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Un vin branché qui se déguste comme une bière

Et pourtant, elle contient du vin. SP

Neuchâtel lance un blanc non-filtré visant en priorité femmes et jeunes adultes branchés. Le NOF - pour «No Filtration» - est commercialisé en petites bouteilles capsulées.

Ses concepteurs nient cependant tout cousinage avec les alcopops, qui ciblent les adolescents.

Vous avez dit branchouille? Dans son petit flacon de 25 cl (made in Belgium!), le NOF profite d’une vinification particulière qui fait ressortir ses arômes d’agrumes.

Pas de millésime sur l’étiquette – le breuvage est disponible en flux continu toute l’année – mais plusieurs indications, dont une à suivre au pied de la lettre: «Shake me» (secouez-moi).

Avant dégustation, il s’agit en effet de mettre en suspension les lies de ce vin jeune. Un vin jeune mais par pour les jeunes. Lors des tests qui ont précédé son lancement début avril, le NOF a en effet subit un rejet net des habitués aux boissons doucereuses, type alcopops.

Une commercialisation décalée

Selon Alain Farine, initiateur du concept et chef de l’Office neuchâtelois des vins et des produits du terroir, le NOF s’adresse aux papilles certes raffinées, mais qui dédaignent les vins traditionnels.

Le NOF est commercialisé en bars, discothèques, terrasses, mini-bars d’hôtels, endroits que la bonne société du vin tendrait plutôt à réprouver.

Alain Farine confie du reste que sa plus grande difficulté a été de convaincre les encaveurs. Malgré leur appartenance à un milieu souvent caractérisé par son traditionalisme, ils sont désormais quatre à jouer le jeu.

L’idée du NOF est partie du succès du non-filtré «historique» de Neuchâtel (125’000 litres écoulés en 2003 contre seulement 40’000 en 1996). Avec pour visée essentielle la valorisation du cépage chasselas, aujourd’hui en perte de vitesse en Suisse romande.

L’individualisme collectif

Mais les concepteurs du NOF ont bien saisi certaines caractéristiques de l’époque. Aujourd’hui, on tend à boire en groupe, mais chacun accroché à son flacon.

Cet «individualisme collectif» induit une véritable vogue des petits contenants, qu’un grand producteur de Champagne vient de porter à son summum en affublant sa chopinette d’une paille…

Petits ou grands flacons, l’arrivée du NOF n’est toutefois qu’un avatar de la longue histoire de la dive bouteille. Longtemps, le vin a été consommé en «pot», de contenance variable selon les régions et cantons. Mais toujours l’équivalent de deux bouteilles.

A Neuchâtel, on disait d’ailleurs que les Bernois accourraient dans la région parce que les pots neuchâtelois contenaient 4 cl de plus que ceux de leur propre canton.

L’introduction du pot fédéral

Puis, vers 1858, la Suisse fédérale a imposé la disparition des mesures cantonales, le pot fédéral étant fixé à 1,5 litres. Et par voie de conséquence, la bouteille à 75 cl.

En parallèle, la semi-industrialisation de la fabrication des bouteilles a largement réduit la diversité des flacons, jusque-là tous différents puisque soufflés de façon artisanale.

Cette diversité fait toutefois son retour depuis les années 1980. Comme le signale Patrice Allanfranchini, conservateur du Musée de la vigne et du vin de Boudry, le consommateur est désormais très sensible au visage de l’étiquette, à l’esthétique du flacon.

Mais la déclinaison des formes et des formats a une seconde explication: le marché du vin suisse est de plus en plus morcelé en niches.

Les ficelles du marketing

«Les spécialités sont toujours plus nombreuses, explique Patrice Allanfranchini. Or, dans l’esprit du producteur, à toute spécialité correspond une forme de bouteille».

Cela dit, avec sa typologie proche des bières à la mode, le NOF rompt carrément avec les codes du vin. Plutôt dubitatif sur ses chances de succès, Patrice Allanfranchini y décèle les ficelles du marketing.

Avant d’admettre que «dans un monde (du vin) axé sur l’immobilisme, c’est une idée louable destinée à promouvoir un produit qui se déguste aussi par le visuel».

swissinfo, Pierre-François Besson

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