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A Genève, la polémique est une tradition ancienne

Keystone

Les petits et grands scandales qui agitent Genève depuis plusieurs mois confortent l'image exotique et frivole du canton dans le reste de la Suisse.

Alors que la classe politique suisse a longtemps cultivé l’art du consensus, les élus genevois, eux, s’adonnent volontiers à la polémique. C’est en tout cas l’avis de l’historien Bernard Lescaze.

«Chaque camp cherche en permanence les failles de l’autre camp. Raison pour laquelle les affaires prennent dans ce canton une telle ampleur», précise l’ancien député radical (droite) au Grand Conseil genevois, le Parlement du canton.

Dèjà au 14ème siècle

Et Bernard Lescaze de souligner: «Ce goût pour l’affrontement et la polémique existe depuis des lustres. Au 14ème siècle déjà, l’évêque du lieu estimait que les Genevois étaient des gens qui rouspétaient sans arrêt.»

A l’époque de Calvin, la ville se divise entre partisan et adversaire du prédicateur protestant. Cet affrontement s’est d’alleurs terminé par un coup d’Etat des calvinistes. Au 18ème siècle, Genève connaît deux révolutions. Et ce avant même la révolution française de 1789.

Les 19 et 20ème siècle ne sont pas en reste avec des affrontements gauche-droite parfois très vifs.

Cette polarisation culmine en 1932 avec la mort de 13 manifestants abattus par la troupe. Une conséquence dramatique de la montée en puissance d’un parti d’extrême-droite – l’Union nationale – mené par Georges Oltramare qui tire à boulets rouges contre les élus de gauche et le leader socialiste Léon Nicole, lui-même auteur d’attaques incendiaire contre la bourgeoisie.

Une image en vogue en Suisse alémanique

Or, nombre de ces poussées de fièvre véhiculent leurs lots d’affaires et de scandales montés en épingle par l’une ou l’autre des forces en présence.

Christophe Büchi – correspondant en Suisse romande de la «Neue Zürcher Zeitung » se rappelle d’ailleurs d’un parent lui décrivant cette Genève rouge en proie à la lutte des classes.

Cett image en vogue en Suisse alémanique est du reste revenue avec force lors du sommet du G8 à Evian et son contingent d’émeutes urbaines qui ont secoué Genève en 2003.

Un manque d’écoute

«Genève continue de véhiculer cette image composite et paradoxale d’une ville ouverte, internationale et chaotique », résume le correspondant du prestigieux quotidien conservateur zurichois.

Reste à savoir pourquoi le climat politique genevois connaît de si fréquents orages. Selon Bernard Lescaze, cela tient souvent au refus des maîtres du moment – élus ou non – d’entendre les doléances de leurs administrés ou de leurs adversaires politiques.

«La ville de Genève s’est constituée en commune indépendante en 1842 à cause du refus persistant du canton d’installer l’éclairage au gaz dans la ville », rappelle l’historien genevois.

De plus, les différents secteurs d’activité de la ville se développent sans toujours se rencontrer. Ainsi la Genève internationale (ses organisations, ses entreprises et son secteur financier) connaît une croissance soutenue permettant à Genève d’avoir le plus fort taux de création d’emplois. Alors que la Genève indigène est marquée par le plus fort taux de chômage de Suisse.

Des mondes parallèles

Comme le rappelle Guy Mettan, ces deux mondes s’ignorent superbement. Mais de temps à autre, une partie des indigènes manifeste sa mauvaise humeur.

«Les communistes ont combattu la création du CERN dans les années 50. Plus tard, le parti vigilance (droite populiste) s’en est pris au statut des fonctionnaires internationaux », remarque l’auteur des chapitres consacré à la Genève internationale de l’ouvrage «Le feu au lac » que vient de publier le think tank des milieux économiques Avenir Suisse.

Le député démocrate-chrétien relève au passage que les organisations internationales ne suscitent plus guère de polémiques. Le récent Mouvement des citoyens genevois (parti qui a succédé à Vigilance dissout après quelques années d’existence) s’en prend en effet aux travailleurs frontaliers et plus aux internationaux.

Quant aux critiques des relais locaux de l’altermondialisme – y compris au sein de la municipalité – à l’encontre de l’OMC (dont le siège est à Genève), elles ne se font plus guère entendre.

De l’huile sur le feu

La guéguerre politique n’en continue pas moins de plus belle. Elle se cristallise en ville de Genève tenue par la gauche, une coalition aujourd’hui divisée entre extrême gauche d’un coté et socialistes et verts de l’autre. Avides de reprendre ce bastion de la gauche, les partis de droite jettent à intervalles réguliers de l’huile sur ce feu rouge vif.

On l’a retrouve enfin dans un projet de fusion au sein du monde académique genevois. L’Institut universitaire d’étude du développement, de tradition tiers-mondiste, accepte mal de se faire avaler par l’Institut universitaire de hautes études internationales réputé plus à droite.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

L’immeuble de la rue du Stand: Après avoir acheté pour 31 millions de francs l’immeuble administratif du 25, rue du Stand, l’exécutif de la ville apprend que des travaux pour 8,5 millions sont nécessaires à son aménagement. Une partie des moyens nécessaires à cette rénovation est engagée sans en informer le parlement. Une enquête pénale est en cours pour gestion déloyale des intérêts publics.

Les amendes du maire de Genève: André Hédiger, membre communiste de l’exécutif, est inquiété pour avoir fait sauter des amendes, pour des tiers ainsi que pour lui-même. L’élu a été inculpé par la justice pour abus d’autorité. Cela ne l’a pas empêché d’être désigné comme maire de Genève.

Frais abusif à l’université: un rapport de l’Inspection cantonale des finances révèle des pratiques abusives en matière de notes de frais à l’université. Un autre rapport met en lumière des pratiques douteuses en matière de gains accessoires, indemnités ou caisse de retraite. Le Conseil d’Etat (gouvernement cantonal) a confié une enquête générale sur l’Université à l’ancien procureur et conseiller d’Etat neuchâtelois Thierry Béguin. Le procureur a ouvert une enquête pénale.

Irrégularités policières: des policiers sont soupçonnés d’irrégularités dans la facturation de leurs notes de repas et dans le calcul de leurs heures supplémentaires. La justice a ouvert une enquête pour soupçon de faux dans les titres.

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