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Les immigrés ont mauvaise presse dans les médias

LoRa à Zurich est la plus ancienne radio communautaire de Suisse. Elle diffuse des émissions en espagnol, comme Martes Latino. © LoRa

Les médias suisses parlent peu des enjeux liés à l'immigration. Et quand ils le font, c'est souvent pour mettre en avant des délits commis par des étrangers. De quoi ternir fortement leur image.

Les immigrés réalisent qu’ils ont mauvaise presse et les médias pourraient en faire plus pour modifier cet état de fait. C’est ce qui ressort d’une étude mandatée par l’Office fédéral de la communication. Les auteurs félicitent cependant les radios communautaires pour étrangers, qui accomplissent un réel travail d’intégration.

L’étude, intitulée Migration, Médias et Intégration, est la première du genre en Suisse. Elle a été menée par l’Université de Zurich en collaboration avec l’école de radio klipp & klang et elle prend en compte les programmes des radios et télévisions privées et publiques.

«Sur l’ensemble des sujets politiques traités à l’antenne, 6,4 % environ sont consacrés à la migration et aux migrants, ce qui est proportionnellement peu», a relevé lundi Heinz Bonfadelli, responsable de l’étude, lors de la présentation des résultats.

«Dans les sujets qui parlent de la migration, les radios commerciales abordent principalement des problèmes de criminalité, de drogue ou d’infractions aux règles de la circulation», ajoute le professeur en communication de l’Université de Zurich. Globalement 46% des reportages ont une connotation négative.

Les immigrés acquiescent. Un sondage réalisé pour cette étude montre que deux tiers des personnes interrogées pensent que l’on fait une mauvaise presse aux étrangers. Et le taux monte même à 80% chez les immigrés turcs et les étrangers qui se sont fait naturaliser suisses.

Des voix inaudibles

«Les immigrés critiquent le fait qu’il n’y a que quelques programmes où ils sont représentés. Et encore, ils n’ont pas l’occasion de s’exprimer eux-mêmes. Habituellement ce sont des politiciens ou des experts qui parlent des problèmes liés à la migration», commente le Professeur Heinz Bonfadelli.

Avec ses collaborateurs, il a aussi pris en compte les radios communautaires pour les étrangers – qui représentent environ 20% de la population du pays. En Suisse, ces radios sont actuellement au nombre de 7 (la dernière lancée après le début de cette étude) et diffusent dans une vingtaine de langues.

L’étude a montré que six de ces stations proposent des nouvelles de l’étranger, parlent des problèmes liés à la migration, et ont également des programmes culturels.

Mais cette offre n’empêche pas la plupart des immigrés de lire les journaux ou d’écouter les radios en allemand, en plus des sources d’informations provenant de leur pays d’origine.

Il n’y a, par conséquent, pas de «ghetto médiatique» des communautés étrangères, comme certains politiciens le prétendent, affirme Heinz Bonfadelli. Pas plus que les radios communautaires ne produisent des mondes «parallèles». En fait, les auteurs concluent que ces radios contribuent à l’intégration.

Nadia Bellardi, responsable des relations publiques de LoRa à Zurich, la plus ancienne radio communautaire pour étrangers en Suisse, se dit ravie de cette étude.

Un rôle important

«Le rapport met en évidence le rôle que jouent ces radios communautaires en facilitant l’accès aux médias et aux différents réseaux sociaux pour les communautés d’immigrés», explique la voix de LoRa.

Souvent ces radios sont gérées par des volontaires. «Beaucoup de programmes offrent des informations utiles dans la langue des différentes communautés: comment envoyer mon enfant à l’école, comment trouver un emploi», précise Nadia Bellardi.

La plus grande partie des émissions fait référence à ce qui se passe dans le pays d’origine des immigrés, ce qui peut s’avérer particulièrement utile pour les demandeurs d’asile et les réfugiés. En plus, certaines stations de radio offrent un programme plurilingue. LoRa, par exemple, a une émission en farsi et en allemand.

Cela dit le résultat global de l’enquête, qui souligne la tendance à donner une image négative et le mécontentement des immigrés ne surprend pas Nadia Bellardi.

Peu de journalistes immigrés

Un des problèmes principaux est que peu de journalistes, en dehors des radios communautaires, sont issus de l’immigration, poursuit-elle.

Impression confirmée par l’étude, qui montre que 5% seulement des reporters en Suisse ont une origine étrangère. Une situation qui demande à être analysée. «Les journalistes immigrés sont plus sensibles à la problématique, ils ont une approche différente de la situation», explique Nadia Bellardi.

Les journalistes suisses pourraient bénéficier d’une formation en communication interculturelle, suggère de son côté le Professeur Heinz Bonfadelli.

La programmation aussi pourrait être modifiée. «Au niveau des programmes, nous recommandons vivement une plus grande diversité dans les thèmes traités, dit Nadia Bellardi. Nous pensons qu’il serait très judicieux d’offrir plus d’émissions présentant des histoires et des exemples d’immigrations réussies et de mettre l’accent sur le mode de vie des immigrés et des problèmes qu’ils peuvent rencontrer».

Isobel Leybold-Johnson, Zurich, swissinfo.ch
(Adaptation de l’anglais: Philippe Varrin)

Il y a 7 radios communautaires pour les migrants en Suisse (sans compter les radios sur Internet). A l’exception d’une seule, elles sont toutes en Suisse-allemande.

La langue la plus représentée est l’espagnol, suivie par les programmes destinés aux populations des Balkans, aux Turcs (en turc et kurde), puis viennent l’italien et le portugais. L’anglais est aussi bien représenté.

Environ 40% des émissions des radios couvertes par cette étude sont multilingues (allemand ou français et une autre langue).

La plupart des programmateurs d’émissions ont une origine étrangère, ont une bonne formation et sont bien intégrés. 75% sont des hommes.

Environ la moitié des migrants interrogés prétendent utiliser un média destiné aux immigrés (radio, Internet, journaux)

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