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Feu vert pour la Cour pénale internationale

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La communauté internationale aura sa Cour pénale. 60 pays, dont la Suisse, ont désormais ratifié son statut. Naissance officielle le 1er juillet.

Le patrimoine de l’humanité est une «mosaïque délicate» qui peut être brisée à tout moment par les crimes les plus graves. Si l’on ne veut pas que de tels actes restent impunis, il faut renforcer la coopération internationale. Voilà l’esprit qui présidait, il y a 4 ans, à la création de la Cour pénale internationale.

L’idée n’était pas nouvelle. Il y a plus d’un siècle, l’un des fondateurs du CICR, Gustave Moynier, avait déjà émis l’hypothèse d’un organe judiciaire international permanent pour faire respecter la Convention de Genève sur la protection des soldats blessés.

Mais, à l’exception des procès de Nuremberg et de Tokyo au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il aura fallu les massacres du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie pour que la communauté internationale prenne enfin conscience de la nécessité de réclamer des comptes à leurs auteurs.

Pour de nombreux juristes et hommes politiques, les tribunaux spéciaux établis suite à ces crimes n’étaient qu’un pis-aller de justice. La création d’une instance permanente et impartiale s’imposait. De négociation en négociation, l’idée fit son chemin et aboutit au statut adopté à Rome en 1998.

Un long compte à rebours

Il fallait 60 ratifications pour que la Cour pénale internationale (CPI) devienne réalité. Selon le décompte officiel qui en est fait ces jours-ci au siège de l’ONU à New York, cette condition est remplie. Juridiquement, il faudra cependant attendre 60 jours pour que son statut entre en vigueur.

L’humanité trouvera alors le chaînon qui manquait au droit international. Pour la première fois, une instance judiciaire aura compétence universelle et sans limite dans le temps pour juger les auteurs de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l’humanité.

Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Les pays signataires devront d’abord s’entendre sur les procédures d’élection des juges et des procureurs, sur le budget du tribunal, sur les modes de recrutement de son personnel ou encore sur le site définitif de son siège à La Haye, aux Pays-Bas.

Il faut savoir aussi que la Cour n’aura compétence qu’à l’égard des crimes qui auront été commis après l’entrée en vigueur de son statut. En d’autres mots, cela signifie, par exemple, qu’elle ne pourra jamais juger les auteurs des attentats du 11 septembre 2001 à New York.

Conforme aux aspirations suisses

La Suisse a été le 43e État, en octobre de l’année dernière, à ratifier le Statut de la CPI. Dans son message au Parlement concernant cette ratification, le gouvernement fédéral avait estimé que c’était une nouvelle occasion offerte à ce pays de prouver son engagement pour les droits de l’homme.

«Eu égard à la tradition humanitaire de notre pays, à sa qualité d’État dépositaire des Conventions de Genève et à sa contribution non négligeable aux négociations ayant permis de faire aboutir le projet de Statut, il est important que la Suisse figure parmi les soixante premiers États à le ratifier.»

La Suisse, il est vrai, s’est activement impliquée dans les négociations diplomatiques qui ont abouti à la création de la Cour. Elle a entre autres fait partie du groupe d’Etats pilotes militant pour un tribunal aux compétences fortes et doté de la plus grande indépendance possible.

Les experts suisses ont en tout cas obtenu gain de cause sur un certain nombre de dispositions, notamment sur le système dit de «compétence automatique»: dès qu’un État dépose sa ratification, il accepte du même coup la juridiction de la Cour pour tous les crimes définis dans le traité.

Les juristes ont ensuite fait diligence pour adapter le droit national à ce nouveau maillon de la justice universelle. La loi suisse sur la coopération avec la CPI prévoit entre autres les conditions et les procédures de remise des personnes poursuivies ou condamnées par la Cour.

Avis aux dictateurs

A Berne, au ministère des Affaires étrangères, maître d’œuvre de la ratification suisse, on salue cette 60e ratification en espérant que la Cour servira à mieux faire respecter le droit humanitaire. Sa création répond à un vrai besoin et à un vrai désir de la communauté internationale.

La Suisse, nous dit-on encore, va s’engager pour faire de cette nouvelle entité judiciaire «une institution crédible et aussi universelle que possible». Allusion sans détours à l’absence de certaines grandes puissances: les États-Unis et la Russie n’ont pas ratifié le traité, la Chine ne l’a pas signé.

Faut-il en déduire que l’on navigue en pleine justice virtuelle? Alain Bovard, de la section suisse d’Amnesty International, ne le pense pas. Il avoue néanmoins une certaine frustration, mais se dit aussi que «quelque chose est en train de changer».

S’agissant des crimes passés qui resteront sans doute impunis, Alain Bovard rappelle que des pays comme la Belgique appliquent déjà le principe de la juridiction universelle. «Si d’autres pays l’imitaient, les dictateurs de tous poils seraient moins confortablement installés dans leurs retraites dorées.»

swissinfo/Bernard Weissbrodt

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