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Le génocide arménien est une «affaire turque»

A Erevan, en Arménie, un mémorial rappelle la tragédie arménienne. Keystone Archive

Contrairement à la Chambre du peuple, la Chambre haute du parlement suisse ne se prononcera pas sur le génocide arménien par la Turquie.

Peter Briner, président de la commission de politique extérieure du Sénat, estime que des pays tiers n’ont pas à montrer du doigt la Turquie, 90 ans après les faits.

La commission des affaires étrangères a décidé de ne pas porter l’affaire du génocide de 1915 devant le plénum de la Chambre des cantons, a indiqué samedi Peter Briner (Parti radical, droite).

Comme le gouvernement, la commission estime que l’affaire n’est pas du ressort du parlement.

Il appartiendrait plutôt aux parties concernées, soit la Turquie et l’Arménie, de s’en saisir. Une commission mixte d’historiens devrait «se pencher sur les événements horribles» comme la Suisse a réfléchi sur son histoire durant la 2e Guerre mondiale.

Membre de la commission, Françoise Saudan renchérit. Samedi sur les ondes de la Radio Suisse romande, la radicale genevoise s’est dite «mal à l’aise quand nous nous posons en justicier du monde entier».

Ne pas plier face aux pressions

La Suisse ne doit pas se montrer faible face à la Turquie, même si elle ne doit pas pour autant répliquer de la même façon, a par ailleurs déclaré M. Briner.

Le sénateur est revenu samedi sur l’annulation par Ankara de la visite que le président de la Confédération Joseph Deiss devait effectuer en Turquie en septembre.

Une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre ces jours-ci en Suisse, et qui constitue un nouvel épisode d’un bras de fer qui ne date pas d’aujourd’hui entre la Turquie et la Suisse.

En 2003, rappelons que la visite diplomatique de Micheline Calmy-Rey, ministre des Affaires étrangères, avait été reportée de 18 mois. Motif, le parlement vaudois avait voté un postulat reconnaissant le génocide arménien.

«Il est important de ne pas courber l’échine», a précisé le président de la commission de politique extérieure. Selon lui, «c’est bien qu’il y ait eu ici de vives réactions». Que la Turquie justifie l’annulation de la visite de Monsieur Deiss par des raisons d’agenda ne correspond sûrement pas à la vérité.

C’est une formule diplomatique typique lorsqu’on ne trouve pas de meilleure explication, a ajouté M. Briner. «On ne peut s’empêcher de penser que le gouvernement turc essaie de calmer la population en brassant de l’air.»

Mobilisation anti-Suisse

Les médias turcs ont manifestement «mobilisé l’opinion contre la Suisse». L’affaire est liée à la procédure que la justice suisse a déclenchée contre le chef du Parti des travailleurs turcs (PKK) et contre un historien pour avoir nié le génocide arménien en 1915.

Selon M. Briner, la Turquie sait pourtant très bien que, si elle veut adhérer à l’Union européenne, elle ne pourra faire l’économie de se pencher sur la question arménienne.

«Or, la question est délicate en politique extérieure», a relevé le conseiller aux Etats.

Françoise Saudan n’est, quant à elle, pas aussi catégorique. Elle estime que même l’UE, dans ses discussions avec la Turquie, a des exigences concernant les relations avec Chypre, mais ne revient pas sur le génocide arménien.

swissinfo et les agences

L’interprétation historique de la mort et de la déportation de 800’000 à 1,8 million d’Arménien entre 1915 et 1918 provoque des tensions entre la Turquie et de nombreux pays européens.
Le génocide a été reconnu par le parlement de plusieurs pays, dont la France, les Etats-Unis, la Russie, l’Italie, etc.
L’ONU a fait le pas en 1985, deux ans après le parlement européen.

– Sans utiliser le mot «génocide», le gouvernement suisse a condamné plusieurs fois les tragiques déportations de masse et les massacre d’Arméniens.

– La Chambre basse du parlement fédéral ainsi que le parlement du canton de Vaud ont reconnu le génocide arménien.

– Récemment, la justice suisse a ouvert une enquête sur l’historien turc négationniste Yusuf Halaçoglu et le chef du Parti des travailleurs Doğu Perinçek .

– Ce qui a provoqué la mauvaise humeur d’Ankara, qui a décommandé la visite prévue en septembre du président de la Confédération Josef Deiss.

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