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Vache folle: le prion déboussole les scientifiques

.Les tests de Prionics sont devenus une référence pour la détection de l'ESB. Keystone

Accusées de véhiculer l´agent infectieux de la maladie, les farines animales sont désormais soupçonnées de contaminer les sols. Après avoir alimenté la controverse malgré lui, Markus Moser, directeur de Prionics, minimise les risques.

Cette fois, la panique est venue d’Allemagne. Mardi dernier, le ministre de l’Environnement, Juergen Trittin, a mis en garde contre la possible contamination des pâturages par des engrais contenant des farines animales. Il a fondé ses dires sur les recommandations du Conseil scientifique pour la protection des sols.

Jeudi, c’était au tour de la «Wirttchaft Woche» de publier un article corroborant ces thèses alarmistes. L’hebdomadaire allemand citait Markus Moser, directeur de Prionics, la société zurichoise qui commercialise l’un des tests de dépistage de l’ESB, l’encéphalopathie spongiforme bovine.

Mais la réaction de Markus Moser ne s’est pas fait attendre. «Mes propos, dit-il, ont été mal interprétés. Après avoir enregistré son premier cas de vache folle, l’Allemagne est en proie à la panique. Cela entraîne inévitablement des confusions et des dérapages».

Ce scientifique n’aurait ainsi jamais affirmé que les pâturages étaient contaminés par les prions et que cette situation pouvait entraîner la propagation de la maladie dans l’élevage biologique.

«Cela n’exclut toutefois pas la présence de la maladie dans le cheptel d’élevage biologique, tient à préciser Markus Moser. En effet, un animal peut être contaminé avant d’intégrer une exploitation biologique».

Sur la question de la contamination des sols par le prion, les scientifiques s’interrogent encore. Les farines animales ont certes été clairement identifiées comme étant un des vecteurs de contamination de l’ESB. Mais «rien ne permet d’affirmer qu’elles sont les seules sources de contagion», constate Markus Moser.

On le constate entre autres dans la maladie de la tremblante du mouton où l’agent infectieux – le prion – contamine les pâturages. «Cette contamination intervient notamment par le biais du placenta, lorsque les brebis mettent bas, explique Lukas Perler, responsable adjoint du projet «Eradication ESB Suisse», à l’Office vétérinaire fédéral. Mais, aujourd’hui, rien ne permet de croire qu’un phénomène identique puisse se produire avec l’ESB.

C’est pourtant l’amalgame entre ces deux maladies qui semble avoir semé la confusion dans les rangs des politiciens allemands et suscité les doutes des scientifiques.

Autre motif d’inquiétude: la contamination des pâturages par le biais de farines animales contenues dans les engrais. L’Office vétérinaire fédéral comme l’Office fédéral de l’agriculture admettent volontiers que ces protéines carnées sont utilisées pour fertiliser les sols. Ils ne sont toutefois pas en mesure de préciser dans quelles quantités.

«Le risque de contamination de la plante est exclu, précise Daniel Guidon, responsable des aliments pour animaux à la station agricole de Posieux (FR). Si problème il y a, il concernerait les farines déposées dans l’herbe et absorbées par les animaux».

Les spécialistes avouent qu’ils s’interrogent depuis des années déjà sans être en mesure d’apporter une réponse claire à cette question. Et pour cause. A ce jour, aucun test ne permet de mesurer la présence du prion – responsable de l’ESB – ailleurs que dans les cerveaux et les centres nerveux des animaux atteints. Impossible donc de vérifier la présence de l’agent infectieux dans l’engrais, les farines animales ou les pâturages.

En revanche, les recherches prouvent que le prion est particulièrement résistant. «Des expériences ont démontré que l’agent infectieux est encore actif après avoir séjourné dans le sol durant trois ans, révèle Markus Moser. On estime qu’il reste contagieux durant près de quatre ans».

Pour autant, et à l’instar des autres spécialistes suisses interrogés, Markus Moser estime que la contamination des herbivores par la voie des pâturages est peu probable. «Si les farines animales sont stérilisées selon les normes prescrites par les autorités depuis 1993, le risque est quasiment nul», affirme le directeur de Prionics.

Reste que le prion donne encore du fil à retordre aux chercheurs qui sont bien loin d’avoir cerné tous ses modes d’action.

Vanda Janka

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