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Derrière les ‘affaires’, un besoin de transparence

Le futur maire de Genève André Hédiger est inquiété pour avoir faire sauter des amendes pour des tiers et lui-même. Keystone

A Genève surtout, mais également dans le reste de la Suisse romande, les administrations publiques connaissent des scandales à répétition.

Selon le professeur Martial Pasquier, ces affaires – très différentes les unes des autres – témoignent d’une exigence de transparence toujours plus forte.

Dès le 1er juin, Genève aura un maire – André Hédiger – sous le coup d’une inculpation pour abus d’autorité. C’est le dernier scandale en date à secouer les autorités de la cité lémanique, déjà ébranlées par l’affaire dite de la rue du Stand, soit l’achat non réglementaire d’un immeuble administratif.

La justice genevoise enquête également sur des notes de frais abusives au sein de l’Université et dans le cadre des forces de police du canton.

Ailleurs en Suisse romande, d’autres services publics viennent d’être ternis par des disfonctionnements, comme le CHUV de Lausanne, l’un des plus grands hôpitaux de Suisse, victime d’un détournement de fonds de près de 2 millions de francs.

Professeur à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP-Lausanne), Martial Pasquier explique les tendances lourdes qui favorisent la révélation de ces scandales. Interview.

swissinfo: Ces derniers temps, plusieurs révélations de disfonctionnements ont frappé certains services publics en Suisse romande. Y a-t-il un point commun entre toutes ses affaires?

Martial Pasquier: Ces disfonctionnements concernent des organisations ou des institutions très différentes les unes des autres. De plus, certains cas sont liés à des comportements individuels, notamment avec le prochain maire de Genève André Hédiger ou le professeur du CHUV Julien Bogousslavsky, alors que d’autres sont de nature collective – c’est le cas à l’université ou au sein de la police genevoise.

swissinfo: La polarisation du champ politique suisse joue-t-elle un rôle dans la publicité accordée à ces affaires?

M. P.: Je ne pense pas qu’il y ait une relation directe entre la polarisation politique et ces disfonctionnements. Notre système politique reste tout de même largement basé sur la concordance et le consensus. Et les partis gouvernementaux ont largement accès à l’information. Ils n’ont donc pas besoin de médiatiser une affaire pour en découvrir les éléments.

swissinfo: Est-ce l’évolution des mentalités qui explique le retentissement de ces affaires?

M. P.: C’est un point important. Mais, plus que les mentalités, ce sont deux grandes tendances lourdes qui contribuent à provoquer et à alimenter les discussions.

La première tendance est la transparence des administrations. Celles-ci sont restées longtemps murées dans le secret. Or, depuis plusieurs décennies dans les autres pays et quelques années chez nous, on observe un renversement de la logique. Le secret devient non plus la règle, mais l’exception. La prochaine entrée en vigueur de la loi sur la transparence au niveau fédéral va dans ce sens.

Mais les administrations et les autorités politiques doivent encore apprendre à devenir plus transparentes.

La deuxième tendance correspond à ce qu’on appelle «l’accountability», ou la capacité de rendre compte. Les citoyens exigent non seulement que les autorités et les administrations rendent des comptes sur les finances, mais aussi sur les actions publiques et la manière dont elles conduisent ces actions.

A nouveau, un très grand apprentissage est nécessaire car les mentalités et les attentes des citoyens sont en avance par rapport aux comportements observés.

swissinfo: Les restrictions budgétaires qui affectent les pouvoirs publics peuvent-elles favoriser l’un ou l’autre de ces dérapages?

M. P.: Ce n’est pas tant les restrictions budgétaires qui sont en cause, mais bien l’insuffisance des outils de gestion et de contrôle, ainsi que le manque d’application des règles de gouvernance.

swissinfo: La gestion des administrations publiques impose-t-elle de nouvelles compétences que n’auraient pas certains de nos élus?

M. P.: Il est vrai que la gestion des administrations publiques est une tâche souvent bien plus complexe que celle des entreprises privées. Si les élus doivent gérer leur département, ils ont d’abord une fonction politique. Ils doivent veiller à ce que des outils de gestion adaptés soient mis en place, permettant de limiter au maximum de tels disfonctionnements.

Interview swissinfo: Frédéric Burnand à Genève

– Le 1er juillet 2006 entrera en vigueur la loi fédérale sur la transparence de l’administration.

– Dès lors, toute personne pourra exiger l’accès à des documents administratifs sans autre justification.

– L’accès pourra être limité ou refusé lorsque des intérêts prépondérants, publics ou privés, l’exigent.

– Si l’autorité refuse l’accès ou ne l’accorde pas dans la mesure souhaitée, le demandeur pourra demander une médiation au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence.

– Le principe de transparence s’appliquera à l’administration fédérale et aux organismes qui assument des tâches publiques, comme les CFF ou La Poste.

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