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L’«affaire Kerviel» d’UBS fait rugir la presse

UBS a révélé jeudi avoir été victime de la fraude d'un de ses traders de Londres qui a perdu 2 milliards de dollars. Keystone

Confrontée à la fraude d’un trader de sa banque d’investissement, UBS a vu s’envoler deux milliards de dollars. Sale coup pour une banque qui regagnait la confiance des marchés et des clients, constate une presse suisse pas tendre du tout…

Sur la manière déjà, La Liberté juge qu’UBS a «une drôle de conception de la communication. La première banque helvétique règle en quatre lignes ce qui s’annonce comme le plus spectaculaire bouillon de son histoire».

Contrairement à la sanction de la bourse sur le titre UBS, «l’enquête risque de réserver encore beaucoup de surprises», poursuit le quotidien, qui constate que ce retour annoncé de la banque dans les chiffres rouges est une bien mauvaise nouvelle pour ses employés, déjà soumis actuellement à un plan de restructuration. Mauvaise nouvelle aussi pour les caisses de l’Etat, car la grande banque «ne paie plus d’impôt sur les bénéfices depuis 2008».

Pour Le Temps, c’est «la fraude de trop». Son rédacteur en chef écrit sous forme de piqure de rappel qu’«après l’honneur perdu dans la débâcle des «subprime» aux Etats-Unis (2008), le scandale fiscal avec les Etats-Unis, la banque [doit faire] un aveu humiliant et déshonorant pour un établissement que l’on pensait sorti des mauvaises affaires et sur le point de reprendre confiance.»

«Bref, tout est à refaire, sinon à faire, renchérit la Tribune de Genève. UBS se résoudra-t-elle enfin à limiter son activité de banque d’investissement, qui l’a poussée vers l’abîme? Oswald Grübel [son patron] risque fort de ne plus être à la tête de la banque pour en décider. La sécurité des transactions était insuffisante. Elle était clairement de sa responsabilité. Son portrait est destiné à rejoindre la galerie dorée des sinistrés d’UBS, aux côtés d’Ospel et de Kurer.»

Haro sur Grübel

L’actuel CEO d’UBS, annoncé partant en 2013, est en effet dans la mire de plusieurs titres vendredi. 24 Heures résume la situation à sa manière: «Le ´trader fou´ ou l’affaire de trop qui pourrait faire tomber Oswald Grübel.»

Le Blick est plus catégorique et titre «La fin de Grübel». Le CEO, parfois «arrogant», avait la «réputation d’un très bon banquier – jusqu’hier. Il est aujourd’hui entièrement blâmable. Et doit assumer les responsabilités de la faillite du contrôle des risques» de sa banque.

Autre cible: le patron de la banque d’investissement d’UBS Carsten Kengeter, dont la position est «sérieusement affectée», note L’Agefi, rappelant au passage que l’homme est le mieux payé du groupe UBS – «une rémunération totale de 9,3 millions de francs, soit plus de trois fois plus que celle du CEO Oswald J. Grübel».

Mais plus encore que ses tête pensantes, c’est toute la banque qui voit sa réputation impactée, comme le constate la Neue Zürcher Zeitung. La mécanique qui a conduit le trader à faire perdre 2 milliards à la banque «n’est pas encore claire», constate le quotidien.

Selon lui, toutefois, «la question qui se pose est celle de la qualité de la surveillance des transactions. Aussi longtemps que les circonstances d’une violation grave des règles ne sera pas démontrée, UBS devra assumer un gros dégât pour sa réputation.»

Tout le système

Le Tages Anzeiger est lui aussi de l’avis que si «un petit trader met la grande banque en sueur», c’est en fait tout un système qui a capoté, et plus précisément la gestion des risques et les fonctions de contrôle de la grande banque. Le quotidien zurichois prévoit du reste une réduction en taille de la banque d’investissment d’UBS que la banque devrait annoncer le 17 novembre.

Pour sa part, Le Matin cherche à mieux cerner la «manière» du trader, dont l’identité n’est pas confirmée par UBS. «Un jeune homme, selon sa page Facebook, féru de photographie (…) Sa brillante ascension n’a pourtant pas résisté aux fluctuations du franc suisse».

«Le trader serait impliqué dans une transaction qui a mal tourné», écrit Le Matin, citant les propos d’une analyste britannique, qui poursuit: «La transaction a échoué suite à la décision de la Banque nationale suisse d’intervenir pour faire baisser le cours du franc suisse».

Plusieurs journaux font aussi le constat que cette affaire tombe à un moment crucial pour le secteur bancaire. La Chambre basse du Parlement traitait en effet jeudi d’une nouvelle régulation bancaire plus restrictive imposée aux banques systémiques, trop grandes pour faire faillite. Un arsenal régulièrement critiqué par le CEO d’UBS…

Projet important

Cette fraude a «attiré l’attention de tous sur l’importance et l’urgence de ce projet de loi, afin que le contribuable n’ait pas à intervenir une deuxième fois», écrit la Berner Zeitung en référence au sauvetage d’UBS par l’Etat au plus fort de la crise du subprime.

Dans ce projet, qui prévoit un plancher de fonds propres plus élevé, la BZ regrette du reste qu’aucune exigence ne soit imposée aux banques en matière de vente de produits d’investissement risqués.

Le Temps tire quant à lui la morale de cette nouvelle affaire Kerviel. «Malgré un nouveau système de bonus censé récompenser la performance réelle à long terme, cette fraude relance les doutes sur la culture du risque qui règne au sein de marchés financiers qui vivent toujours dans l’illusion que rendement et risque peuvent être dissociés par des artifices mathématiques. (…) La confiance dans tout le système financier est en cause, une nouvelle fois. Pour la restaurer, l’enquête devra être exemplaire et implacable.»

UBS a annoncé jeudi qu’un courtier ayant causé une perte de l’ordre de deux milliards de dollars liée à des transactions non autorisées avait été appréhendé à Londres.

Ce qui a conduit l’agence de notation financière Moody’s à placer la note AA3 long terme d’UBS sous surveillance, en vue d’une possible dégradation en raison des «faiblesses dans la gestion du risque du groupe».

Une perte de 2 milliards de dollars serait certes «gérable» par la banque, note Moody’s, mais «ces pertes soulèvent des questions sur la capacité du groupe à réussir la reconstruction de ses opérations de banque d’investissement».

La nouvelle de l’arrestation du courtier soupçonné d’être l’auteur de la fraude a fait l’effet d’une bombe dans le monde financier et le titre UBS a clôturé jeudi en chute de 10,80% à 9,75 francs suisses, dans un marché haussier.

La banque a précisé que cette affaire risquait de faire plonger dans le rouge ses résultats du troisième trimestre, mais que ses clients ne devraient pas en souffrir directement.

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