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Les néo-nazis ébranlent la fête du Grütli

Les skinheads ont traité le président Schmid de «cochon» et de «Judas». Keystone

Le 1er Août a été perturbé par 700 néo-nazis sur la colline du Grütli. Face au scandale, les organisateurs songent à supprimer la célébration traditionnelle.

Deux fois plus nombreux que l’année dernière, les manifestants, en majorité des skinheads, ont interrompu à maintes reprises avec une agressivité rare le discours du président Samuel Schmid.

Lundi après-midi, le président de la Confédération a sans doute passé l’un des moments les plus difficiles de sa carrière politique. Lors de son discours du 1er Août sur la prairie mythique du Grütli, il a été chahuté et injurié par quelque 700 extrémistes de droite.

Tout en insistant sur la souveraineté helvétique, le conseiller fédéral UDC (Union démocratique du centre, droite dure) a également souligné l’importance de l’intégration des étrangers et des autres cultures pour l’avenir du pays.

Reconnaissant que la situation n’est pas parfaite, il a exhorté les Suisses à «se tourner courageusement vers l’avenir», en votant notamment oui à l’extension de la libre circulation des personnes le 25 septembre.

Il n’a pas fallu plus de deux minutes pour que les manifestants réagissent bruyamment au mot «intégration», comme du reste à chaque fois que Samuel Schmid l’a prononcé.

Debout et drapeaux suisses à la main, la plupart des néo-nazis se sont tenus derrière la foule estimée à 2000 personnes. Ils ont scandé des slogans nationalistes tout en huant et sifflant le président de la Confédération.

Improvisation

Sans se départir de son calme, du moins en apparence, le président de la Confédération a du reste débordé la version écrite de son discours pour donner une place plus importante à la thématique de l’intégration.

«Depuis des siècles, la Confédération puise sa force dans sa capacité d’intégration», a-t-il ainsi lancé aux extrémistes qui réagissaient à l’hommage qu’il rendait aux étrangers «ayant aussi contribué à la prospérité» de la Suisse.

Il a précisé que l’intégration des «personnes venues du monde entier» demandera «un effort de la part des Suisses, mais aussi de ceux qui déposent leurs valises sur notre sol».

Car il faut que ces derniers «respectent les règles et moeurs de ce pays», a souligné le Bernois. Tout en tentant «d’abriter côte à côte églises, synagogues et mosquées», la Suisse devra parallèlement «réagir énergiquement contre toute forme de fondamentalisme» et lutter contre le terrorisme.

Chapelet d’injures

Le président de la Confédération n’a pas seulement été violemment chahuté, il a aussi essuyé des injures de la part des manifestants, pour la plupart âgés de 15 à 20 ans.

Traité de «cochon» et de «Judas», M. Schmid a quitté la prairie immédiatement après la fin de son discours, poussé par ses gardes du corps, et avant même que l’hymne national ne soit entonné par l’assemblée. Le cantique lui-même a été couvert par le chahut des skinheads qui ont chanté de leur côté l’ancien hymne national («Heil dir, Helvetia»).

Emmenés par le Parti des Suisses nationalistes (PNS), les extrémistes de droite ont ensuite manifesté à Brunnen (Schwytz) malgré l’interdiction prononcée par la commune. Ils ont lancé des slogans comme «Nous marchons pour la résistance nationale» ou «la Suisse aux Suisses et les étrangers dehors».

Intolérable perturbation

La présidente de la commission du Grütli Judith Stamm ne tolérera plus que l’extrême droite perturbe la fête du 1er Août sur le site historique. Elle entend lancer dès septembre une réflexion sur l’avenir de la manifestation.

«Je me suis trompée», a reconnu mardi l’ancienne députée démocrate-chrétienne. Jusqu’ici, la Lucernoise estimait que le Grütli devait être ouvert à tous à l’occasion de la fête nationale.

A ses yeux, même les extrémistes de droite respectaient une certaine ligne de conduite. «Mais ce qui s’est passé lundi est indigne», a-t-elle déploré.

Pour elle, la commission doit à présent se demander si la manifestation doit être maintenue et sous quelle forme. Toutefois, a noté la présidente, qu’elle décide d’annuler l’édition 2006 ou de la rendre accessible aux seuls invités, des problèmes logistiques se poseront.

Violence inégalée

En 2000, des manifestants d’extrême-droite avaient déjà hué le président d’alors, Kaspar Villiger, durant son allocution du 1er août sur la plaine mythique qui domine le lac des Quatre-Cantons.

Mais les perturbations étaient alors ponctuelles et le conseiller fédéral n’avait pas fait l’objet d’attaques personnelles et irrespectueuses, comme Samuel Schmid cette année.

Pour Mme Stamm, la manifestation de lundi a dégénéré car les apparitions des membres du gouvernement se font plus fréquentes. Cela renforce certes un sentiment de proximité entre les Sept Sages et leurs concitoyens, mais cette visibilité provoque également une perte de respect pour la fonction qu’ils occupent.

Comme le WEF

En cas d’abandon de la manifestation, la plaine devra être fermée du 31 juillet au 2 août, a expliqué Mme Stamm. «Il n’est pas concevable que les extrémistes de droite tiennent une fête privée sur le Grütli», a-t-elle indiqué.

Organiser une fête sur seule invitation pose d’autres difficultés. «Du point de vue du droit, cela serait faisable, puisque la prairie appartient à la Confédération», a ajouté Mme Stamm.

Mais, dans ce cas, la police devrait tenir les manifestants à l’écart et «cela finirait par ressembler au WEF».

La commission va également examiner la proposition d’organiser une fête urbaine et moderne sur le Grütli, à la place de la cérémonie traditionnelle. Toutefois, la responsable a dit ne pas être convaincue que cela empêcherait les skinheads d’effectuer leur pélerinage du 1er Août.

Nombreux petits groupes

La scène d’extrême-droite en Suisse est formée de nombreux petits groupes qui n’entretiennent que des contacts irréguliers. Ils plongent leurs racines soit dans la mouvance skinhead, soit dans les cercles révisionnistes et nazis.

Pour l’expert Hans Stutz, il est certain que le nombre des adhérents a augmenté ces dernières années. Mais il est difficile de les dénombrer, car la propagande se fait par le bouche-à-oreille et la mobilisation au moyen de tracts.

swissinfo et les agences

En 2004, le rapport sur la sécurité intérieure recensait 1000 extrémistes de droite.
Ils sont regroupés dans des groupes de skinheads tels que les «Hammerskins» ou le «Morgenstern».
Créé en 2000, le Parti des Suisses nationalistes (PNS), est à l’origine des contre-manifestations sur le Grütli.
Un membre de ce parti a été élu en avril à l’exécutif communal de Günsberg (Soleure).
Récemment, 4 membres du PNOS ont été condamnés à une amende pour atteinte à la loi contre le racisme.

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