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Le premier métro de Suisse bientôt sur les rails

Journées portes ouvertes en décembre dernier, avant l'entrée en fonction à partir de septembre. Keystone

A l'automne, Lausanne aura un «vrai» métro: une ligne presque entièrement souterraine de 6 kilomètres à travers la ville, qui devrait servir à toute une région.

La capitale vaudoise deviendra aussi la plus petite cité au monde à disposer d’un métro entièrement automatique, le premier et le seul du pays.

Durant plus d’un siècle, les Parisiens, Berlinois ou Londoniens débarquant à Lausanne ont découvert avec amusement un métro qui n’avait en commun avec le leur que le nom. Cinq stations, 1500 mètres de voies (du lac au centre), dont 300 en tunnel, la «ficelle», ainsi nommée en mémoire du funiculaire qui l’avait précédé dès 1877, est alors le plus petit métro du monde.

Au début du 20e siècle, la capitale vaudoise est sillonnée de tramways bruyants, qui peinent à gravir ses rues en pente. Puis au fil des décennies, la voiture s’impose. En 1964, les trams disparaissent définitivement au profit des bus et des trolleys.

Trente ans plus tard, Lausanne redécouvre les vertus du chemin de fer urbain en site propre, plus écolo que la voiture, plus rapide que le bus. En 1991, la ville inaugure les 7,8 kilomètres du TSOL (Tramway du sud-ouest lausannois), qui relie le centre à la commune périphérique de Renens, via le campus de l’Université et de l’Ecole polytechnique fédérale (EPFL).

Deux métros, un réseau

Aujourd’hui, on ne dit plus TSOL mais m1 (pour métro 1) et toute la région attend l’ouverture du m2, qui prolongera le tracé de l’ancienne «ficelle» jusqu’à l’extrême nord de la ville, en passant par les lieux les plus courus du centre. Et au vu de la fréquentation lors des portes ouvertes, sur le chantier, le projet a la cote d’amour auprès de la population.

Il n’en a pas toujours été ainsi. Parmi les sceptiques de la première heure, Christophe Jemelin, du laboratoire de sociologie urbaine de l’EPFL, s’inquiétait au départ de la manière dont allaient s’articuler les autres lignes autour du m2.

Ainsi en France, à Nancy ou à Orléans, la mise en service de nouvelles lignes – de tram en l’occurrence – avait commencé par faire baisser globalement la fréquentation des transports publics ! «Le risque, explique le sociologue, c’est de mettre tellement d’argent pour l’exploitation de la nouvelle ligne qu’il n’en reste plus pour les autres».

Ce risque, Lausanne a su l’éviter, notamment grâce à l’intégration précoce des opposants au m2 dans la commission qui a élaboré «Réseau 08», un vrai concept régional de transports publics dont le nouveau métro n’est qu’un des éléments.

«L’offre globale des bus sera nettement améliorée, se réjouit Christophe Jemelin. Même les gens qui ne prendront pas le m2 bénéficieront des effets induits sur toute une série de lignes, en particulier à des moments où l’on ne pense pas forcément à prendre le bus, soit hors des heures de pointe, et le dimanche.»

Impact régional

Et ce n’est pas tout: l’impact du m2 devrait se faire sentir bien au-delà de l’agglomération lausannoise. Au nord de la ligne, un parking de 1200 places juste à la sortie de l’autoroute incitera les pendulaires à ne plus entrer en ville en voiture. Mais il n’ouvrira qu’en 2010.

En attendant, les gens qui viennent de loin pour travailler à Lausanne devraient être tentés par le m2. Actuellement en effet, rejoindre le nord de la ville depuis la gare peut prendre autant de temps que venir en train depuis Genève.

Problème: la ligne de chemin de fer Genève-Lausanne est saturée aux heures de pointe et les autorités locales peinent à faire admettre à Berne qu’il faut y construire une troisième voie. Alors, le m2 tout seul, n’est-ce pas insuffisant ?

«Il est évident que dans un monde politico-financier idéal, les deux choses auraient dû aller de pair. Les cantons de Vaud et de Genève se sont réveillés un peu tard pour demander cette 3e voie, admet Christophe Jemelin.

Le sociologue se veut tout de même optimiste: «il existe des réserves de capacité, tout le monde ne commence pas forcément à travailler à 8 heures pile et ne finit pas à 17 heures pile».

En attendant le m3

Finalement, Christophe Jemelin est aujourd’hui un chaud partisan du m2, même s’il regrette le maintien d’un système boîteux pour les voyageurs qui viendront des trains et qui devront toujours sortir de la gare et traverser une place pour prendre leur métro.

Malgré ces réserves, le projet a également conquis la majorité des habitants du canton de Vaud. Appelés à voter sur son financement en 2002, ils ont dit oui à 62%, alors qu’à la même époque, les campagnes bernoises refusaient un crédit pour prolonger une ligne de tram de leur capitale.

Certains pourtant continuent à juger ce chantier pharaonique hors de proportion et regrettent que l’on n’ait pas simplement reconstruit l’ancien réseau des tramways…

«C’est oublier la topographie de la ville, rappelle Christophe Jemelin. Un tram à la place du m2 ne pourrait que reprendre les tracés des trolleys, qui font des séries de zig-zags pour grimper les collines. Cela ne changerait rien du tout en termes d’attractivité des transports publics.»

Des trams, la ville en construira pourtant encore. Dans le cadre du projet d’agglomération Lausanne – Morges, qui vise à assurer l’avenir d’une métropole où vivra la moitié de la population vaudoise (300’000 habitants), on prévoit déjà la ligne du m3, qui doit desservir le nord-ouest de l’agglomération. Et cette fois à l’air libre, parce que le terrain le permet.

swissinfo, Marc-André Miserez

Le métro m2 traverse toute la ville de Lausanne du sud au nord. Il relie le port d’Ouchy (sur le Lac Léman), aux Croisettes au sud de la commune périphérique d’Epalinges.

La ligne fait 6 kilomètres, à 90% en tunnel, avec 14 stations et 336 mètres de dénivellation (la plus forte d’Europe). La pente moyenne est de 5,6%, avec des pointes à 12%. Le trajet Ouchy-Croisettes prendra environ 20 minutes

C’est le premier train entièrement automatique de Suisse, monté sur pneus. Vitesse de pointe: 60 km/h. Une rame toutes les 3 minutes aux heures de pointe, pouvant emporter 220 passagers dont 60 assis. Le m2 devrait transporter 25 millions de personnes par année.

Le chantier aura nécessité l’emploi de 100’000 m3 de béton, renforcé de 12’000 tonnes d’armatures et l’évacuation de 344’000 m3 de terre et de molasse, dont près de 200 000 m3 ont pu être recyclés dans les constructions, remblais et autres aménagements longeant les voies.

Le devis initial était de 590 millions de francs suisses. Le coût final sera d’environ 750 millions. La Confédération paie 190 millions, le canton de Vaud 302 millions et le solde est fourni par la société Lausanne-Ouchy Métro, qui appartient à 100% à la ville de Lausanne et qui bénéficie de prêts de cette dernière et du canton.

L’inauguration, assortie de grandes festivités qui devraient attirer entre 100 et 200’000 personnes, est prévue du 19 au 21 septembre 2008.

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