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Veillée d’armes chez Sulzer

André Daguet (à gauche) et René Braginsky. swissinfo.ch

Bataille décisive, ce jeudi, pour l'avenir du groupe. Les actionnaires vont devoir trancher entre le conseil d'administration et René Braginsky. Le financier bâlois, avec sa société InCentive, souhaite en effet prendre le contrôle de ce qui fut l'un fleurons de l'industrie suisse.

Il y deux mois, René Braginsky, à la tête d’une société financière basée à Zoug, Incentive Capital, secouait le monde économique suisse en annonçant une offre publique d’achat (OPA) contre Sulzer. L’homme est désormais à pied d’œuvre, puisque c’est ce jeudi que les actionnaires, réunis en assemblée générale à Winterthur, doivent lui donner raison…ou tort.

Premier enjeu de cette bataille: le conseil d’administration. InCentive exige le départ de l’équipe actuelle et en propose une nouvelle, conduite par l’Allemand Eberhard von Koerber, ancien président d’ABB Europe. Mais InCentive souhaite également modifier les statuts de l’entreprise, afin de lever la barrière de 5% qui limite le droit de vote d’un actionnaire ou d’un groupe d’actionnaires.

Les responsables de Sulzer, eux, dénoncent un «stratagème» visant à prendre le contrôle du groupe «sans débourser un franc», c’est-à-dire avant que le sort de l’OPA, qui vient de commencer et qui court jusqu’au 22 mai, ne soit scellé. Une offre que les administrateurs rejettent également, la jugeant trop faible. Les intentions d’InCentive sont claires, écrivent-ils dans un rapport aux actionnaires: «acheter Sulzer à bas prix».

Des managers qui ont d’ailleurs reçu, cette semaine, le soutien du Syndicat de l’industrie, de la construction et des services, la FTMH, qui appelle les caisses de pension et les investisseurs institutionnels à refuser l’offre d’InCentive. Une OPA qui, selon la FTMH, conduirait à un démantèlement en règle du groupe Sulzer.

La position de ces dirigeants n’est pourtant guère favorable, à la tête d’une entreprise sans cesse à la recherche d’un nouveau souffle, de restructuration en restructuration. Le conglomérat, fondé en 1834, a ainsi vu fondre ses effectifs de 40% en dix ans (environ 21 000 employés aujourd’hui). Quant au cours de l’action Sulzer, InCentive a beau jeu de relever que son évolution «s’est révélée, depuis des années, insatisfaisante».

Le groupe est certes dans les chiffres noirs (206 millions de bénéfice pour 2000), mais le diagnostique de Volkan Göcmen, analyste à la banque Pictet, est sévère: «L’état de santé devrait être bien meilleur. La profitabilité ne correspond pas du tout au positionnement des activités de Sulzer sur le marché. Il y a encore pas mal de travail à faire.»

Quant à l’avenir, justement, les deux adversaires – les dirigeants du groupe et InCentive – tombent d’accord sur une chose au moins: la scission de Sulzer Medica, spécialisée dans la technologie médicale, qui doit donc devenir une société indépendante. Une spin-off qui fait d’ailleurs partie intégrante de l’OPA d’InCentive.

Reste à savoir ce qu’il adviendra des activités industrielles de Sulzer. Sur ce point, les projets d’InCentive ne sont guère précis, donnant un peu à l’extérieur, estime Volkan Göcmen, l’impression de n’être intéressé qu’au profit à court terme. «Il y a eu un retournement au niveau du sentiment, poursuit l’analyste. Ces dernières semaines, InCentive a raté l’occasion de bien expliquer sa stratégie et cela a joué en faveur de la direction de Sulzer.»

Pierre Gobet, Zurich

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