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Un vote qui laisse aussi la Suisse perplexe

La presse suisse a suivi attentivement le scrutin français, y compris Outre-Sarine. swissinfo.ch

Pour la presse suisse, le non français à la Constitution européenne est une sanction contre l’élite et contre une Europe qui suscite de l’incompréhension.

Les commentaires mettent l’accent sur les incertitudes quant à l’avenir de l’Union européenne, qui traverse l’une de ses plus graves crises.

«La France a voté contre la France». Ce titre du Journal du Jura résume l’opinion générale de la presse suisse du «contexte très nationaliste» d’un scrutin au cours duquel les «chirurgiens de la démagogie, toutes tendances confondues, l’ont emporté en terre gauloise».

«Toutefois, l’acte de décès signé par les Français risque de gripper les rouages d’une machine dont tous les adhérents n’ont pas encore donné leur aval à la Constitution», poursuit le quotidien, faisant allusion au scrutin qui doit se tenir mercredi aux Pays-Bas, où le non semble en passe de l’emporter également.

Camouflet pour Chirac

Pour Le Matin, ce non «atteint aussi de plein fouet le président français, Jacques Chirac, qui s’était fortement investi en faveur du oui, et qui apparaît maintenant très affaibli, à la fois en France et sur la scène internationale».

Le journal rappelle que le président avait pris l’initiative du référendum alors qu’une ratification par la voie parlementaire était possible.

Le Temps, lui, parle d’une «deuxième révolution française» dans laquelle «les Français ont repris la Bastille».

Mai si, poursuit le quotidien romand, «le projet européen paie lourdement la facture d’une décennie d’incurie politique française», ce rejet est «une telle macédoine de frustrations, de peurs et de revendications contradictoires qu’il ne s’en dégage aucune impulsion, sinon celle du statu quo».

Pour L’Agefi, «les premiers accrochages sont attendus en juin, au moment où les 25 tenteront de s’entendre sur le budget de l’Union pour la période 2007-2013».

«Astérix dit non»

La Neue Zürcher Zeitung se réfère à Astérix pour parler de cette «émeute dans le village gaulois». Quant à la cause de ce verdict sans appel, le quotidien zurichois l’impute au malaise social, au ras-le-bol du chômage et à «peur de la globalisation et de la domination américaine, de l’Islam et la menace de l’adhésion de la Turquie».

24 Heures parle, lui, de «non en forme de claque», de «raclée aussi pour les 24 autres Etats de l’Union qui n’auraient pas imaginé, il y a tout juste six mois, qu’un des membres fondateurs, l’un des deux piliers de la communauté, se mettraient ainsi à l’écart».

Pour le quotidien vaudois, le président Chirac semble plus disposé à «digérer l’échec» qu’à démissionner, comme l’avait fait de Gaulle en 1969 après l’échec de son projet de régionalisation. Mais le quotidien conclut que ce sont les «grands partis de ‘pouvoir’ qui subissent le choc».

Au Tessin, le Corriere del Ticino estime que l’«élite a été sanctionnée pour son peu de considération pour l’avis de l’opinion publique, que ce soit à propos du texte de la Constitution ou de décisions importantes telles que l’élargissement à l’Est».

«L’UE se réveille avec la gueule de bois. Et la désagréable impression d’avoir reçu une gifle qui ne lui était pas vraiment destinée.» Pour La Liberté , la France a «lavé son linge sale dans la cuvette européenne».

Les aléas de la démocratie directe

Pour la Basler Zeitung, ce vote ne remet certainement pas en question la survie de l’UE. Mais il permet de s’interroger sur le processus de ratification. Et de s’inquiéter sur «ce qui se passera dans une Europe à 25, alors qu’une Europe à 15 n’arrive pas à se mettre d’accord».

Pour le quotidien bâlois, la protestation des Français est «le signal du soulèvement des peules contre la bureaucratie et l’omnipotence de la globalisation».

«Ne pas avoir peur du peuple». Avec ce titre, le Tages Anzeiger s’interroge aussi sur la démocratie directe, thème cher aux Suisses.

Et de rappeler que certains parlementaires européens avaient demandé que le référendum se tienne «en même temps dans tous les pays membres dans les mêmes conditions» afin que tous les peuples européens se prononcent sur les avantages et les inconvénients de la Constitution européenne.

«Mais les chefs d’Etat n’ont pas eu le courage, conclut le grand quotidien zurichois, de s’en remettre aux citoyens et citoyennes».

Demander conseil aux Suisses…

24 Heures note avec un clin d’œil que les dirigeants français pourraient demander conseil à leurs homologues suisses, «si familiers de ce type de traumatisme» électoral, sur la meilleure manière d’«accuser le coup».

Un thème qui inspire aussi le Bund. «Le non ne devrait pas accélérer la démocratisation de l’UE, au contraire, pour palier aux faiblesses des institutions européennes, les chefs d’Etat devraient se concerter directement.»

Et peut-être, conclut le quotidien bernois, «les diplomates bruxellois manifesteront-ils plus de compréhension pour les aléas de la moulinette référendaire helvétique».

Mais la presse suisse ne dit pas un mot de l’impact éventuel du scrutin français sur l’échéance qui attend la Suisse le week-end prochain: la votation sur l’adhésion de la Suisse à Schengen/Dublin.

Un silence qui serait assourdissant s’il n’était rompu par la Liberté de Fribourg, qui parle de l’effet dominos: «même la Suisse n’est pas à l’abri, dimanche prochain, de l’onde de choc française».

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Les Français ont rejeté dimanche la constitution européenne à 54,87% pour 45,13% de oui. Le taux d’abstention s’est élevé à 30,26 %.
Les grandes villes ont plutôt voté oui, sauf Marseille (sud). A Paris, le oui a recueilli plus de 66% des voix.
Neuf pays de l’UE ont déjà accepté le traité constitutionnel. Le texte doit être ratifié avant octobre 2006 par les 25 Etats membres de l’Union pour entrer en vigueur.

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