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Un Neuchâtelois nommé Sardou

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Auteur de romans au succès impressionnant, Romain Sardou, fils de Michel Sardou, vit depuis cinq ans en Suisse romande.

Il est l’un des quelque 160’000 Français recensés vivant en Suisse. L’écriture, la France, les élections, son père… discussion tous azimuts.

Une terrasse ensoleillée, au centre de Neuchâtel. Romain Sardou déboule, en sweat-shirt et casquette de base-ball. Discret et décontracté, le regard franc, direct.

Depuis l’affaire Hallyday, Romain Sardou a droit aux remarques ironiques. «Ah, toi aussi?» Sous-entendu: «Réfugié fiscal»? Ce qui l’agace un peu: «Quand je me suis installé ici, je ne gagnais pas d’argent! Donc je ne suis vraiment pas venu pour les impôts!»

Seul point commun avec Hallyday: avoir été marié par le maire de Neuilly, un certain Nicolas Sarkozy. «Oui… Cela dit, c’est parce que j’habitais là-bas à l’époque. Ce qui m’importe, c’est d’être marié, c’est ma femme», rigole-t-il.

Si Romain Sardou vit à Neuchâtel, c’est d’ailleurs parce qu’il y a suivi sa femme, issue d’une famille italienne installée en Suisse depuis une vingtaine d’années. «Cela l’arrangeait de rester près de ses parents et moi, Neuchâtel me va très bien pour travailler, pour vivre, pour tout!», dit-il.

Avant de préciser: «Je ne fuis rien, j’étais très heureux en France, je serai très heureux si j’y retourne, pas de problème. J’ai un métier pratique, puisqu’on peut le faire partout du moment qu’on a un crayon, un cahier et des idées! Donc, quel que soit l’hémisphère, ça va!

Le sens de l’Histoire

Car si Romain Sardou est le fils de, c’est aussi et surtout un auteur qui, en quelques romans, a su se faire respecter pour la force de ses écrits et leur phénoménal succès: environ 300’000 exemplaires pour le premier, le très médiéval «Pardonnez nos offenses», traduit en une quinzaine de langues, et des chiffres presque aussi vertigineux pour les suivants, dont «Personne n’y échappera», polar américain paru en 2006.

Le succès, une surprise ou une évidence, quand on s’appelle Sardou? «Je savais que mon premier livre allait attirer la curiosité de par mon nom. Vu le nombre de fans de mon père, je me disais bien qu’il y en avait quelques-uns qui allaient l’acheter! Les gens l’ont peut-être acheté au départ pour ‘de mauvaises raisons’, mais l’ont bien aimé et le bouche à oreille a fait que le livre a pris un essor au-delà de ce qui était prévisible. Ce qui fait plaisir», répond-il.

Tout en s’étonnant encore du bon accueil critique dont il a bénéficié: «Je m’attendais à me faire assassiner, du genre ‘Qu’est-ce que c’est que ce Sardou qui vient nous emmerder à sortir des bouquins!’»

Romain Sardou, un écrivain passionné d’Histoire et doté d’un regard attentif sur la société, qu’elle soit languedocienne et médiévale, ou américaine et contemporaine… Comment décrirait-il le contexte socio-historique dans lequel s’inscrit la présidentielle 2007?

«Depuis 1981, il n’y a pas eu une seule élection qui sous-tendait autant d’enjeux. Un changement de génération de la classe politique, c’est une chose, mais en plus se cristallisent 30 ans de déceptions, de revirements, de fausses promesses. Il y a aussi bien à droite qu’à gauche une envie de tourner la page», analyse-t-il.

«Pendant longtemps, les Français ont refusé d’admettre que la France était partie prenante d’une mondialisation qui allait plus vite qu’eux… Maintenant, tout le monde voit ce changement, les choix qui vont être faits pour cette élection sont donc capitaux.»

De Sardou à Sardou

Flash-back seventies. Michel Sardou conspué pour avoir chanté «Les Ricains», «Je suis pour» ou le très ironique «Temps des colonies». Sardou traité de facho, devant essuyer un ou l’autre coups de feu et annuler des concerts pour menaces d’attentat à la bombe.

Romain Sardou, né en 1974, a-t-il des réminiscences des retombées de cette période? «On n’a pas souffert du phénomène, parce que lui n’en a pas souffert. C’est un personnage assez solide. Pour le démonter, il faut se lever tôt! Ce n’est donc pas comme s’il était rentré à la maison accablé par ce qu’il avait pu lire ou entendre», se souvient Romain Sardou.

Quel imprégnation politique Sardou père a-t-il laissé à Sardou fils? «Il a toujours été gaulliste. Le personnage historique, la grandeur historique de la France. Ce qui aujourd’hui fait notre différence: il est resté gaulliste, alors que moi, plus ça va, moins je comprends ce que veut dire être gaulliste en 2007. Je suis plus Européen et mondialiste convaincu qu’il ne l’est, lui. On est les deux de droite, mais plus vraiment de la même droite.»

Concernant la présidentielle, si Romain Sardou a bien son candidat, il ne se passionne guère pour l’actualité immédiate. La faute à son métier, dit-il («on est un peu enfermé dans la bulle qu’on crée»), mais pas seulement: «Actuellement, il n’y a que des soubresauts. Les positions de chacun, on les connaît depuis un petit bout de temps. Qu’est-ce qu’on apprend réellement de neuf de chaque candidat ? Maintenant, on est dans une phase de marketing politique».

Romain Sardou votera à Genève. Fera-t-il la fête le 6 mai? «Non, pas la fête, parce que comme tous les Français, je suis très dubitatif. Cette fois-ci, il faudra juger sur pièce. Mais j’espère que le candidat que j’ai en tête passera». Son nom ne sera prononcé qu’off micro.

En Suisse, ce qui frappe Romain Sardou, c’est «les cantons, cette régionalisation ancrée dans l’Histoire, alors que la France passe son temps à dire qu’elle va régionaliser sans jamais le faire».

«Mais un tel système serait inadaptable en France. Le jacobinisme, avec l’autorité centrale, le président, c’est peu perméable. La démocratie se fait dans les habitudes et les traditions de chaque Etat», ajoute-t-il.

Petite séance photo au bord du lac. Puis Romain Sardou s’en ira, peut-être pour se replonger dans son manuscrit en cours, la suite de «Pardonnez nos offenses». On ne le retiendra donc pas davantage: 300.000 lecteurs pourraient nous le reprocher!

swissinfo, Bernard Léchot à Neuchâtel

Né en 1974, Romain Sardou est le fils du chanteur français Michel Sardou – c’est sa voix d’enfant que l’on entend sur le titre «Qui est Dieu?» (1980)

Il quitte le lycée avant le bac pour étudier l’art dramatique auprès de Jean-Laurent Cochet notamment. En 2000, il s’installe à Los Angeles où il écrit des scénarii de films pour enfants.

Deux ans plus tard, il revient en Europe et s’attaque à l’écriture de romans. Le premier, «Pardonnez nos offenses» (2002), dont l’intrigue se déroule au 13e siècle, se vend à 300’000 exemplaires et est traduit en une quinzaine de langues.

Suivent «L’Eclat de Dieu» (2004) et «Personne n’y échappera» (2006), un sombre polar américain. Il est aussi l’auteur de contes: «Une Seconde avant Noël» et «Sauver Noël» (2006).

Il vit à Neuchâtel depuis 5 ans, avec sa femme et ses enfants, et passe chaque année quelques mois en Floride, où vit sa mère.

Sur les 2,3 millions d’Hexagonaux exilés, la moitié sont recensés par les consulats, dont environ 160’000 en Suisse.

La circonscription de Genève (6 cantons romands) compte 63’592 électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires sur 135’779 résidents français recensés, tandis que celle de Zurich en dénombre 12’856 sur 22’389 immatriculés.

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