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Un gouvernement suisse à majorité féminine

Les Bernois Johann Schneider-Ammann et Simonetta Sommaruga rejoignent le Conseil fédéral. Keystone

La socialiste Simonetta Sommaruga succédera à Moritz Leuenberger au Conseil fédéral. La Suisse sera ainsi pour la première fois dirigée par un gouvernement à majorité féminine. Le deuxième siège vacant a été attribué au libéral-radical Johann Schneider-Ammann.

Avec quatre femmes au gouvernement, la Suisse entre dans le cercle très fermé des pays ayant une majorité de femmes au sommet de l’Etat. La Confédération rejoint la Finlande, la Norvège, l’Espagne et le Cap Vert.

La Finlande détient le record avec douze femmes (63%) sur 19 ministres, selon une statistique de l’Union interparlementaire (UIP). En Suisse, le Conseil fédéral s’est féminisé mercredi avec une proportion désormais de 57,1%. La Norvège, l’Espagne et le Cap Vert oscillent tous trois autour de 53%.

Dans deux tiers des quelque 100 pays listés par l’UIP, la part des femmes dans les gouvernements stagne sous la barre des 25%. Mais la Suisse ne peut pas se targuer d’un classement flatteur depuis bien longtemps, les femmes ne disposant du droit de vote au niveau fédéral que depuis 1971.

L’Assemblée fédérale a donc élu mercredi Simonetta Sommaruga au Conseil fédéral, portant à quatre le nombre de femmes au gouvernement composé de sept membres.

En élisant la sénatrice bernoise, les parlementaires ont également opté pour la stabilité dans la répartition des sièges au gouvernement, préférant l’une des deux candidates officielles du parti socialiste au candidat de l’Union démocratrique du centre (UDC / droite conservatrice) Jean-François Rime.

Simonetta Sommaruga a été élue au quatrième tour du scrutin avec 159 voix, contre 81 à Jean-François Rime, devenant la 113e membre du Conseil fédéral. L’autre candidate officielle du Parti socialiste, la députée zurichoise Jacqueline Fehr, a été éliminée au troisième tour.

Une socialiste réformiste

Dans son discours d’acceptation de l’élection, Simonetta Sommaruga a remercié les parlementaires pour leur confiance, dans les quatre langues nationales. «La majorité doit tenir compte de toutes les minorités, qu’elles soient culturelles, linguistiques, religieuses, politiques ou de toute autre nature», a-t-elle déclaré.

A 50 ans, la socialiste réformiste a su gagner les faveurs d’une partie de la droite. Elle était citée depuis des années comme la favorite pour la succession de Moritz Leuenberger.

La nouvelle conseillère fédérale peut se prévaloir d’une expérience de l’exécutif après avoir été conseillère municipale de Köniz, commune bernoise de près de 40’000 habitants, de 1997 à 2005. Son rôle de présidente de la Fondation pour la protection des consommateurs l’a rendue populaire.

Johann Schneider-Ammann élu

Avec l’élection de Simonetta Sommaruga, les parlementaires n’en avaient pourtant pas terminé avec cette journée d’élection au Conseil fédéral. Ils étaient également appelés à élire un successeur à Hans-Rudolf Merz, l’autre ministre démissionnaire. Leur choix s’est porté sur le député Johann Schneider-Ammann, l’un des deux candidats officiels du Parti libéral-radical (droite).

L’industriel bernois a été préféré à l’autre candidate libérale-radicale, la ministre saint-galloise de Justice et police Karin Keller-Sutter. Une nouvelle fois, Jean-François Rime, soutenu par l’Union démocratique du centre, parti le plus représenté au Parlement, a brouillé les cartes. Le député fribourgeois a volé la vedette à Karin Keller-Sutter, l’éliminant au quatrième tour du scrutin et empêchant ainsi une cinquième femme d’accéder au Conseil fédéral.

A la tête d’un empire industriel et membre de l’une des familles les plus riches de Suisse, Johann Schneider-Ammann, un libéral très ancré à droite, a bénéficié des faveurs des milieux économiques. Mais il a également pu bénéficier du soutien d’une partie de la gauche, qui lui reconnaît une certaine honnêteté dans ses rapports avec les travailleurs.

«Je me réjouis particulièrement et je suis fier», a dit le nouvel élu devant les médias, qualifiant aussi la Suisse de «merveille» qu’il faut continuer à développer. «C’est ma première motivation», a-t-il assuré.

Hommage aux sortants

En préambule à cette longue matinée d’élection, les ministres démissionnaires ont eu droit aux hommages de circonstance. C’est à Moritz Leuenberger, doyen du Conseil fédéral, qu’est revenu en premier l’honneur de se voir retracer ses quinze ans de carrière au gouvernement.

La présidente du Conseil national (Chambre basse), Pascale Bruderer, a salué un homme qui a toujours réussi à nouer un contact direct avec des gens d’origines très différentes et à trouver le mot juste. Une personne «atypique, provocante, drôle, jamais blessante et souvent pleine d’ironie».

«Même ses adversaires politiques lui ont reconnu sa droiture et son sens de la justice», a affirmé Pascale Bruderer. Elle a également souligné la profonde foi de Moritz Leuenberger dans la concordance. «C’était plus qu’une question de style même si cela n’a pas toujours été facile pour lui».

Dans son discours d’adieu, Moritz Leuenberger a salué la force de la démocratie et de la recherche du compromis. Il a également souligné le poids que peut avoir la Suisse au niveau international et fustigé la tentation isolationniste.

Très applaudi, le Zurichois n’a pas manqué de faire rire une dernière fois l’Assemblée fédérale: «Après avoir fait la connaissance de plus de 100 ministres des transports et de l’énergie des pays voisins, vécu l’immigration de quatre ours, inauguré plus de 115 tunnels, tronçons routiers et ferroviaires, mais zéro centrale nucléaire, il est temps de quitter la scène», a-t-il dit.

Une fin heureuse

Est venu ensuite le tour de Hans-Rudolf Merz. Pascale Bruderer a surtout loué le Grand Argentier qui a réussi à réussi à réduire les dettes de la Confédération de 20 milliards de francs.

Le ministre libéral-radical, élu le 10 décembre 2003, a également connu des moments difficiles, a relevé la présidente du Conseil national, mais «beaucoup de choses ont connu une fin heureuse». Les deux otages sont rentrés sains et saufs de Tripoli et la communauté internationale a reconnu la gestion suisse de la crise financière.

Hans-Rudolf Merz était apprécié dans son département et par le Parlement comme un homme chaleureux, cultivé et toujours aimable, a rappelé la socialiste. «Nous vous remercions chaleureusement pour votre engagement et votre grand travail au service de ce pays», a-t-elle conclu.

«Prospérité, sécurité, diversité, progrès et solidarité sont les qualités que nous avons la mission politique de cultiver», a souligné Hans-Rudolf Merz dans son discours d’adieu. Il a également évoqué les règles toutes simples qui ont permis de désendetter la Confédération tout en baissant les impôts: dépenser moins que ce que l’on gagne pour avoir toujours un peu d’argent en réserve.

Les Suissesses n’ont obtenu le droit de vote et d’éligibilité au niveau fédéral qu’en 1971. Elles ont alors garni lentement les rangs du Parlement.

En 1983, les socialistes tentent de forcer pour la première fois les portes du Conseil fédéral, en présentant Lilian Uchtenhagen pour succéder à Willy Ritschard. L’Assemblée fédérale élit Otto Stich.

Moins d’un an plus tard, la radicale Elisabeth Kopp devient la première femme à siéger au gouvernement. Suite à sa démission en 1989, le Conseil fédéral est à nouveau entièrement masculin.

Les femmes refont leur apparition au Conseil fédéral en 1993 avec la socialiste Ruth Dreifuss. Le Parlement fédéral avait au préalable rejeté la candidature officielle du PS Christiane Brunner.

Dès 1999, Ruth Dreifuss est accompagnée par la démocrate-chrétienne Ruth Metzler. En 2002, Micheline Calmy-Rey succède à Ruth Dreifuss, maintenant le rapport deux femmes/cinq hommes.

En 2003, le Parlement évince Ruth Metzler au profit de Christoph Blocher. Micheline Calmy-Rey reste alors la seule femme au Conseil fédéral. Elle est rejointe en 2006 par la démocrate-chrétienne Doris Leuthard.

Fin 2007, l’Assemblée fédérale décide de ne pas réélire Christoph Blocher et se tourne vers une candidate de dernière minute, Eveline Widmer-Schlumpf. Le gouvernement compte alors trois femmes.

Avec l’élection de Simonetta Sommaruga le 22 septembre 2010, la Suisse sera dirigée pour la première fois par un gouvernement à majorité féminine.

Cette majorité ne pourrait toutefois n’être qu’éphémère, avec le départ prévu ces prochaines années de Micheline Calmy-Rey, voire la non-réélection d’Eveline Widmer-Schlumpf après les législatives de 2011.

Depuis 1848, l’Exécutif de la Confédération suisse se nomme Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral se compose de sept membres

Le Conseil fédéral est élu par le Parlement.

Le Parlement ne peut pas démettre le Conseil fédéral tout comme ce dernier ne peut pas dissoudre le Parlement.

Les sept membres du gouvernement prennent leurs décisions en commun.

Les fonctions de président de l’Etat ou de chef du gouvernement n’existent pas en Suisse. Le président de la Confédération, toujours élu pour une période d’un an, préside les séances du Conseil fédéral et assume une fonction protocolaire. Il n’a pas davantage de pouvoir que les six autres membres du gouvernement.

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