cours de ses actions a beaucoup chuté, la privant de la possibilité de les mettre en gage pour obtenir des prêts sur les marchés.

swissinfo: Donc, pour vous, lorsque le directeur de la CFB «n’exclut pas» une nouvelle injection de fonds publics, la chose est déjà pratiquement faite?

M.Z.: J’en suis sûre. Il l’annonce pour préparer un peu les opinions, mais c’est quasiment acquis.

La question, c’est quelles contreparties le gouvernement va demander. Daniel Zuberbühler a dit qu’il y aura plus de contrôles et d’interventions de l’Etat. On voit déjà qu’ils exigent qu’il n’y ait pas de bonus versés cette année du tout. Cela concerne donc aussi le personnel, et pas seulement la direction.

swissinfo: Mais pourquoi est-ce encore à l’Etat de passer à la caisse, ne peut-on pas trouver cet argent sur le marché?

M.Z.: Les deux premières recapitalisations de cette année ont attiré les actionnaires actuels d’UBS et des fonds souverains comme celui de Singapour. Selon mes informations, Singapour a de nouveau été sollicité pour la troisième, le mois dernier. Mais ils ont refusé d’augmenter leur part. Ils ont déjà perdu les deux tiers de leur investissement, ils ne sont pas très contents. Et il n’y a pas eu d’autre acheteur sur le marché.

Maintenant, on va vers la quatrième recapitalisation. Et là non plus, il semble qu’il n’y ait aucun investisseur privé qui soit intéressé. Ce qui se comprend.

swissinfo: Imaginez-vous un démantèlement d’UBS?

M.Z.: Peut-être qu’à terme – c’est mon hypothèse -, les autorités vont l’exiger. Et si le marché le permet, s’il y a des acheteurs, la banque va vendre certaines de ses divisions.

swissinfo: Et pour vous, ce qu’il faut liquider, c’est, en gros, l’héritage de Marcel Ospel…

M.Z.: La banque d’affaires américaine n’a plus d’avenir, elle est déficitaire, c’est un vrai boulet qui gangrène tout le groupe et qui tue la confiance des investisseurs. D’ailleurs Daniel Zuberbühler n’en veut plus. Il ne veut plus à l’avenir avoir à garantir les risques américains d’UBS.

swissinfo: Mais ce qui fait d’UBS une banque de proximité par contre, cela doit subsister?

M.Z.: Les activités de banque de détail en Suisse, de banque commerciale, qui agit auprès de 130’000 entreprises clientes à peu près, sont des activités stables, à long terme, et je crois qu’UBS ne les abandonnera jamais. Bien sûr, ce n’est pas ce qu’il y a de plus rentable, mais c’est politique, c’est trop important, trop central pour le tissu économique suisse.

Et l’activité qui va être génératrice de rendement élevé, c’est la gestion de fortune internationale. C’est ce qui va donner à UBS son prestige global, c’est là où elle est numéro un mondial, jusqu’à aujourd’hui malgré tout.

Interview swissinfo: Marc-André Miserez

Analyste financière, Myret Zaki est devenue journaliste économique au Temps et responsable de son cahier Lundi Finance.

Fin août 2008, elle a publié «UBS, les dessous d’un scandale», un livre dont les événements survenus depuis n’ont fait que souligner la pertinence. Il relate les déboires de la banque aux Etats-Unis et décortique le rôle de son ancien homme fort Marcel Ospel, artisan du virage d’UBS vers la culture du risque et du profit maximal à l’anglo-saxonne.

Vendu à 12’000 exemplaires en français, l’ouvrage est attendu en allemand le 11 décembre et en anglais au début 2009.

Le Parlement n’a pas encore voté le 1er plan de sauvetage d’UBS que le second se profile déjà. Daniel Zuberbühler, directeur de la CFB «n’exclut pas» que la Confédération injecte davantage que les 6 milliards de francs prévus.

Avec un titre qui fond, la capitalisation boursière de l’établissement n’est plus que de 33 milliards, soit moins que ses fonds propres (42 milliards).

La question du rachat n’est donc plus un tabou. «Nous ne sommes pas là pour défendre des intérêts patriotiques», clame Daniel Zuberbühler, qui juge malgré tout le scénario peu probable. Un repreneur devrait en effet racheter obligatoirement aussi les 60 milliards d’actifs pourris que la BNS s’est engagée à reprendre.

Le 27 novembre, l’assemblée générale d’UBS est convoquée pour la 4e fois cette année. Convoquée pour entériner le plan de sauvetage, la réunion devrait offrir aux actionnaires l’occasion de demander des comptes au conseil d’administration.

Le nouvel administrateur Rainer-Marc Frey s’est récemment défait d’un million d’actions UBS, suivi par Marten Hoekstra, qui vient de remplacer d’urgence le responsable de la gestion de fortune Raoul Weil, inculpé par la justice américaine dans le cadre d’une affaire de fraude fiscale.

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