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Chars pour l’Irak: Berne veut des garanties

La vente des chars à l'Irak continue de faire des vagues. (Photo Ruag) RUAG

Le ministre Joseph Deiss rassure la commission de sécurité: la Suisse ne livrera des blindés à l'Irak que s'ils sont exclusivement utilisés à des fins civiles.

Joseph Deiss a pris cette décision, à la suite des révélations de la «Basler Zeitung», selon lesquelles les Américains destineraient ces chars aux militaires.

Le ministre de l’Economie Joseph Deiss a demandé lundi à ses services de s’assurer que ces 180 blindés «serviront exclusivement à la mise en place de véritables services de police, de protection des frontières et de transport de matériel», selon les termes de son porte-parole.

Mardi, il a affirmé à la commission de sécurité du Conseil national (Chambre basse): «Je vais veiller à ce que cette affaire ne se fasse que si les conditions posées par le gouvernement sont remplies. Voilà où en sont les choses», a notamment déclaré Joseph Deiss.

La majorité s’est laissée convaincre par les explications de Joseph Deiss. La commission a par ailleurs rejeté une proposition de stopper définitivement la vente de ces 180 véhicules de transport de troupe.

Il ne saurait y avoir de neutralité face au terrorisme, a souligné le président de la commission, le radical Eduard Engelberger. Il existe en outre un mandat de l’ONU pour aider le gouvernement irakien à mettre en place des services de police, de surveillance des frontières et de protection d’installations.

Se plier à la résolution de l’ONU

Cela fait des mois que l’exportation prévue de ces vieux chars blindés de l’armée suisse fait des vagues.

Mais les choses se sont précipitées samedi, lorsque la Basler Zeitung a affirmé les M113 ne seront pas utilisés pour protéger les forces de police irakiennes, mais selon les vœux des Américains, pour équiper une division militaire blindée.

Citant l’agence d’information américaine spécialisée Defense Industry Daily, le journal rhénan a dénoncé le fait que les M 113 pourraient servir à constituer une nouvelle division blindée de l’armée irakienne, en combinaison avec des chars de combat T-72 d’origine hongroise.

L’autorisation définitive n’a pas encore été délivrée, a fermement rappelé lundi le Secrétariat d’Etat à l’économie. Le seco a affirmé attendre la preuve du gouvernement irakien que les 180 chars M 113 seront utilisés conformément à la résolution de l’ONU, soit pour la mise en place de véritables services de police, de protection des frontières et de transport de matériel, avant de donner son feu vert.

Le gouvernement irakien doit encore faire parvenir à la Suisse une déclaration officielle sur l’utilisation finale des chars, a confirmé Othmar Wyss, le responsable des exportations au seco.

Remous politiques

Le gouvernement suisse avait donné son aval à cette livraison fin juin. Selon lui, il n’y avait pas de problème éthique, puisque les chars serviraient à protéger les forces de sécurité irakiennes, cible quotidienne de la guérilla.

De plus, cette exportation ne contrevient pas aux mesures d’embargo international et il est dans l’intérêt de la Suisse que la situation en Irak se stabilise. Reste le fait que la Suisse, pays neutre, puisse livrer des chars en Irak a provoqué des remous dans l’opinion suisse et au sein du Parlement.

Le Parti socialiste a interprété ce feu vert comme un virage à 180 degrés de la politique menée jusqu’ici par la Suisse en matière d’exportation de matériel de guerre. L’Union démocratique du centre (UDC, droite dure) a estimé que la neutralité du pays était menacée.

Seuls les démocrates-chrétiens et les radicaux (droite) ont soutenu la décision du gouvernement helvétique.

Après les attentats de Londres, la polémique au sein de la population achoppait principalement sur la crainte que la livraison de matériel militaire à l’Irak ne fasse de la Suisse une cible du terrorisme islamiste.

Joseph Deiss sur le qui-vive

Le ministre Joseph Deiss – qui a toujours défendu la livraison des chars de grenadiers M 113 – attend désormais les conclusions du seco avant de confirmer la livraison.

Par ailleurs, il a déclaré regretter que des politiciens en vue tentent d’utiliser les attentats de Londres pour faire capoter la transaction et que le gouvernement était parvenu à la conclusion que cette vente était sans danger pour la Suisse.

Pour mémoire, les 180 blindés M 113 proviennent des surplus de l’armée suisse et sont équipés pour le transport de troupes et le commandement. Leur valeur est estimée à douze millions de francs suisses.

swissinfo et les agences

D’ici à 2010 l’armée suisse va vendre des surplus d’une valeur estimée à 10 millions de francs:
1200 blindés légers M109 et M113,
200 chars 68/88,
30 hélicoptères Alouette III,
45 avions Tiger F-5,
2600 tonnes de barbelés,
20’600 tonnes de matériel
320 tonnes de filets de camouflage,
230 tonnes de tentes.

– En juin, sur demande du ministre de l’Economie Joseph Deiss, le gouvernement a donné son aval à la vente de 180 blindés de transport de troupes aux Emirats Arabes Unis qui les destinent à l’Irak.

– La décision a fait des remous dans l’opinion. Un journal a découvert que le futur usage des blindés n’était pas clair.

– Le destinataire doit d’abord fournir des garanties, selon la loi sur le matériel de guerre, pour que la livraison soit autorisée.

– Mardi, la majorité de la commission de sécurité de la Chambre du Peuple s’est laissée convaincre par les explications de Joseph Deiss. Par 13 voix contre 10 et 2 abstentions, la commission a refusé de stopper définitivement la vente.

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