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De nouvelles villes «invisibles» en Suisse

La croissance des agglomération menace-t-elle l'existence des campagnes? swissinfo.ch

De nouveaux centres urbains sont en train de voir le jour en Suisse, sans qu'on leur accorde pour autant ce statut.

Une étude montre qu’un fédéralisme extrêmement décentralisateur empêche de répondre aux besoins de ces agglomérations.

Au Nord de Zurich s’est formée ces dernières années ce qui serait la quatrième plus grande ville de Suisse si cette agglomération était considérée comme telle.

Plus de 170 000 personnes habitent le Glattal, une zone formée de huit communes et englobant l’aéroport de Kloten. «Elles sont confrontées à des problèmes identiques», explique Alain Thierstein, de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).

«Mais cette entité n’est dotée d’aucune institution, gouvernement ou parlement, poursuit le professeur. C’est comme une ville invisible.»

Nouvelle actualité

Le Glattal est l’un des exemples traités dans l’ouvrage collectif «Stadtland Schweiz», commandé par le «think tank» Avenir Suisse et présenté cette semaine aux médias.

«Il peut paraître étonnant que les grandes entreprises qui financent Avenir Suisse s’intéressent à l’aménagement du territoire, un concept qui a semblé vieillot ces dernières années», concède Thomas Held, responsable du Think Tank.

«Mais le sujet a retrouvé une nouvelle actualité, poursuit-il. Les exemples d’échecs de planification, ou de manque d’anticipation, se multiplient. Que l’on songe seulement à ce qui se passe avec l’aéroport de Zurich.»

De plus, rappelle Alain Thierstein, reprenant une citation de la sociologue Saskia Sassen, «même l’entreprise la plus digitalisée, la plus globalisée et dématérialisée doit toucher le sol à un moment donné de ses opérations.»

Les développements économiques impliquent donc forcément des modifications territoriales. Pour Avenir Suisse, il est vital d’anticiper ces évolutions et de les rendre compatibles avec les préceptes de développement durable.

Collage ville-campagne-banlieue

Le constat global de l’ouvrage est déjà connu, des spécialistes du moins: les catégories «ville-campagne» sont dépassées, la Suisse s’urbanise en une sorte de collage d’éléments urbains, ruraux et de banlieue.

«Les différences culturelles et sociales entre les villes et les campagnes se sont nivelées», écrivent les auteurs.

C’est dans l’analyse des problèmes posés par ces modifications structurelles que l’ouvrage tente d’ouvrir de nouvelles voies. La conclusion est un coup de boutoir au fédéralisme strict.

Les auteurs ne remettent pas en question le fédéralisme en tant que tel, mais le fédéralisme extrêmement décentralisé qui est celui de la Suisse, où la moindre commune peut fixer son taux fiscal, engendrant par-là une concurrence peu propice aux collaborations.

Une situation absurde

Comme le montre l’exemple du Glattal zurichois, le partage traditionnel des pouvoirs ne permet plus de résoudre les problèmes concrets des agglomérations.

Ou alors il provoque des situations absurdes, comme celle expliquée par le professeur Angelo Rossi, de la Haute école spécialisée du Tessin.

Les communes voisines de Lugano et de Paradiso ne se sont pas consultées avant d’acheter des parois anti-bruit pour protéger les riverains de la ligne de chemin de fer. Elles ont toutes les deux mené des études et des procédures d’acquisition séparément.

Les travaux sont en cours. «On ne sait pas si les deux types de parois coïncideront quand il faudra les joindre», a ironisé Angelo Rossi.

De nouvelles collaborations

«L’espace est tellement fragmenté, institutionnellement, qu’à certains endroits, on ne peut plus rien faire», s’insurge le Tessinois.

Mais les collectivités publiques tentent d’inventer de nouvelles formes de coopération, souvent, aussi, transfrontalières. Les mouvements de fusions de communes qui se font dans plusieurs cantons (Thurgovie, Tessin, Lucerne) en sont aussi l’expression.

Autre exemple de ce besoin grandissant: le canton de Fribourg autorise depuis 1995 les communes à se regrouper en agglomération, a rappelé Alain Thierstein. Les demandes ont afflué.

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

– La Suisse compte cinq grands centres urbains en mutation constante, Zurich, Bâle, le Sotto Ceneri et la métropole lémanique.

– Ils comptent cinq millions d’habitants sur environ 15 000 km2.

– Au Nord de Zurich, les huit communes du Glattal, qui est la région de l’aéroport, sont virtuellement la quatrième plus grande ville de Suisse avec plus de 170 000 habitants.

– Avenir Suisse a été créé en 1999 par quatorze grandes entreprises suisses pour analyser l’évolution de la vie contemporaine sous toutes ses formes.

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