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Copenhague, ni noir ni blanc, selon la Suisse

Le ministre Moritz Leuenberger (à droite) et le chef de la délégation suisse Thomas Kolli dans les dédales de Copenhague. Keystone

Achevée dans la douleur samedi, la conférence tenue dans la capitale danoise, souvent présentée comme critique pour l’avenir de l’humanité face au défi climatique, est qualifiée tout à la fois de «succès» et d’«échec» par le ministre suisse de l’environnement Moritz Leuenberger.

Le sommet de Copenhague devait s’achever à 18 heures, mais c’est vers 22 heures vendredi qu’un officiel américain, relayé par une agence anglophone, annonce l’obtention d’un accord «significatif» mais «insuffisant pour combattre la menace du changement climatique».

L’accord est «vendu» à travers les journalistes «embedded» dans leurs staffs respectifs par Barack Obama et Nicolas Sarkozy. Fébrilité, emballement médiatique. Le président américain détaille dans une vidéo cet accord arraché au sein d’une trentaine de pays clés (USA, Europe et grands pays émergeants). Un peu vite toutefois.

Il faudra attendre dix heures samedi, alors qu’Obama, Lula et d’autres sont rentrés chez eux, pour que la vague de mécontentement et de récriminations, sur le fond comme la forme, retombe en séance plénière. Et que l’assemblée de 193 pays se borne à «prendre note» de cet accord à minima qui permet aux 120 chefs d’Etats venus au Danemark de présenter quelque chose au monde.

L’un et l’autre

Pour la Suisse, le résultat de Copenhague est à la fois un «échec» et un «succès», selon Moritz Leuenberger, ministre de l’environnement. «C’est un succès sur le plan de la politique climatique. La plupart des pays – dont une grande partie des pays émergeants et des pays en développement – se sont engagés de manière contraignante à abaisser leurs émissions [chiffres déclarés par écrit d’ici janvier]. Cela n’aurait pas été possible il y a deux ans.»

Mais Copenhague, c’est aussi un échec, selon Moritz Leuenberger. «Nous aurions voulu que tous les pays soient obligés d’abaisser leurs émissions [un accord juridiquement contraignant qui sera retenté à Mexico dans un an], et que soit institué un mécanisme de contrôle et de financement partout dans le monde. Copenhague n’y est pas parvenu et je le déplore.»

Sur le contrôle des engagements de réduction des émissions et de l’utilisation des fonds de soutien, le résultat est mitigé. «Nous avons un compromis, les pays concernés ont déclarés être d’accord d’être contrôlés. Manque le système exact de contrôle, les travaux doivent sur poursuivre.»

Globalement, Copenhague n’est pas au niveau des attentes de la Suisse, indique le ministre, «mais des pas très importants ont été faits pour la politique climatique. L’échec, je le vois dans la gestion des séances, dans la volonté de l’ONU qui voulait résoudre tous les problèmes ici, de la pauvreté à la guerre et les injustices. Il y a avait trop dans ce paquet, il était impossible de conclure.»

Réforme institutionnelle

Jugeant que les Nations Unies sont le seul système possible pour traiter du défi global du changement climatique, Moritz Leuenberger appelle toutefois de ses vœux une réforme institutionnelle. «Le consensus est peut-être un rêve qu’il faut abandonner. Il y aura toujours des minorités qui refusent de s’accorder. Il faut peut-être prendre exemple sur des pays comme la Suisse, qui sait rallier les minorités aux processus afin d’éviter les dictats.»

Grise mine par contre chez les organisations environnementales. «Nous sommes très déçus du résultats de Copenhague, explique Patrick Hofstetter, responsable de la politique climatique au WWF Suisse. Copenhague restera sans doute dans l’histoire comme la possibilité manquée de mettre le monde sur le chemin d’un accord climatique contraignant. Je vois une année 2010 très difficile.»

Pour Patrick Hofstetter, il est vrai aussi que les plus gros émetteurs de la planète se sont légèrement rapprochés ces deux dernières années, depuis la conférence de Bali qui fixait une feuille de route pour les négociations. «Mais rien de vraiment concret n’est vraiment intervenu ces deux dernières semaines.»

Points d’achoppement

Durant ces deux semaines, de nombreux points ont bloqué dans la négociation. En particulier les engagements de réductions des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés (notamment les Etats-Unis), jugés insuffisants par la Chine ou l’Inde par exemple.

Autre point d’achoppement: outre le financement évoqué dans le document final, l’exigence des Etats-Unis surtout d’une transparence (monitoring extérieur) sur ce qui est fait avec l’argent versé pour aider à atténuer le changement climatique et sur les engagements pris.

Le Protocole de Kyoto lui-même, seul instrument juridiquement contraignant (pour les pays industrialisés) sur la réduction des émissions, a suscité les divisions. Certains n’en veulent pas, comme les Etats-Unis, certains jugent qu’il a perdu sa pertinence, car il n’implique pas les deux plus gros pollueurs de la planète que sont la Chine et les USA. Et les pays en développement exigent sa reconduction au-delà de 2012 tout en refusant d’y être soumis.

«Le travail se poursuit, Copenhague n’était qu’une étape intermédiaire», résume Moritz Leuenberger.

Pierre-François Besson, Copenhague, swissinfo.ch

Après deux semaines de négociations, le document de Copenhague de trois pages fixe comme objectif de limiter le réchauffement planétaire à moins de 2°C par rapport à la période préindustrielle.

Sur la question clé du financement de l’adaptation au défi climatique, il prévoit la création d’un fonds spécial – 30 milliards de dollars sur les trois prochaines années (la Suisse fait partie des pays qui s’engagent) pour arriver à 100 milliards de dollars par an dès 2020, destinés aux pays les plus vulnérables.

L’accord prévoit que les pays industrialisés et les pays en développement affirmeront par écrit d’ici janvier leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre. Il évoque aussi une architecture garantissant la transparence de leur mise en œuvre. L’objectif de 50% de réduction des émissions d’ici 2050 est abandonné.

La conclusion d’un accord complet juridiquement contraignant est renvoyée à fin 2010, probablement lors de la conférence de Mexico. Entre temps, une conférence intermédiaire pourrait avoir lieu à Bonn, en Allemagne.

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