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Des pionniers suisses dans le labo asiatique du Net

Sur l'île sud-coréenne de Jeju, le port de Swogwipo est en train de se muer en attraction touristique. Keystone

Lancée à Genève en 2006, la conférence Lift sur l'impact social et économique des nouvelles technologies s'implante en Corée du Sud. La société suisse y organise une rencontre cette fin de semaine pour explorer les applications du Net au-delà du Web. Interview de Laurent Haug, fondateur de Lift.

Pour préparer cette 1ère conférence annuelle en Corée du Sud, Laurent Haug a passé une vingtaine de semaines au pays du Matin calme cette dernière année et ce lors d’une demi-douzaine de séjours. Une immersion idéale pour ce chasseur de nouvelles tendances en matière de technologies digitales.

swissinfo: Qu’avez-vous découvert en matière de nouvelles technologies durant vos séjours?

Laurent Haug: Quant ils regardent vers l’Asie, les Occidentaux sous-estiment encore la Corée du Sud. Or cette jeune démocratie est à la pointe dans de nombreuses applications liées aux nouvelles technologies. C’est par exemple dans ce pays qu’ont été inventés les réseaux sociaux (type Facebook). La Corée est aussi très en avance en matière de télécoms, de services via les téléphones mobiles. Dans ces domaines, la Corée préfigure ce que sera notre propre société dans 3-4 ans, que ces développements soient positifs ou négatifs.

La Corée a par exemple instauré l’année dernière un système d’identité numérique (qui s’est révélé inopérant) pour les débats en ligne. Il réagissait ainsi à une vague de suicides de personnes victimes de harcèlement, d’insultes ou de menaces proférées par des internautes couverts par l’anonymat.

D’une manière générale, on constate en Corée que les avancées technologiques engendrent une multitude de services (via par exemple les téléphones mobiles) qui sont autant d’opportunités économiques.

Les jeux vidéo connaissent aussi une évolution majeure. Au lieu de passer 5 heures devant leurs ordinateurs, les jeunes Coréens jouent en réseau tout au long de la journée dès qu’ils ont un instant de libre, même 20 secondes via leur téléphone mobile, leur PC ou leur console.

Dans le domaine de la télévision, le mobile est également roi avec des images d’une qualité stupéfiante. Ainsi, les chauffeurs de taxi conduisent, tout en regardant la télévision. Dans le métro, tout le monde regarde ainsi la télévision.

Et ça n’est pas tout. L’année dernière, les autorités ont promulgué un code de conduite pour les robots. Des machines qui vont par exemple pouvoir rendre toute sorte de services aux personnes âgées ou faire des examens médicaux. Cette nouvelle génération de robots sera sur le marché d’ici une année ou deux.

Cela dit, notre conférence veut aussi ouvrir le champ de vision des Coréens. En terme de collaboration, d’organisation du travail, de rôle des femmes dans la société, ils sont très en retard par rapport à l’Europe. Les Coréens sont très intéressés par notre manière de travailler et de collaborer indépendamment des barrières hiérarchiques très présentes en Corée.

swissinfo: Quelle est la tendance lourde? Est-ce l’usage du Net sur les appareils mobiles?

L. H.: C’est le fait d’être connecté en permanence et que tout (humains et objets) soit connecté. Ce qui n’est pas forcément réjouissant. Un jour, j’ai demandé à un Coréen à quel moment de la journée il lisait le journal, il m’a répondu: quand l’avion décolle ou atterrit, soit le seul moment sans connexion possible.

swissinfo: Les autorités suisses vous soutiennent-elles?

L. H.: Nous avons reçu beaucoup d’aide de la Suisse, que ce soit Présence suisse ou la promotion économique de la Suisse occidentale (les cantons romands et de Berne)

En collaboration avec AlpicT (une plate-forme centrée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication lancée par les promotions économiques de Suisse occidentale), nous avons fait venir 6 start-up en Corée pour notre conférence.

L’objectif est de créer des liens et des réseaux avec ce pays en montrant qu’en Suisse il y a de la créativité et de l’innovation à un niveau global. Nous voulons aussi que ce voyage permette de déboucher sur des contrats pour ces 6 start-up. Nous nous sommes donc associés à une société basée à Séoul qui aide les sociétés européennes à s’installer en Corée. Il faut savoir que les Coréens ont une image extrêmement positive de la Suisse. Ils respectent beaucoup la qualité suisse. Nous essayons de capitaliser sur cette image.

swissinfo: Les entreprises suisses sont-elle déjà bien présentes en Corée?

L. H.: Comme nous l’a précisé l’ambassadeur de Suisse en Corée, il y a 145 familles suisses. Et ce dans un pays de 60 millions d’habitants. Il faut en effet savoir que très peu d’étrangers vivent en Corée, à part les 25’000 soldats de l’armée américaine.

Mais le pays est en train de s’ouvrir, en particulier dans le tourisme et l’économie. Les principales entreprises suisses sont déjà présentes, que ce soit les compagnies pharmaceutiques, les banques ou Nespresso depuis quelques mois.

Nous aimerions donc participer à ce mouvement en facilitant les rapprochements entre la Corée et la Suisse.

Interview swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

Lift est une conférence annuelle fondée en 2006 à Genève. Elle porte sur l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

LiftAsia 08 se déroule sur l’île de Jeju, au sud de la Corée du 4 au 6 septembre sur le thème «Au-delà du web».

Parmi les conférenciers annoncés figurent: Jaewoong Lee, fondateur de Daum Communications, l’un des plus importants portails internet en Asie (40 millions de clients); Joonmo Kwon, PDG de la plus grande société de jeux online, Nexon; Takeshi Natsuno, l’inventeur du japonais iMode, premier «Internet sans fil»; et les visionnaires des villes connectées Jeffrey Huang (EPFL), Yang Soo Yin (The Living) et Adam Greenfield (Nokia Design).

A terme, Lift compte organiser 4 conférences par année, à Genève, en Corée du Sud et par la suite en Amérique latine et en Afrique. L’idée est de déceler les tendances émergentes de la nouvelle économie et de faire circuler les meilleures idées d’un continent à l’autre.

La première conférence de Lift était dotée d’un budget de 40’000 francs. Ce montant atteint aujourd’hui les 400’000 francs.

Le prochain rendez-vous de Lift aura lieu à Genève du 25 au 27 février 2009. Les organisateurs peuvent déjà annoncer la venue de l’Américain Vinton Cerf, considéré comme l’un des pères fondateurs de l’Internet.

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