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Le nombre d’accros du shopping explose

Le shopping est souvent une manière d'échapper à ses soucis. Keystone

Près de 275’000 Suisses souffrent d’une frénésie d’achats. Une dépendance qui aggrave, sinon provoque des problèmes relationnels, professionnels, psychiques et bien sûr financiers.

En dix ans leur nombre a doublé. Les services d’assainissement des dettes tirent la sonnette d’alarme.

En Suisse, près d’un adulte sur vingt est un acheteur compulsif. C’est ce qui ressort d’une enquête menée à la fin de l’an dernier par la Haute Ecole de Travail social de Berne et l’Institut de recherches gfs, dont les résultats ont été rendus publics lundi.

Ce chiffre (4,8% de la population) est à mettre en rapport avec celui obtenu en 1994 au terme d’une enquête menée sur la seule ville de Zurich. A l’époque, la proportion de personnes incapables de résister à leurs pulsions d’achats était de 2,5%.

Le nombre d’acheteurs compulsifs aurait donc pratiquement doublé, du moins si l’on accepte de comparer un résultat obtenu dans une grande ville à un autre obtenu au niveau du pays tout entier.

Quoi qu’il en soit, les chiffres suisses correspondent à ceux des autres pays hautement industrialisés

A titre d’explication, les auteurs de la dernière enquête avancent l’augmentation des revenus, mais également les stratégies déployées par l’économie pour inciter les jeunes à la consommation.

Un mal qui frappe les jeunes…

Les jeunes et les femmes sont en effet les principales victimes de cette dépendance.

Selon les estimations des spécialistes, les enfants et les jeunes en Suisse disposeraient chaque année de quelque 600 millions de francs d’argent de poche.

Un pactole qui attire évidemment les convoitises des opérateurs et des marchands de téléphonie mobile, d’électronique de divertissement, de voitures, de vêtements ou de vacances.

Rien d’étonnant dès lors à ce que 17% pour cent des 18-24 ans avouent avoir de grosses difficultés à contrôler leurs pulsions d’achat, et 47 % admettent un problème de contrôle, qui va de «léger» à «moyen».

Chiffres corroborés par la SA pour l’étude des moyens publicitaires dans les médias (remp). Selon elle, un quart des jeunes Alémaniques entre 14 et 24 ans dépense davantage d’argent qu’il n’en a.

… et les femmes



Par ailleurs, la tendance aux achats compulsifs est presque deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Cette différence s’expliquerait par la répartition des tâches dans les ménages, les achats étant souvent du ressort des femmes.

En passant plus de temps dans les magasins, elles sont davantage exposées à la surconsommation, remarquent les auteurs de l’étude.

Au chapitre des motivations, 35% des femmes disent acheter pour échapper à un quotidien peu réjouissant et pour se détendre. 14% avouent avoir mauvaise conscience et 7% admettent même que souvent elles ont honte de certains achats inutiles, au point de les cacher à leurs proches.

Comme une drogue

Généralement, les accros du shopping ressentent un besoin irrésistible de consommer. Le fait d’acheter suscite chez eux des sensations euphoriques pouvant créer une dépendance comparable à l’alcoolisme, au tabagisme ou aux autres toxicomanies.

«Il s’agit plus qu’une dépendance psychologique que d’une dépendance physique, explique à swissinfo Verena Maag, une des auteurs de l’étude. Acheter procure un sentiment d’euphorie, un peu comme la cocaïne».

«Mais cette euphorie ne dure pas longtemps, poursuit la sociologue. Peu après vient la honte d’avoir acheté au-dessus de ses moyens quelque chose dont on n’avait pas besoin. Et cela rend souvent les gens dépressifs».

Et comme les autres drogues, celle-ci a des effets ravageurs. Le premier d’entre eux est bien sûr l’endettement. Les personnes incapables de maîtriser leurs pulsions empruntent souvent pour financer leurs achats.

Campagne de sensibilisation

Pour tenter de faire face au problème, l’Association faîtière des services d’assainissement de dettes lancera cet automne la campagne nationale «max.money».

Principalement destinée aux jeunes, elle visera à les sensibiliser à l’argent et à les rendre conscients de leurs comportements de consommateurs. Elle s’étendra sur cinq ans et aura pour supports des jeux en ligne, un magazine, un livre et un CD.

L’Association, qui ne dispose que de 40 personnes à plein temps pour faire face à 275’000 acheteurs compulsifs, demande en outre au monde politique davantage de ressources financières pour ses activités de conseil et de soutien.

Un coût social très élevé

Car ce fléau coûte cher à la société. Les acheteurs compulsifs se soucient généralement assez peu de leurs dettes et il a été calculé que les impôts impayés faisaient perdre chaque année environ 36 millions de francs au fisc dans le seul canton de Zurich.

Au deuxième rang viendraient les primes d’assurance maladie impayées. L’an dernier, au niveau suisse cette fois, les caisses maladie ont ainsi enregistré un manque à gagner de 400 millions de francs.

swissinfo et les agences

– L’enquête menée par la Haute Ecole du Travail Social de Berne et l’Institut de Recherche gfs a porté sur les comportements d’achat d’un échantillon de 705 Suissesses et Suisses, représentatif de la population globale.

– Il en est ressorti que 4,8% de la population présente une dépendance aux achats compulsifs. Ces quelque 275’000 personnes ne contrôlent pas leur besoin d’acheter et se soucient peu des conséquences.

– En 1994, une enquête portant uniquement sur la ville de Zurich avait permis d’évaluer la proportion de personnes dépendantes à 2,5%. Le chiffre a donc presque doublé en dix ans.

– La tendance à acheter sans retenue est la plus répandue chez les jeunes: entre 18 et 24 ans, les personnes interrogées sont 17% à avoir de grandes difficultés à contrôler leurs besoin d’acheter et 47% admettent un problème de contrôle qui va de «léger» à «moyen».

– Par ailleurs, le nombre de personnes présentant une dépendance aux achats compulsifs est presque deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes.

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