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Le Conseil de l’Europe mondialise la démocratie

Andreas Gross a l'impression de moins perdre son temps au Conseil de l'Europe qu'à Berne. Keystone Archive

A l'occasion du 40e anniversaire de l'adhésion de la Suisse au Conseil de l'Europe, célébré lundi, le député socialiste zurichois Andreas Gross tire un bilan positif.

Vice-président de la délégation suisse à Strasbourg, il s’est entretenu avec Barbara Speziali.

Fondé en 1949 par dix pays du continent, le Conseil de l’Europe a pour mission de promouvoir la conscience et l’identité culturelle commune des pays membres. Aujourd’hui, ils sont au nombre de 44, dont la Suisse qui a adhéré en 1963.

Depuis janvier 1995, Andreas Gross est membre de cette Assemblée, qui siège à Strasbourg. Il est également vice-président de la délégation suisse (12 membres) et membre de la Commission du suivi.

swissinfo: quel bilan tirez-vous de 40 ans de participation helvétique au Conseil de l’Europe?

Andreas Gross: pour la Suisse, le Conseil de l’Europe joue un rôle unique: c’est la seule organisation européenne à laquelle nous participons. S’il n’existait pas, nous serions complètement isolés!

swissinfo: à quoi sert le Conseil de l’Europe?

A.G.: c’est une organisation très avant-gardiste. Elle est la première à donner aux citoyens des droits qui vont au-delà des Etats nations. Si un Etat ne remplit pas ses devoirs en matière de droits de l’homme, les citoyens peuvent recourir devant la Cour de Strasbourg.

Je ne pense pas qu’aujourd’hui, les Etats auraient le courage de créer une organisation similaire. Par ailleurs, le Conseil de l’Europe est la seule organisation à disposer d’un Parlement complet, où les voix des parlementaires constituent le moteur.

Il est une source d’inspiration pour l’ONU, qui manque d’un Parlement, et pour les autres continents. Le Conseil de l’Europe est la première étape de la mondialisation de la démocratie.

swissinfo: pourtant, le Conseil de l’Europe est méconnu. Pour quelles raisons?

A.G.: de façon générale, la politique est mal connue. Les médias préfèrent s’intéresser aux faits et gestes des ministres qu’aux travaux quotidiens des parlementaires. Le Conseil de l’Europe, c’est vrai, manque de visibilité.

swissinfo: quel est le rôle du Conseil de l’Europe aujourd’hui?

A.G.: il a retrouvé une grande tâche – qui est sous-estimée – dans la réunification de l’Europe. Il y a beaucoup à faire pour aider les pays de l’ex-bloc soviétique à s’adapter à l’espace européen caractérisé par le droit, la démocratie et une économie respectant l’individu. Le Conseil européen est le lieu idéal.

swissinfo: quelles sont ses faiblesses?

A.G.: le manque de ressources financières. Son budget est dérisoire: il correspond aux dépenses faites par le Parlement européen pour la délocalisation de ses travaux de Bruxelles à Strasbourg!

C’est irresponsable. L’objectif principal du Conseil européen est la défense des droits de l’homme et de la démocratie. C’est le meilleur moyen de prévenir les guerres. Or, il existe en Europe des situations de misère, qui risquent de provoquer des conflits.

swissinfo: la Suisse joue-t-elle un rôle particulier au Conseil de l’Europe?

A.G.: la délégation suisse est effectivement l’une des plus visibles et des plus actives. Alors que ses membres sont les moins bien payés de l’Assemblée! La plupart des autres membres reçoivent un salaire mensuel et ont des assistants, ce qui n’est pas notre cas.

swissinfo: qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans votre activité comme membre de l’Assemblée?

A.G.: j’ai appris énormément sur l’Europe. Et surtout j’ai découvert la misère qui frappe certains pays comme la Moldavie, l’Ukraine, certaines régions de Russie, les pays du Caucase.

Dans ces pays, où je suis allé plusieurs fois, la moitié des gens vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Des gens vendent leurs organes pour pouvoir payer les frais de santé de leurs parents: on croit revivre la barbarie du Moyen-Age.

swissinfo: les rapports qui sont faits par les missions d’observation servent-ils à quelque chose, sont-ils efficaces?

A.G.: absolument. La notion d’efficacité n’est pas la même pour une entreprise qui veut gagner de l’argent ou quand on parle d’instaurer la démocratie.

swissinfo: vous n’avez donc pas l’impression de perdre votre temps au Conseil de l’Europe?

A.G.: au contraire! Je perds plus mon temps à Berne qu’à Strasbourg!

Interview swissinfo, Barbara Speziali

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