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En Suisse, les fondations caritatives se multiplient

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La Fondation Jacobs - l'une des plus importantes de Suisse avec 7 milliards de francs d'actifs - finance des activités comme la recherche sur le développement de l'enfant. Keystone

La Suisse possède l'une des plus fortes concentrations de fondations philanthropiques au monde - et le secteur continue de croître fortement. L'an dernier, plus de 13’000 fondations subventionnaires ont été enregistrées, avec une fortune combinée de près de 100 milliards de francs suisses (100 milliards de dollars), soit une augmentation de 30% depuis 2012, selon un nouveau rapport.

L’année dernière en Suisse, 364 nouvelles fondations d’intérêt public ont vu le jour et 187 ont fermé boutique, portant le total de ces entités à 13’129, selon le dernier rapport annuelLien externe de l’organisation faitière SwissFoundations.

Selon ses auteurs, la Suisse possède l’une des concentrations les plus élevées au monde – 15,6 fondations pour 10’000 habitants – la moitié d’entre elles ayant éclos ces 20 dernières années. Au cours des cinq dernières années, la fortune totale de ces fondations a augmenté d’un tiers pour atteindre 97,4 milliards de francs. La présence de grosses institutions porte l’actif moyen d’une fondation à 8,2 millions de francs, mais 80% d’entre elles ont une fortune inférieure à 5 millions. Les missions traditionnelles restent la culture et les loisirs, suivis par les services sociaux, l’éducation et la recherche, la santé et l’environnement. Moins de 5% des fondations suisses qui octroient des subventions sont religieuses. Environ la moitié des fonds vont à l’étranger.

Patrimoine privé suisse

Plusieurs facteurs expliquent le dynamisme récent de ce secteur caritatif. Le premier est l’augmentation générale de la richesse privée. La Suisse reste le plus grand centre de gestion de fortune au monde pour les actifs internationaux (1,84 trillions de dollars en 2017) et une partie des fonds étrangers et suisses vont à des fondations.

«Au moment de l’héritage, beaucoup d’argent est transmis, mais de nos jours, il s’agit plutôt de personnes âgées de 90 ans qui donnent à des personnes âgées de 60 ans, et souvent ces personnes sont déjà installées et ont assez d’argent pour la vie, alors elles pensent à ce qu’elles peuvent faire d’autre avec leur héritage», explique Georg von Schnurbein, directeur du Center for Philanthropy StudiesLien externe de l’Université de Bâle.

Un autre facteur avancé par Georg von Schnurbein découle de l’évolution du rôle de l’État et de la société civile: «Aujourd’hui, surtout en Europe, les gens se rendent compte que l’État ne peut pas résoudre tous nos problèmes, alors ils s’engagent davantage dans les questions éducatives et sociales.»

Le rapport indique également que l’augmentation récente des fonds est liée à de nombreuses institutions telles que les maisons de retraite ou les musées qui se transforment en fondations. En outre, les fondations qui avaient investi massivement dans l’immobilier en ont récolté les fruits.

Les spécialistes affirment également que la stabilité du système juridique suisse, plutôt qu’un traitement fiscal particulier, a contribué au développement. «C’est très facile de créer une fondation ici. Il existe des réglementations très souples, en termes d’objectifs, d’organisation et de rapports, relève M. von Schnurbein. Aux Etats-Unis, les fondations ont une déduction fiscale de 40% mais en Suisse, elle n’est que de 20%.»

Le dynamisme général du secteur est favorisé par «l’attitude positive des Suisses à l’égard de l’action philanthropique», selon Claudia Genier, directrice adjointe de SwissFoundations.

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Places fortes

L’année dernière, la plupart des nouvelles fondations ont été créées dans le canton de Zurich (57), suivi de Genève (55) et de Zoug (47). Zoug a connu un boom des fondations dites crypto liées à l’émergence des technologies de la blokchain.

«C’est principalement la structure juridique de la fondation qui a rendu la Suisse attrayante pour ces technologies de la chaîne, déclare Georg von Schnurbein. C’est assez libéral. Dans les années à venir, tôt ou tard, il y aura davantage de réglementation pour ces fondations du domaine. Mais pour l’heure, c’est un peu l’Ouest sauvage.»

Bâle, berceau de la philanthropie suisse dédié aux arts et à la culture, reste le canton avec la plus forte densité de fondations donatrices avec un patrimoine d’environ 17 milliards de francs.

A Genève et dans le reste du bassin lémanique, le secteur s’est rapidement développé au cours des cinq à dix dernières années, sous l’influence de ce qu’on appelle la Genève internationale et de l’expertise financière. «Il y a peu d’endroits sur cette planète avec une telle concentration d’experts dans tous les domaines dans une si petite zone», relève Claudia Genier.

En septembre dernier, l’Université de Genève a lancé un Centre en PhilanthropieLien externe, en collaboration avec la Fondation Lombard Odier et la Fondation Edmond de Rothschild, pour encourager la recherche académique et l’enseignement. L’IMD de Lausanne et l’Université de Saint-Gall ont récemment rejoint ce champ de recherche.

Cette année, le Center for Philanthropy Studies de l’Université de Bâle et le Centre for Foundation Law de l’Université de Zurich célèbrent tous deux leur dixième anniversaire. Il existe aujourd’hui plus de 20 centres de recherche philanthropique similaires en Europe.

Une récente étudeLien externe de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDELien externe) sur la philanthropie privée consacrée au développement indique des flux moyens de 7,8 milliards de dollars par an, sur la base de données provenant de plus de 130 des plus grandes fondations philanthropiques privées du monde entier. Les fondations suisses ont versé quelque 572 millions de francs entre 2013 et 2015, selon l’OCDE.

Alors que près des trois quarts des fonds provenaient de fondations basées aux États-Unis – la Fondation Bill & Melinda Gates (BMGF) représentant environ la moitié de ce montant – les autres pays les plus importants sont la Grande-Bretagne (7%), les Pays-Bas (5%), la Suisse (2%), le Canada (2%) et les Emirats arabes unis (2%).

Selon Georg von Schnurbein, 1 milliard de dollars dépensés par ces fondations dans le monde passe par la Suisse. Environ un tiers des dépenses annuelles est versé à des organisations suisses ou des agences basées en Suisse telles que la Vaccine Alliance GAVI, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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